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Actualités - CHRONOLOGIE

Service public - Un congrès international sur l’ombudsman pour donner l’exemple Fouad el-Saad : « Le médiateur ne saurait être politisé »

En gestation depuis près de vingt ans, l’idée de la création de la fonction de « médiateur de la République » (ou ombudsman selon la terminologie suédoise) semble avoir franchi le premier pas avec l’annonce faite par le ministère au Développement administratif d’un projet de loi instituant cette fonction. Le texte proposé a été débattu lors d’un congrès international sur « le médiateur de la République » qui s’est tenu lundi et mardi derniers, en présence de vingt médiateurs représentant les différents systèmes adoptés de par le monde. Cette rencontre a notamment regroupé des juristes et des responsables politiques, les représentants des principaux organismes de contrôle de l’État, ainsi qu’un certain nombre d’ambassadeurs en fonctions au Liban. Cette manifestation a permis à la partie libanaise de bénéficier de l’apport des intervenants étrangers et de recueillir leurs avis sur le projet libanais. « C’est la première fois qu’un projet de loi est discuté de cette manière », a affirmé Fouad el-Saad, lors de son intervention à l’issue d’une journée-marathon, au cours de laquelle 19 médiateurs ont pris la parole. « Le projet de loi portant sur la création d’un médiateur de la République vient consacrer une série d’actions entreprises préalablement par notre administration dans le cadre d’une stratégie visant à rétablir la confiance entre les citoyens et l’Administration », a précisé M. Saad. Cette initiative constitue le couronnement de ce qu’il a appelé « un arsenal juridique », pavant la voie à l’avènement de l’ombudsman libanais. Née en Suède, la fonction du médiateur constitue un aspect essentiel de l’État de droit, dans la mesure où elle sert à combler le fossé entre le citoyen et son Administration, a précisé le ministre Saad. « C’est la réponseau besoin de protéger le citoyen de la toute-puissance de l’Administration », dit-il. Ce constat a d’ailleurs été souligné dans l’exposé des motifs du projet de loi : « À une époque où la lourdeur et la complexité administratives sont devenues la règle, entraînant un sentiment d’impuissance de la part de l’administré, un certain nombre de pays ont réalisé l’importance de mettre à la disposition de l’administré un mécanisme qui l’assiste dans la restitution de ses droits. » Intervenant entre l’Administration et les citoyens, le médiateur a pour fonction de résoudre les litiges entre les deux parties. Il contrôle les prestations de l’Administration et vérifie leur conformité aux lois en vigueur et leur respect des libertés et des droits des citoyens. Évoquant les règles fondamentales qui régissent cette fonction, le ministre Saad a mis l’accent sur l’indépendance et l’impartialité du médiateur, « qui le placent à égale distance de toutes les forces politiques ». Ces principes sacro-saints reviendront inlassablement sur la bouche des intervenants. « Le médiateur exerce son activité en toute liberté et indépendance et n’est soumis à aucune forme de contrôle hiérarchique et fonctionnel », dira Maria Grazia Vacchina, médiateur de la Vallée d’Aoste. À ce propos, le médiateur de la République d’Afrique du Sud, Selby Baqwa, dira que le « bon médiateur se fait plus d’ennemis que d’amis ». Il illustre ses propos en relatant une affaire de corruption autour d’une transaction d’armes dont avaient bénéficié des responsables au gouvernement sud-africain. « Dans cette affaire, le bureau du médiateur a eu gain de cause », une preuve tangible de l’indépendance de cette autorité, précise l’intervenant. Quant au projet de loi présenté par le ministre Fouad el-Saad, il prévoit notamment la nomination du médiateur « par décret en Conseil des ministres pour un mandat de quatre ans. Il est choisi parmi une liste de cinq candidats proposés par le Parlement ». Cette procédure fera en outre l’objet d’une discussion tenue en marge de la conférence. Le médiateur de Hongrie, Zsolt Kovac, a estimé, ainsi, que la désignation de l’ombudsman, telle que prévue par le texte libanais, « devrait être reconsidérée ». Il cite à titre d’exemple la procédure de désignation en vigueur en Hongrie, l’ombudsman étant « proposé par le président de la République et élu par le Parlement ». Interrogé sur les risques de confessionnalisation et de clientélisme que pourrait couver la procédure de désignation du médiateur libanais, Fouad el-Saad répond que ces craintes sont injustifiées, « puisque le médiateur est choisi sur la base de sa compétence et de son intégrité et qu’il ne saurait en aucun cas être soumis aux desiderata d’une partie quelconque ». « D’ailleurs, dit-il, un médiateur n’a pas de pouvoir en tant que tel. Il émet simplement des recommandations et peut présenter un rapport annuel qu’il soumet au président de la République, au président de la Chambre et au Premier ministre. Je ne vois pas comment sa fonction pourrait être politisée. » Fouad el-Saad n’écarte pas toutefois la possibilité d’apporter des modifications nécessaires au texte dans sa mouture actuelle, à la lumière des débats qui ont lieu au cours du congrès. « Plus de 150 personnes se sont réunies pour émettre leur avis sur ce texte. Nous allons prendre en considération toutes les remarques qui ont été faites », a-t-il affirmé. Autre critique au sujet du projet libanais, celle formulée par le médiateur parlementaire de Suède, Kjell Swanström, qui a émis des réserves sur l’article 11 prévoyant l’accès du médiateur à l’information. L’article en question stipule en effet que les administrations et les établissements publics « sont tenus de fournir toutes informations et explications et tous documents requis, à l’exception de ceux considérés secrets par la loi ». « J’ai des doutes (sur cet article) car une telle exception limite les pouvoirs de l’ombudsman », souligne M. Swanstörm. Bref, autant de points de droit dont devrait en principe tenir compte le ministre Saad avant de mettre la touche finale à ce projet. Reste à convaincre les sceptiques parmi les responsables qui refusent, jusqu’à ce jour, l’idée d’un médiateur, craignant qu’un « superarbitre » de ce type ne vienne concurrencer leurs pouvoirs, sinon dévoiler les multiples dysfonctionnements de l’Administration. Jeanine JALKH
En gestation depuis près de vingt ans, l’idée de la création de la fonction de « médiateur de la République » (ou ombudsman selon la terminologie suédoise) semble avoir franchi le premier pas avec l’annonce faite par le ministère au Développement administratif d’un projet de loi instituant cette fonction. Le texte proposé a été débattu lors d’un congrès...