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Actualités - OPINION

IMPRESSION Pâques pourries ?

De toute façon, la semaine de Pâques est pourrie. Sinon, ce sont les autres qui ont raison, puisque c’est la météo qui décide de quel côté est Dieu. À moins que les orthodoxes ne nous réservent cette année des grêlons taillés comme pour une lapidation, commençons par admettre que les cathos, côté tonnerre et rideaux déchirés, ont plutôt bien ciblé leur date. Alors, pour les petits lapins, le trèfle, la chasse aux œufs, les papillons et les fleurs des champs, à moins de se contenter des images sur les paquets de colorants, il faudra repasser. Déjà les cyclamens se mordent les pétales d’avoir pointé trop tôt, et les capucines, mouillées, flétrissent sous leurs feuilles. Depuis jeudi, les cloches, dit-on, sont parties à Rome recevoir la bénédiction papale, laissant la place aux crécelles du deuil fondateur de la communauté chrétienne, au brouhaha du sommet arabe, aux bourdonnement incessant des hélicoptères, à leurs charges de Walkyries échevelées sur les toits des braves citoyens que nous sommes. En attendant la grande fête de la résurrection, comme chaque année à la même période reviennent les interrogations suscitées par ce bref aller-retour entre la vie et son envers. Tout le monde sait que pour l’aller, la mort est le voyage le plus rapide et le plus long à la fois. Et quel que soit l’âge du capitaine, un quart d’heure avant de partir on est encore plutôt vivant. C’est donc le retour qui pose problème, puisque malgré la promesse de résurrection des corps on n’a jamais vraiment vu quiconque en revenir. Alors on peut se dire qu’on voit mal, que ça ne doit pas être avec les yeux qu’on voit ça. On peut faire comme si, et si ce n’est pas encore la foi, ça y ressemble. On peut se dire aussi que côté corps, on est déjà pas mal nombreux sur terre, et qu’il serait normal qu’on cède la place tour à tour à des spécimens porteurs de nouvelles idées, histoire de permettre l’évolution de l’espèce. Mais il faut croire qu’on n’a pas à se dire. Tout ce qu’on sait de la mort c’est que c’est triste, puisqu’ après avoir construit tant d’amour autour d’une vie, il faut admettre la séparation qu’elle impose. La tristesse de la mort, c’est donc à cause de l’amour et des liens tissés avec les vivants. Alors, le deuil de Pâques, comme tous les deuils, c’est aussi une histoire d’amour, et la résurrection de Pâques, c’est aussi la permanence du lien d’amour par-delà le tombeau. