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Actualités - INTERVIEWS

Entretien - Le responsable de l’information au Hezbollah parle d’un équilibre de la terreur avec Israël Cheikh Hassan Ezzeddine : Il faut s’attendre à une nouvelle escalade en Palestine

Solliciter une entrevue avec un responsable du Hezbollah est toujours une aventure, car on ignore qui le parti choisira de faire parler. Rien n’est laissé au hasard. En période de calme militaire, les politiques sont mis en avant et, lorsque la situation est troublée, ce sont les responsables de l’organisation interne qui apparaissent. Cheikh Hassan Ezzeddine est membre du bureau politique et dirige l’information au sein du Hezbollah. C’est lui qui répond à nos questions, avec aisance certes, mais aussi avec une logique qui ressemble un peu à la langue de bois. En dépit de toutes les tentatives, cheikh Hassan Ezzeddine ne sortira pas de la ligne qu’il s’est fixée. Impossible de l’entraîner vers un dérapage verbal et lorsqu’il est à court de mots, il se réfugie derrière le commandement de son parti, qui, lui, détient toutes les réponses… mais ne les livre pas. Depuis la visite de Colin Powell, les opérations de résistance ont cessé à Chebaa. Le Hezbollah a-t-il cédé aux menaces américaines ? «D’abord, il se peut qu’il y ait une opération maintenant. De plus, le Hezbollah a publié un communiqué à la suite de la visite du secrétaire d’État américain pour rappeler que les opérations se poursuivront et qu’il ne se sent nullement concerné par les propos de Powell. Enfin, nos positions sont connues. Le principal objectif de la Résistance est de libérer le territoire. Or, après le 25 mai 2000, nous avons considéré que la libération était incomplète et nous avons choisi de poursuivre la résistance jusqu’à la libération de tout le territoire. Quant au rythme des opérations, il est décidé par le commandement du parti, un organe consultatif formé de 7 personnes, qui analyse le contexte général et fixe le déroulement des opérations». Ce commandement a-t-il pu céder aux menaces américaines ? «Nos récentes opérations à Chebaa sont intervenues à un moment très délicat, alors que Sharon attaquait les Palestiniens avec sauvagerie. Il est certain que notre action était porteuse de plusieurs messages, dont le principal est l’appui aux Palestiniens et la solidarité avec leur résistance. En cela, nous ne faisons d’ailleurs qu’appliquer la Constitution libanaise qui déclare que le Liban est un pays arabe, concerné par toutes les causes du monde arabe. La relation va d’ailleurs dans les deux sens et c’est pourquoi, lors des agressions israéliennes contre le Liban en 1993 et en 1996, les sommets arabes ont appuyé notre résistance. Et même le sommet de Beyrouth a confirmé la légitimité de notre résistance, qui fait donc l’unanimité». Les Palestiniens ont pourtant déclaré qu’ils n’avaient pas besoin qu’on les aide en lançant des obus par-delà la frontière libano-israélienne ? «Nous n’avons pas lancé d’obus sur Israël. Nos opérations sont limitées à la zone occupée à Chebaa. Elles ont permis aux Palestiniens de ne pas se sentir seuls dans leur lutte contre les Israéliens. Il s’agit d’un appui moral, d’autant que la bataille est aussi un état d’esprit». En aidant les Palestiniens, nous aidons le Liban Certains pensent que ces opérations étaient surtout dues à un malaise au sein de la base du Hezbollah, impatient d’agir face aux agressions israéliennes dans les territoires… «Il n’y a pas de malaise au sein de notre base. En 20 ans de résistance, nous n’avons jamais connu une telle situation. Que la base éprouve le besoin d’agir est tout à fait compréhensible, mais c’est le commandement qui décide comme il l’a toujours fait, selon les données qu’il possède. En tout cas, nous avons déclaré à plusieurs reprises que nous ne ménagerons pas notre aide aux Palestiniens. Car, si l’ennemi enregistre une victoire sur eux, il continuera sur sa lancée avec les autres pays arabes. En les aidant, nous aidons notre pays, en déjouant les plans israéliens». Par ces opérations, le Hezbollah ne cherchait-il pas à pousser Powell à inclure le Liban et la Syrie dans son périple ? «Je ne peux pas le dire, je ne sais pas. C’est le commandement qui étudie le contexte. Mais de toute façon, la visite de Powell était un échec». Justement, c’était bien la peine de provoquer une escalade pour une telle visite… «Je vous rappelle que nous avons accueilli Powell par une manifestation de protestation». L’appel à la retenue du ministre iranien des Affaires étrangères a été perçu comme la fin de la tutelle iranienne sur le Hezbollah… «Il n’y a jamais eu de tutelle ni iranienne