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Actualités - REPORTAGE

Solidarité - Une première au Liban et une leçon de dévouement Quarante volontaires d’Offre-Joie retapent un quartier pauvre à Tripoli(photos)

C’est un conte sur l’entraide et la solidarité, comme ceux que l’on raconte aux enfants pour leur montrer que le monde est beau. Mais il ne s’agit pas d’une fiction. L’histoire s’est déroulée à Tripoli, au quartier de Baal el-Darawiche, dont le nom, à lui seul, reflète toute la misère du monde. Des volontaires d’Offre-Joie ont choisi ce lieu pour remplacer les ordures par un terrain de jeux aux couleurs de la gaieté, faisant ainsi entrer la lumière dans les maisons délabrées et dans le cœur des habitants qui se croyaient oubliés du monde entier. À Baal el-Darawiche, le soleil semble plus meurtrier qu’ailleurs. Ses rayons tapent droit dans les égouts éventrés, dont l’eau sale stagne dans les rigoles de la rue défoncée. Les ordures s’entassent par petits monticules multicolores et malodorants, dans lesquels les enfants dépenaillés et pieds nus jouent sans relâche. Le long du fleuve Abou Ali, pratiquement desséché, Baal el-Darawiche étend sa misère. Depuis l’époque où ses habitants se battaient contre ceux du quartier de Baal Mohsen, situé un peu plus haut, la région est totalement abandonnée. Les canons se sont tus et la pax syriana a rétabli l’ordre, mais l’État libanais n’est jamais venu reprendre son bien ou s’occuper de ses citoyens. Ceux-ci survivent donc tant bien que mal, avec saleté, désespoir ou révolte pour uniques horizons. Ils habitent dans des immeubles défoncés, où les fenêtres ressemblent à des trous noirs, et les balcons, à des bouts de béton suspendus face à un ciel sans pitié. Un quartier, un choc et beaucoup de détermination C’est pourtant ce quartier, défavorisé entre tous, qu’Offre-Joie a choisi pour son programme « Byetlah Bi-idna » (On peut y arriver). Cette association, spécialisée dans l’organisation de camps pour jeunes délinquants et pour enfants de toutes les régions du Liban, était à la recherche d’un nouveau projet pour promouvoir ses idées de solidarité et d’amour. Se promenant un jour dans les quartiers de Tripoli (dont sont originaires plusieurs de ses membres), Melhem Khalaf, qui en est en quelque sorte l’âme et le moteur, tombe sur Hammoudi, un ancien jeune délinquant qui avait participé à un des camps de l’association. Tout heureux, Hammoudi emmène Khalaf et ses compagnons dans son quartier, Baal el-Darawiche, et ce fut le choc. Comment les bons sentiments pourraient-ils éclore dans un tel environnement ? Khalaf et ses compagnons se demandent alors s’il est possible de faire quelque chose pour améliorer le cadre dans lequel vivent Hammoudi et ses proches. Et c’est comme cela que naît l’idée de nettoyer le terrain vague, d’enlever les ordures, de réparer les canalisations et de repeindre autant que possible les lieux pour donner un air pimpant à ce qui va devenir, grâce au dévouement d’une quarantaine de jeunes, un terrain de jeux. Le temps de convaincre une population si peu habituée aux actes gratuits qu’elle en est devenue très méfiante, une municipalité débordée par son manque de moyens et de motivation et de dresser les plans, tout en réunissant les fonds nécessaires, et voilà les volontaires d’Offre-Joie s’attaquant au projet. Coût de l’opération : quelque trois mille dollars et beaucoup de bonne volonté. Avec quelques experts, pour donner les directives, notamment concernant les constructions de murets ou l’installation d’une nouvelle tuyauterie, 40 jeunes de 18 à 25 ans, ont consacré 15 jours, dans la chaleur de l’été, pour donner un peu de joie à des habitants démunis de tout. Un rythme infernal, mais le travail dans la bonne humeur Venus de tous les coins du Liban, et en général, de ses meilleures écoles, les jeunes n’ont pas ménagé leur peine, travaillant dans la poussière et la saleté près de huit heures par jour, à traquer les ordures, les rats et les traces de la guerre. Une vieille camionnette désaffectée, qui sert pratiquement de dépôt à un réparateur de vélos, a été ainsi repeinte en rouge et jaune, alors que les façades des immeubles ont été restaurées et peintes en blanc pour refléter la lumière. Grâce à un rythme presque infernal, arrivée chaque matin à 9 h au chantier et départ vers 20h, les 40 jeunes gens ont achevé le projet, suscitant une reconnaissance éternelle de la part des habitants et consacrant Hammoudi en véritable chef du quartier, puisque c’est grâce à lui que le miracle a eu lieu. Pourtant, au début, la population était assez réservée. Derrière leurs pans de murs, les femmes observaient avec curiosité ce groupe de jeunes éduqués et visiblement nantis, qui, au lieu de se dorer sur les plages à la mode, préféraient se consacrer à un travail ingrat dans un quartier où ils ne remettront probablement jamais les pieds. Et puis, il y avait cette camaraderie entre jeunes hommes et jeunes filles, unis dans une même poussière et travaillant dans la bonne humeur. Pour les habitantes ultraconservatrices, c’était une véritable révolution, mais au fil des jours, elles ont appris à apprécier les jeunes filles accomplissant un travail d’hommes, avec un dévouement et un enthousiasme extraordinaires. D’ailleurs, le groupe de volontaires est devenu la curiosité de la ville. Tous les jeunes des quartiers voisins voulaient voir ces fous qui s’attaquaient à un si gros projet et voyant les étudiants à l’œuvre, ils ont tous été pris d’une frénésie de travail. Tout le monde a voulu mettre la main à la pâte, et des autres quartiers nombreux sont ceux qui ont voulu rééditer l’expérience chez eux. Pour les responsables d’Offre-Joie, le but est ainsi atteint : embellir un peu l’environnement de ces gens démunis, en essayant par la même occasion d’embellir leur vie et leur vision du monde, donner un exemple de solidarité et d’amour, mais surtout donner aux autres l’envie de suivre cet exemple. Les FSI repoussés par les femmes Et, en voyant ce quartier parmi les plus pauvres, devenir chaque jour, un lieu de joie et de travail positif, les habitants de Tripoli ont commencé à presser leur conseil municipal de bouger dans le même sens. Pourtant, tout le monde n’a pas vu le mouvement d’un bon œil. Une nuit, les FSI ont débarqué, voulant détruire les murets construits, disent-ils, sans autorisation. En chemise de nuit, les femmes sont descendues dans la rue pour les empêcher de mener à bien leur plan. Elles ont hurlé à la tête des agents, défendant bec et ongles le don qui leur a été fait. Étonnés, les agents se sont repliés et, dans la journée, l’affaire a été réglée et l’incident clos. Aujourd’hui, Baal el-Darawiche a un nouveau terrain de jeux, peint en blanc et rouge, et pour la première fois depuis les années 70, le drapeau libanais flotte dans le quartier. À ses côtés, le fanion d’Offre-Joie, comme un témoignage de solidarité, dans un monde qui en manque hélas beaucoup trop. Scarlett HADDAD
C’est un conte sur l’entraide et la solidarité, comme ceux que l’on raconte aux enfants pour leur montrer que le monde est beau. Mais il ne s’agit pas d’une fiction. L’histoire s’est déroulée à Tripoli, au quartier de Baal el-Darawiche, dont le nom, à lui seul, reflète toute la misère du monde. Des volontaires d’Offre-Joie ont choisi ce lieu pour remplacer les...