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Actualités - REPORTAGE

ARCHITECTURE - Beyrouth, « cette ville de contradictions » qui stimule Bécharra Tyan Quand architecture rime avec passion(photos)

«En architecture, tout ne s’apprend pas. Il faut savoir regarder autour de soi, avoir le sens de l’observation. Pour ma part, la curiosité est mon carburant.» De son métier, l’architecture, Bécharra Tyan parle avec ses tripes, pour utiliser ses propres termes. Le parcours de cet architecte libanais, jusque récemment émigré, ressemble à un long voyage, au sens propre comme au sens figuré. Sa clientèle internationale lui assure la diversité culturelle dont son esprit est friand, même si c’est l’école parisienne qui l’a le plus marqué. Mais c’est son expérience italienne, plus précisément florentine, qui pourrait être intéressante pour le Liban : dans la Toscane si bien préservée, la réhabilitation de vieux domaines abandonnés à des fins touristiques, dans le cadre de ce que les Italiens appellent l’ «agriturismo», montre à quel point le patrimoine peut s’avérer précieux... et la destruction vaine. En France comme en Italie, au Moyen-Orient, aux États-Unis ou ailleurs, Bécharra Tyan exerce son art et son savoir-faire, et s’installe aujourd’hui à Beyrouth, « cette ville de contradictions qui me stimule et que je trouve plus intéressante que d’autres.» Après des études à l’Université Saint-Esprit de Kaslik (Usek) et l’exécution de quelques projets au Liban, Bécharra Tyan s’envole aux États-Unis pour poursuivre ses études au Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais il décroche des projets en Arabie saoudite, et renonce à ses études pour retourner au Liban. Nouvellement marié (il est aujourd’hui père de trois garçons), il quitte de nouveau son pays en guerre pour Paris. C’est à cette époque qu’il collabore avec le grand atelier Francis Gambert de Loche puis avec la prestigieuse boîte parisienne Maison Jansen, de la rue Royale. « On peut dire que j’ai été à très bonne école pour me familiariser avec l’architecture française, souligne-t-il. C’est probablement pour cela que je retrouve dans tous mes projets, qu’ils soient de style classique, moderne ou avant-gardiste, cette influence de l’architecture parisienne. » Bécharra Tyan a horreur de se limiter à un seul style. « C’est le client qui impose son style », affirme-t-il, avant de se lancer dans une tirade sur la relation très complexe entre l’architecte et son client. « Je suis toujours désireux de découvrir la personne en face de moi, ses origines, sa culture, son environnement, ses contraintes économiques aussi. Si elle n’a aucune réaction, je suis prêt à la bousculer pour qu’elle se révèle. C’est cela ma principale source d’inspiration. Si je devais toujours imposer mes idées, je m’ennuierais. » Pour M. Tyan, l’architecte est avant tout un gestionnaire de l’espace et du temps. Si la première notion est facile à comprendre, la seconde ne manque pas de surprendre. « L’impact du travail de l’architecte sur le temps tient au fait qu’il est un créateur de sensations et d’émotions qui s’exercent simultanément sur l’esprit de la personne qui traverse l’espace, et ce dans un objectif donné, celui de susciter le bien-être, par exemple », explique-t-il. Patrimoine en Toscane Travailler à Paris et à Florence, où il possède des bureaux d’architecture, a habitué Bécharra Tyan à œuvrer dans des villes très protégées, où un bon nombre de projets consiste en la réhabilitation de bâtiments existants dans le cadre de contrats clé en main (des études préliminaires à l’exécution). Il a ainsi réhabilité plusieurs hôtels particuliers et grands appartements dans la capitale française, et a à son actif la réalisation de deux boutiques luxueuses : la boutique Ravel, d’inspiration Art déco, et la joaillerie Balmain, de style contemporain. L’architecte a étendu ses activités à Cannes et ses environs, où il a travaillé sur plusieurs villas. En Toscane, c’est la réhabilitation de grandes propriétés ou de fermes abandonnées, à des fins touristiques, qui a formé l’essentiel de son travail. « Ces quelques années ont vu l’engouement pour la Toscane s’amplifier considérablement, explique-t-il. Cette région offre une diversité exceptionnelle de paysages et de saisons, un havre de paix en somme. De plus en plus d’étrangers viennent passer leurs vacances dans ces environs. » Les communes et les mairies ont pris conscience de ce phénomène, et se sont mises à investir dans l’infrastructure touristique, avec l’appui de l’État. Tout cela dans le cadre d’une réglementation extrêmement stricte sur le respect de l’environnement et la préservation du patrimoine, en d’autres termes l’agritourisme. Serait-il intéressant, selon lui, de pousser davantage dans cette direction au Liban ? « C’est un concept qu’il serait très intéressant d’implanter dans notre pays, mais à condition que l’État puisse apporter son soutien et comprendre qu’il y a des bénéfices à réaliser dans ce genre de projets », répond M. Tyan. Lui-même est en train d’effectuer les études préliminaires d’un projet sur la transformation de deux villages toscans, pas loin de la très belle ville de Luca, en complexes touristiques pour locations saisonnières et services hôteliers : tout le cachet traditionnel, avec le confort en plus. « Comme nous sommes obligés de travailler dans le strict respect de la réglementation, nous effectuons des recherches approfondies dans les cadastres, nous nous référons à d’anciennes photos et nous sommes tenus d’utiliser les matériaux traditionnels locaux », ajoute-t-il. Il trouve que « les maisons libanaises traditionnelles et les maisons toscanes ont certains points de ressemblance, probablement dus aux contraintes climatiques ». « Certes, les matériaux utilisés et la décoration diffèrent, mais on retrouve la même importance accordée aux espaces intermédiaires, et qu’il faut respecter dans le processus de réhabilitation », poursuit-il. Bécharra Tyan est de nouveau établi à Beyrouth, où il a un bureau depuis 1998. Il a des projets dans d’autres pays du Moyen-Orient. S.B.
«En architecture, tout ne s’apprend pas. Il faut savoir regarder autour de soi, avoir le sens de l’observation. Pour ma part, la curiosité est mon carburant.» De son métier, l’architecture, Bécharra Tyan parle avec ses tripes, pour utiliser ses propres termes. Le parcours de cet architecte libanais, jusque récemment émigré, ressemble à un long voyage, au sens propre...