ni autre sur le Hezbollah. Nous ne sommes pas des mineurs. En tant que force résistante, nous avons des relations avec d’autres forces, l’Iran et d’autres nous aident, mais nous prenons nos décisions, seuls. De plus, l’ambassade d’Iran à Beyrouth a elle-même expliqué les propos de Kharazi, précisant que la République islamique appuie la Résistance et l’intifada. Cet appui fait d’ailleurs partie des constantes de la politique iranienne». Mais le fait même que l’ambassade ait estimé nécessaire de publier un communiqué prouve qu’il y a eu un incident… «Je dirais qu’il y a eu une mauvaise interprétation de malentendu, vite rectifiée». Le calme soudain à Chebaa est-il dû au fait que Sharon a menacé de frapper la Syrie, mettant ainsi en danger le régime syrien ? «Le secrétaire d’État américain a transmis un message très clair. Il a demandé aux autorités libanaises de faire cesser les opérations de résistance. Mais nous avons répondu que nous ne nous sentons pas concernés par les demandes de Powell et nous détestons le ton hautain adopté par les États-Unis. De plus, les États-Unis sont les partenaires d’Israël et assument avec lui la responsabilité totale des agressions. Si Israël attaque le Liban, nous défendrons notre population, ainsi que les droits du Liban. Nous faisons partie du Liban et nous défendons son territoire. Si cette géographie est attaquée, nous riposterons». Le Hezbollah considère-t-il que le territoire syrien fait partie de sa géographie ? «Les Israéliens ont attaqué une position syrienne au Liban et nous riposterons contre toute attaque qui vise notre géographie». Quelle profondeur peuvent atteindre les canons de la Résistance ? «Je ne suis pas un expert militaire, mais il est certain que les armes de la Résistance et son niveau de préparation ainsi que l’appui dont elle bénéficie de la part du gouvernement, de la population, de la Syrie et de l’Iran ont constitué un élément important dans l’attitude d’Israël. Celui-ci doit bien peser toute décision d’attaquer le Liban». Pas de coordination au Sud avec les autres formations Que sera l’étape future ? «En accord total avec les États-Unis, Sharon a voulu, sous le titre de la lutte contre le terrorisme, éliminer l’Autorité palestinienne, son infrastructure et toute capacité militaire et politique de résistance. Il a récemment déclaré que son action était pratiquement réussie, mais qu’il restait encore un peu de travail à achever. À notre avis, il ne pourra pas le faire tant qu’il y aura une volonté de résistance. Mais Sharon, qui avait qualifié la conférence de Madrid et les accords d’Oslo de suicide national, cherche à détruire ceux-ci. C’est un retournement spectaculaire, mais Bush n’y trouve rien à redire. Au contraire, il donne à Sharon le temps nécessaire pour achever son projet. Ce dernier avait demandé huit semaines et il les aura. Powell est venu dans la région pour tenter de calmer les régimes arabes alliés aux États-Unis, mis à mal par ce qui se passe dans les Territoires, ainsi que pour contrebalancer la position européenne, mais il a surtout voulu couvrir l’action de Sharon. Il a ainsi justifié l’agression israélienne, en parlant de légitime défense, alors que les Israéliens ont piétiné les symboles religieux, sans faire de différence entre chrétiens et musulmans. Il aurait au moins dû insister sur un retrait israélien, sans lequel aucune négociation ne peut être possible, mais non, il a préféré exercer encore plus de pressions sur les Palestiniens. C’est pourquoi, à notre avis, la situation se dirige vers une plus grande escalade de violence. Sharon a renversé le processus de paix entamé depuis 1990 et nul ne songe à l’arrêter. Il faut donc s’attendre au pire…». Le porte-parole de Jibril a précisé que son mouvement coordonne son action avec le Hezbollah au Sud. «Notre position est claire. Nous agissons dans le secteur de Chebaa. Pour tout le reste, nous n’avons aucune information et nous ne sommes pas intéressés à en avoir et à en fournir. Nous ne sommes pas des gardes-frontières et les autorités se chargent de maintenir l’ordre là bas». Coordonnez-vous votre action avec le mouvement de Jibril au Sud ? «Nous sommes en relation avec tous les mouvements hostiles à Israël, mais nous menons seuls notre résistance». Scarlett HADDAD
Solliciter une entrevue avec un responsable du Hezbollah est toujours une aventure, car on ignore qui le parti choisira de faire parler. Rien n’est laissé au hasard. En période de calme militaire, les politiques sont mis en avant et, lorsque la situation est troublée, ce sont les responsables de l’organisation interne qui apparaissent. Cheikh Hassan Ezzeddine est membre du...