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Actualités - CHRONOLOGIE

Colloque - France-Levant, jours II et III Voyage dans un passé qui n’en finit pas d’être présent(photo)

Les seconde et troisième journées du colloque France-Levant, organisé conjointement par l’Institut des études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph et les Universités de Lyon 2 et 3, ont fait entrer l’auditoire au cœur des protectorats qui ont divisé l’empire ottoman. Et s’il est vrai que la France d’aujourd’hui n’est plus une puissance coloniale, mais « une puissance culturelle », le colloque ressemblera souvent, en dépit de sa rigueur, à un voyage dans un passé qui n’en finit pas d’être présent. L’histoire du Levant se confond toujours, sous certains aspects, avec celles des aliénations d’une époque coloniale commencée comme une aventure de civilisation, et devenue parfois, au fil des années, entreprise d’asservissement économique, culturel et, pour certains, spirituel. Siècle des nationalités, de la question d’Orient, de l’homme malade, le XIXe siècle illustrera à la perfection toutes ces contradictions. Nous sommes là en terrain glissant, et le discours identitaire, la dimension politique ne sont pas loin. Ils seront évidents dans certaines présentations, comme celle d’Abbas Halabi, représentant de la communauté druze au sein du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien, et un peu aussi dans celle du P. Nasser Gemayel, professeur à l’Université libanaise. On est là, de toute évidence, dans une mémoire toujours vivante et quand, durant les débats, Boutros Labaki, professeur à l’Université libanaise, évoque le baptême de Fakhreddine II par les capucins, des étincelles jaillissent dans l’amphithéâtre Huvelin où se tient le colloque. Halabi « accusera » Labaki de vouloir « arracher aux druzes leur grand homme », et tout finira dans un grand éclat de rire de l’assistance. Ouf ! D’autres présentations revêtiront un caractère tout aussi passionné, mais moins polémique. Avocat, professeur et « historien du dimanche », Youssef Mouawad, à qui l’on doit le démontage de l’apocryphe lettre de saint Louis aux maronites, parlera de « l’enfance des chefs », ou encore d’une « occidentalisation des connaissances » qui aliénait toute une élite de son milieu naturel et la faisait rêver d’un Liban chrétien attaché politiquement à la France et spirituellement à Rome, et qui a toujours du mal à y renoncer. La place manque pour évoquer en détail des interventions qui, telles les pièces d’un puzzle, aideront à constituer une image globale des relations France-Levant. Cela va de l’habillement à la cuisine, en passant par la mécanique automobile, les loisirs, la médecine, la pharmacie, etc. Lexicographe, Françoise Quinsat déridera les Libanais présents en les énumérant. Liliane Kfoury, chercheur à l’IEIC, parlera du brassage des langues arabe et française. Souad Slim, assistante professeur à l’Université de Balamand, abordera de front le rôle de la franc-maçonnerie dans le développement des « nouvelles idées » au Levant et l’apparition du grand mouvement de la Nahda. Patrick Cabanel, de l’Université de Toulouse, soulève, en échange, le paradoxe d’une France laïque, à l’intérieur, qui encourage et subventionne les missions catholiques. Avec d’autres, il fait ressortir les rivalités entretenues, à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, par les missions pédagogiques qui débarquent en Orient. Il sera ainsi question de la Mission laïque (s’est-on jamais demandé pourquoi ce nom ?), des missions protestantes, arrivées tardivement, des écoles de l’Alliance juive universelle. L’intervention de Vahé Tachjian, doctorant en histoire, jettera un nouvel éclairage sur les contradictions de la politique française qui cherche à concilier la protection des Arméniens, utilisés comme vecteur de la pénétration française à partir de la Cilicie, et la défense de la souveraineté ottomane. Une contradiction qui éclatera lors de la révolte de Zeitoun (1862) et des massacres de 1909. Antoine Hokayem fera prendre un peu plus de hauteur au discours, en proposant une réflexion synthétique sur le protectotrat religieux de la France dans l’empire ottoman, des « capitulations » de François Ier à l’installation des échelles du Levant et enfin au lent démembrement de l’empire ottoman. « Le crépuscule du Levant marque la naissance du Liban moderne, conclut Henri Laurens, président du Cermoc. Entre le XVIIe siècle et le début du XXe, deux temporalités sont à l’œuvre. Une temporalité lente, celle de l’ancien régime et de la montée en puissance de la France, et une temporalité rapide avec l’avènement de la révolution industrielle. Parallèlement à ces phénomènes, on a plusieurs géographies qui se confondent, plusieurs influences religieuses. Une partie de la terre investie est terre sainte, et les représentations qui l’entourent demeurent très fortes. On se trouve donc dans une interpénétration de deux géographies, celle du sacré et celle de l’économique, en passant par une géographie politique dont le Levant n’est qu’un sous-ensemble ». « Où se trouve le Levant ? » se demande-il en conclusion. Et de répondre : « Le Levant est un archipel de lieux. C’est à la fois un marché économique, avec des termes d’échanges complètement inégaux, comme l’a bien montré Boutros Labaki, un espace linguistique, “conquête pacifique d’un monde par une langue” et espace de valeurs. Nous sommes peut-être aujourd’hui dans la phase de déclin de ce temps, au crépuscule du Levant. Mais cette fleur n’est pas morte sans avoir, auparavant, essaimé ses spores. » Il n’est pas possible, dans un espace aussi étroit, de rendre compte de la richesse d’un colloque ni de ses contraintes. Des textes que l’on a mis cent heures à écrire, résumés en dix minutes, c’est toujours frustrant. Mais c’est bien pour cela qu’il existe des « Actes ». Ceux du colloque France-Levant constitueront certainement un jalon sur la question.
Les seconde et troisième journées du colloque France-Levant, organisé conjointement par l’Institut des études islamo-chrétiennes de l’Université Saint-Joseph et les Universités de Lyon 2 et 3, ont fait entrer l’auditoire au cœur des protectorats qui ont divisé l’empire ottoman. Et s’il est vrai que la France d’aujourd’hui n’est plus une puissance coloniale,...