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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Le chef du PSP met en garde contre la volonté américaine de disloquer la Syrie via le Liban « Ne vous lancez pas dans des aventures suicidaires », conseille Joumblatt à certains opposants

Au cours de la cérémonie marquant le quarantième jour du décès du fils du leader du FPLP-Commandement général, Jihad Ahmad Jibril, lundi dernier, Walid Joumblatt avait affirmé que « le vent californien qui souffle sur le Liban, la Syrie et l’Irak, qui semble avoir réussi à balayer le Soudan et qui se retrouve avec le projet israélien, vise à démembrer la région arabe et à y asseoir son hégémonie ». À L’Orient-Le Jour, le leader du PSP affirme, sans détour : « Le président Bush prétend que “celui qui n’est pas avec nous est contre nous”. Eh bien, nous sommes contre lui ». Mais pense-t-il qu’il existe véritablement des visées expansionnistes sur le Liban ? « Oui. On recommence la politique de la canonnière dans le monde. Nous en sommes revenus à la politique colonialiste du XVIIIe siècle. Sauf que cette fois, il s’agit d’une politique américaine et non plus française ou anglaise », assure-t-il. Une nouvelle Question d’Orient ? Selon lui, « elle n’a jamais pris fin. Sous le couvert du choc des civilisations, les Américains cherchent à mettre la main sur les puits de pétrole. L’Arabie saoudite est déjà occupée, l’Afghanistan aussi. L’attention se dirige maintenant sur l’Irak ». Et le Liban ? « C’est pour essayer d’affaiblir et de disloquer la Syrie. Dans ces circonstances, nous sommes dans le camp syrien. Le camp du “Mal”, selon la nouvelle terminologie US ». Au plan interne, il a reproché à l’opposition de ne pas l’avoir convié à la grande réunion de Sodeco, à la suite de l’imbroglio sur les résultats de la partielle du Metn. Ne se reconnaît-il donc pas dans ce camp ? « Je pensais à l’époque que si. Que nous étions dans une opposition démocratique, plurielle. C’est malheureusement une opposition chrétienne qui s’est réunie. » Pourtant certaines des figures présentes à cette réunion ne sont pas « politiquement chrétiennes », comme MM. Georges Haoui ou Samir Frangié. M. Frangié est même proche de la sphère joumblattienne... « Je ne sais pas si Georges Haoui s’est reconverti. Samir est un ami, mais je m’y perds, sur le plan politique. Samir et Nassib Lahoud plaident en faveur de relations stratégiques avec la Syrie. Qu’est-ce que cela veut dire ? Dans le respect de l’accord de Taëf ou non ? Maintenant, c’est la MTV qui commence à remettre Taëf en question. » Allusion à l’émission présentée par M. Ziad Njeim, dimanche dernier, sur l’accord de Taëf. Ne pense-t-il pas que cette revendication de révision de Taëf émane du fait qu’une partie des Libanais, et les chrétiens en particulier, se sent marginalisée ? « Je ne suis pas d’accord. C’est comme si la Syrie avait imposé des goulags aux chrétiens du Liban ! À travers le désenchantement chrétien, on donne l’impression que les universités chrétiennes ont été fermées, les banques chrétiennes nationalisées au profit des musulmans. Et tout ce tollé suscité par l’affaire des agences exclusives... », rappelle-t-il. N’avait-il pas lui-même, à un moment, réclamé le rééquilibrage des relations libano-syriennes... « Oui. J’ai demandé un rééquilibrage pour assainir les relations, pas pour alimenter le racisme de certains Libanais », se défend Walid Joumblatt. Le groupe de Kornet Chehwane fait-il, pour lui, partie de ces « racistes » ? « Non, pas tout le groupe. Certains parmi eux », répond-il. Interrogé sur le sens de sa distinction entre « extrémistes » et « modérés », Joumblatt donne un exemple concret en posant une question : « Qu’est allée faire une délégation du groupe de Kornet Chehwane au congrès de l’Union maronite mondiale (UMM) ? On aurait pu discuter la question des maronites au Liban dans le cadre d’un dialogue islamo-chrétien, libano-libanais. Qu’il y ait des doléances maronites, d’accord. Mais, à ma connaissance, le pape y a répondu à travers l’Exhortation apostolique. » Concernant les propos tenus hier par le député Nassib Lahoud à Bkerké, selon lesquels il faut tourner la page du congrès de l’UMM et ne plus lancer d’accusations, le chef du PSP n’est pas d’accord. « Le document de l’UMM est significatif de la pensée politique maronite actuelle. J’ai vu Mgr Youssef Béchara, et je suis en complet désaccord avec ses thèses », dit-il. Cela équivaut-il à dire que les rapports avec Kornet Chehwane sont totalement rompus ? « Non, il n’y a pas de rupture totale. Elle existe sur certains points, à cause de demandes inconditionnelles, sur le retrait syrien par exemple. Or, dès le départ, je n’étais pas d’accord sur ce point. Nous ne sommes pas d’accord sur les modalités de la souveraineté. Je suis pour un axe politique, sécuritaire, et même économique à la rigueur, avec la Syrie. » Et Joumblatt de plaider pour un « package deal » avec le groupe de Kornet Chehwane, tenant compte du fait qu’« il n’est pas possible de laisser en suspens des thèmes de désaccord ». Par contre, pas de dialogue possible avec le général Michel Aoun et les Forces libanaises, tant que leur acceptation de l’accord de Taëf n’est pas claire. N’existe-t-il pas une impasse, par conséquent, au niveau du dialogue, puisque certains courants politiques en sont exclus de facto ? « Je ne sais pas. Je conseille uniquement aux concernés de ne pas se lancer dans des aventures suicidaires : le recours aux États-Unis et à la politique de la canonnière. J’ai déjà dit au patriarche maronite que le régime syrien actuel, malgré certaines déficiences, est une garantie pour le Liban. » Concernant enfin ceux qui disent qu’il devrait initier un dialogue avec toutes les parties pour s’entendre sur les points de conflits au lieu de tenir ce discours en flèche, le chef du PSP répond qu’« il compte toujours sur MM. Samir Frangié et Nassib Lahoud ». Est-il déçu, jusqu’à présent, des résultats de ce dialogue ? « Je n’ai rien dit de tel », conclut-il en riant. Michel HAJJI GEORGIOU
Au cours de la cérémonie marquant le quarantième jour du décès du fils du leader du FPLP-Commandement général, Jihad Ahmad Jibril, lundi dernier, Walid Joumblatt avait affirmé que « le vent californien qui souffle sur le Liban, la Syrie et l’Irak, qui semble avoir réussi à balayer le Soudan et qui se retrouve avec le projet israélien, vise à démembrer la région arabe...