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Actualités - INTERVIEWS

LIBAN-FRANCE - « Lutte contre le terrorisme, fin de l’occupation, arrêt de la colonisation et création d’un État palestinien viable et démocratique » De Villepin rappelle, à Beyrouth, que pour faire la paix il faudra aller par quatre chemins(photo)

Il ne veut accorder aucune interview, Dominique de Villepin. « C’est trop tôt, il faut qu’il prenne ses marques, c’est un tout jeune ministre », explique son entourage. Certes. Mais depuis un peu plus de deux mois au Quai d’Orsay, l’ancien (et intraitable) Condottiere de l’Élysée – c’est lui qui avait convaincu Jacques Chirac de dissoudre en 1997 l’Assemblée nationale – débride un charisme de pro. Même s’il est le mieux placé pour savoir qu’il ne sera pas facile de faire au moins aussi bien que son prédécesseur, qui avait imposé, de par les capitales du monde à commencer par Washington, le védrinisme. Il n’empêche, Dominique de Villepin a une nouvelle fois prouvé, au cours de la conférence de presse qui a clos, au palais Bustros, ses entretiens officiels, qu’il savait très bien ce qu’il voulait. Et comment le faire comprendre. Très ému. Le ministre français des AE a voulu commencer la deuxième partie de sa tournée proche-orientale par Beyrouth. Et commence par parler de « l’amitié » et de « la fraternité » qui unissent les deux peuples, français et libanais. Qui, plus sérieusement, ont « les mêmes préoccupations » : la stabilité régionale et la nécessité d’œuvrer pour une paix juste, globale et durable, entre autres. Cela sans oublier les domaines économique et culturel : la France soutient la réforme et la modernisation, rappelle Dominique de Villepin, et coopère « avec toutes les communautés ». Ensuite, il insiste sur l’indispensable « mobilisation de tous les Libanais ». Parce que la dégradation de la situation régionale est « préoccupante ». Une mobilisation régionale aussi, pour essayer de mettre un terme à la spirale de violence au Proche-Orient, aux prix payés par les peuples de la région. Il réitère également la conviction de la France que seule « une solution politique aboutissant à une solution globale nous permettra de parvenir à une paix durable ». Comment donner sa chance à la paix ? « La lutte contre le terrorisme, la fin de l’occupation, l’arrêt de la colonisation et la création d’un État palestinien viable et démocratique ». Voilà les quatre points cardinaux qui devraient, selon Dominique de Villepin, aider à faire la paix. S’ils sont réalisés. Et sur lesquels, tous les avis « convergent ». Idem en ce qui concerne l’initiative Abdallah, les déclarations du sommet européen de Séville, ainsi que le discours du 23 juin dernier de George W. Bush. Tout cela pour arriver à la conclusion que le concept de la conférence internationale est le meilleur moyen pour avancer vers un règlement. « La communauté internationale a le devoir d’aider les parties à assumer les risques de la paix. Le dialogue doit reprendre, la concertation est essentielle entre toutes les parties, il convient donc de relancer le processus politique de paix », a finalement assuré le locataire du Quai d’Orsay. Mais c’est Mahmoud Hammoud qui avait d’abord pris la parole, pour rappeler que Dominique de Villepin effectuait aujourd’hui sa première visite à Beyrouth. Une visite au cours de laquelle il a été reçu par le chef de l’État, Émile Lahoud, le président de la Chambre, Nabih Berry, ainsi que le Premier ministre, Rafic Hariri. À Baabda notamment, le chef de la diplomatie française a voulu connaître précisément la position libanaise à l’égard de quatre points : l’exclusion de Yasser Arafat de la vie politique, l’avenir de l’Autorité palestinienne, le plan Bush et la conférence internationale sur la paix. Et avec son homologue libanais, le locataire du Quai d’Orsay a également évoqué tout ce qui avait trait à la situation proche-orientale, au discours de George W. Bush, ainsi qu’aux relations bilatérales, évidemment. Un entretien qualifié par le ministre des AE de « constructif, utile », et qui « a confirmé la profondeur » du lien entre Paris et Beyrouth. Un lien, ajoute-t-il, extrêmement précieux pour le Liban, « une amitié qui rassure, tant sur le plan politique qu’économique », ou au niveau de la tenue, en octobre