Rechercher
Rechercher

Actualités - CHRONOLOGIE

Libertés - Les manifestations se sont poursuivies durant le week-end Les forces de l’ordre tabassent les étudiants dans le centre-ville(PHOTOS)

La rue gronde. Depuis la fermeture de la MTV, Achrafieh est devenue un véritable théâtre en ébullition, dont les acteurs s’appellent employés de la MTV et étudiants de l’opposition, brigade antiémeute et camions de la Défense civile – sans oublier les automobilistes. Durant tout le week-end, le mouvement étudiant et les employés de la MTV sont restés mobilisés, en face des locaux de la chaîne de télévision interdite, à Achrafieh, et dans le centre-ville, près de la rue Maarad, où la brigade antiémeute s’est littéralement déchaînée samedi sur les manifestants à coup de matraques et de crosses de fusils. Chronique de ces deux journées-marathons pour les manifestants. Samedi, 19h, centre-ville. Les employés de la MTV ont appelé à une manifestation place de l’Étoile pour faire prendre conscience aux gens que la MTV a été fermée et qu’il y a un combat pour les libertés à mener. Pourquoi la zone Solidere ? Pour bloquer tout mouvement dans ce secteur tant que la MTV est fermée. Dès que les employés, Jihad et Michel Gabriel Murr en tête, et une poignée d’étudiants arrivent sur les lieux, ils sont bloqués par les Forces de sécurité intérieure (FSI) au niveau de la rue Maarad. En quelques minutes, toutes les rues et les ruelles qui mènent à la place de l’Étoile sont quadrillées par l’armée et les FSI. Défense d’entrer. Les cafés ferment, les boutiques aussi. Le centre-ville s’arrête de respirer. Il reste tout de même un seul point d’accès à la rue Maarad, étroitement surveillé par les militaires : c’est l’avenue qui mène à la statue de Riad el-Solh. Les étudiants des divers courants politiques – Courant patriotique libre (CPL-aounistes), Parti national libéral (PNL), opposition Kataëb, Forces libanaises (FL) – mais aussi beaucoup d’indépendants viennent rejoindre les employés de la MTV devant la rue Maarad. Ils finissent par bloquer la route aux automobilistes. L’équipe de la chaîne défile devant un micro pour mettre l’accent sur le fait qu’elle ne transigera pas. L’un des membres du staff donne le ton, en scandant devant les manifestants : « Solidere, tous les jours, jusqu’à ce que la liberté soit de retour »... Ghassan Rahbani, les comédiens du programme « SL Chi », les présentateurs du journal de 20 heures, tous dénoncent les atteintes aux libertés. « Pendant qu’ils sont en train de manger du saumon à Baabda (pour le mariage du député Émile Émile Lahoud), 500 employés sont au chômage », hurle l’un des employés au micro. Et puis le drame Le mouvement est formé exclusivement d’étudiants et d’employés de la MTV. Contactés par les étudiants, aucune des personnalités de l’opposition ne vient se mêler au sit-in, à l’exception du député Farid el-Khazen. Tout se déroule dans le calme et l’atmosphère est à la liesse. Les FSI fraternisent avec les manifestants. Suite à des tractations entre FSI et employés, la route est débloquée autour de 21h30 et le sit-in se poursuit autour des voitures qui passent en klaxonnant pour fraterniser avec les protestataires. Puis, brusquement, tout s’accélère. Les meneurs décident de changer l’emplacement du sit-in, parce que les boutiques de Solidere recommencent à se remplir de touristes et de badauds. Les cafés rouvrent. Le groupe se dirige vers la place des Martyrs, longe le Virgin Megastore, puis bifurque à gauche, vers la rue Weygand, où les cafés sont restés ouverts. Là, les manifestants s’assoient à terre. Ils sont sommés de quitter les lieux. Ils se retrouvent rapidement pris en sandwich entre trois camions de la Défense civile. La brigade antiémeute vient se positionner devant les manifestants. Tout est barricadé, bloqué par les FSI et l’armée sauf quelques petites ruelles sur la droite, du côté de la rue Foch, pleines de cafés bondés de gens. L’ordre est donné de disperser le sit-in. Ce qui ne fait nullement peur aux manifestants. Les plus audacieux vont défier les camions de la Défense civile en criant : « Nous sommes le peuple, la décision est nôtre.» Les autres refusent tout simplement de quitter les lieux, préférant se replier à l’angle d’une autre rue. Mais ils n’en ont pas le temps. Sans crier gare, les camions de la Défense civile dirigent leurs jets d’eau sur les manifestants, de tous les côtés. Certains sont propulsés, trois mètres à l’arrière, par la pression de l’eau. Les protestataires ne reculent pas, il en faut plus pour ébranler leurs détermination. Les touristes n’échappent pas au « bain ». Et puis, c’est le drame. La brigade antiémeute fonce dans le tas, frappant à droite et à gauche, aidée par des membres des services de renseignements (SR) en civil et par des soldats de l’armée. Un des militants du courant aouniste, Tony Orian, déjà tabassé par les SR devant la MTV le soir de la fermeture de la télé, est rossé par les gendarmes. Il porte un casque de taekwondo pour se protéger des coups, qui rebondissent d’ailleurs dessus. Mais il est finalemennt frappé sur la joue par une crosse de fusil. Il s’effondre, et plusieurs des gendarmes se ruent sur lui, en lui donnant des coups de pied. Il est évacué par la Croix-Rouge et emmené à l’hôpital. Des employés de la MTV sont également tabassés par la brigade antiémeute. Certains, parmi lesquels la présentatrice du journal télévisé Norma Younès, sont coincés dans un coin et molestés. D’autres sont interpellés pour quelques instants. C’est la débandade. La brigade antiémeute poursuit la foule dans les ruelles, brutalisant les protestataires entre les tables des cafés, semant la terreur du côté des touristes. Certaines tables sont renversées. La scène relève du tragi-comique. En moins de dix minutes, la manifestation est écrasée. Bilan : trois personnes, Tony Orian, Naïm Asmar et Michel Hajj du CPL, dans un état grave, sont évacués par la Croix-Rouge. Hajj a l’épaule et le bras cassés. Orian, lui, doit rester immobile sur son lit d’hôpital. Du visage au torse, il est couvert d’ecchymoses. D’autres ont eu plus de chance. Ils s’en sortent avec des foulures et des entorses, à l’instar d’André Ferzli, d’Assaad Rizk, de Pascal Khalifé et de Michel Harb. Le groupe se retrouve jusque tard dans la nuit devant les locaux de la MTV à Achrafieh. Ils ne sont pas démoralisés, même si le matraquage du centre-ville leur rappelle celui du Palais de justice, le 9 août 2001. Fidèles à leur promesse de poursuivre leur action jusqu’à la réouverture de la MTV, ils se donnent rendez-vous le lendemain à Achrafieh pour un nouveau sit-in au centre-ville. Certains d’entre eux dorment sur place. La longue marche Dimanche, 17h. Beaucoup d’étudiants ont vu les images de la ratonnade de la veille, diffusées par EuroNews et par des chaînes locales. Pour condamner un tel comportement des forces de l’ordre, ils se sont solidarisés avec les manifestants. Pour eux, il s’agit de la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Devant les locaux de la MTV à Achrafieh, où se poursuit jour et nuit le sit-in contre la fermeture de la chaîne, des centaines de personnes se rassemblent. À 19h30, ils décident de remettre ça et se dirigent vers le centre-ville. Le mouvement traverse la rue de La Sagesse, descend la montée Accaoui, passe par Gemmayzé, puis Saïfi, bloquant la circulation et scandant quatre slogans : « Nous voulons la MTV », « Les soldats sont à Achrafieh alors que Aïn el-Héloué est oubliée », « Liberté, souveraineté, indépendance » et « Solidere, tous les jours, jusqu’à ce que la liberté soit de retour ». Reprenant une célèbre chanson de Ferial Karim, Dis-lui, ils se moquent du ministre de l’Intérieur, Élias Murr. Aux balcons, les habitants de la région applaudissent et fraternisent. Les manifestants traversent ensuite la place des Martyrs, puis la rue Weygand, où il se sont fait tabasser la veille. Ils sont suivis par un camion de la Défense civile et par la brigade antiémeute. Ils décident de ne pas s’arrêter, remontent vers la statue de Riad el-Solh et repartent en direction de l’avenue Béchara el-Khoury. La manifestation, saluée par les klaxons des automobilistes, culmine à Sassine. Sur ce slogan ironique : « Je ne sais pas ce qui se passe, les “moukhabarats” sont partout ». Et pour cause, les services de renseignements en civil sont dans la foule. Dans le plus grand calme, la manifestation se termine là où elle a commencé, devant la MTV. Une longue marche de deux heures pour les libertés publiques, la MTV et la souveraineté du Liban. En attendant la grande marche de mardi à laquelle ont appelé le groupe de Kornet Chehwane, le Forum démocratique, le Renouveau démocratique, le Mouvement du peuple et le Parti communiste, le sit-in devant la MTV devrait se poursuivre durant les prochains jours. À moins que les étudiants ne soient délogés par la force. Michel HAJJI GEORGIOU
La rue gronde. Depuis la fermeture de la MTV, Achrafieh est devenue un véritable théâtre en ébullition, dont les acteurs s’appellent employés de la MTV et étudiants de l’opposition, brigade antiémeute et camions de la Défense civile – sans oublier les automobilistes. Durant tout le week-end, le mouvement étudiant et les employés de la MTV sont restés mobilisés, en...