à Beyrouth, du prochain sommet de la francophonie. « Un débat légitime et souhaitable » Cinq questions ont été posées à Dominique de Villepin au cours de sa conférence de presse. Celle de L’Orient-Le Jour d’abord. Demander au ministre français des AE si Paris avait jugé bon de demander à Beyrouth sinon des garanties du moins des preuves de sa bonne volonté en contrepartie des encouragements français. Savoir d’abord si, eu égard aux efforts soutenus de la France pour accélérer la tenue de la conférence de Paris II, Dominique de Villepin avait demandé aux dirigeants libanais de penser à quelque chose de bien plus judicieux à privatiser (en échange des 5 milliards de dollars qu’il pourrait obtenir des pays donateurs) que les services publics libanais (eau, électricité, etc.) corrompus et qui périclitent. Et s’il avait évoqué, avec les trois présidents, ce qui préoccupe une bonne partie des hommes politiques libanais, ainsi que, surtout, la quasi-totalité de la population : la présence militaire et la tutelle syrienne sur le Liban qui semblent vouloir perdurer. « Vous savez bien sûr à quel point la France est attachée à l’intégrité et à la souveraineté du Liban. C’est au cœur de notre démarche, de nos préoccupations. La France est attentive à l’avenir des relations libano-syriennes. C’est un débat légitime, et il est souhaitable que les autorités libanaises et syriennes sachent répondre à ces attentes, dans une démarche ouverte, progressive et qui prendrait en compte les évolutions régionales. Et cela nous le disons à nos interlocuteurs syriens et libanais. Vous avez également évoqué la situation économique difficile. Nous appuyons la recherche du redressement économique et financier du Liban, nous soutenons les efforts engagés en ce sens ». Il évoque la préparation de Paris II, la nomination de Michel Camdessus pour essayer de réunir les bonnes volontés. Mais le Liban ne doit-il pas faire quelque chose de réellement efficace en retour ? « La France agit au Liban avec la volonté de faire avancer les choses. C’est le véritable esprit de l’amitié et de la fidélité entre les deux pays ». C’est de la philanthropie, alors ? « C’est l’amitié qui nous guide parce que nous attachons une énorme importance à la stabilité du Liban. Nous pensons que celle-ci est importante pour l’ensemble de la région. » Nous avions également demandé à Dominique de Villepin s’il n’avait pas suggéré aux autorités libanaises, en contrepartie du refus français, malgré les pressions US et les volontés germano-britanniques, d’inscrire le Hezbollah sur les tablettes terroristes européennes, d’instaurer un État de droit au Liban-Sud, en y faisant déployer l’armée. Question éludée, mais, interrogé ensuite sur l’opportunité d’une telle classification, il a répondu qu’il « n’était pas là pour décerner les bons et les mauvais points. Nous attendons de toutes les parties qu’elles fassent preuve de la retenue indispensable, y compris pour le Hezbollah au Liban ou partout ailleurs. L’inscription du Hezbollah est examinée par les instances européennes compétentes. Il s’agit d’un processus collectif, confidentiel et continu. À ce stade, il n’y a pas de position unanime de l’UE, mais la question reste à l’examen », a précisé le chef de la diplomatie française. Sachant qu’au moment du vote, Paris ne cédera pas, continuera de refuser l’étiquetage du Hezbollah en groupe terroriste. Et qu’il faudra l’unanimité pour que l’UE en arrive là. Et puis Dominique de Villepin s’en est allé inaugurer les nouveaux locaux de la chancellerie. Il s’envolera ce matin pour Damas, puis pour Amman. Il était la veille à Antananarivo. Où, au milieu des huées, il a réussi à faire rattraper à la France tout le temps qu’elle a perdu à Madagascar. Quelques jours plus tôt, il était dans les territoires palestiniens, il zigzaguait entre les sacs de sable pour retrouver Arafat. Dominique de Villepin est un poète pressé. Ziyad MAKHOUL
Il ne veut accorder aucune interview, Dominique de Villepin. « C’est trop tôt, il faut qu’il prenne ses marques, c’est un tout jeune ministre », explique son entourage. Certes. Mais depuis un peu plus de deux mois au Quai d’Orsay, l’ancien (et intraitable) Condottiere de l’Élysée – c’est lui qui avait convaincu Jacques Chirac de dissoudre en 1997 l’Assemblée...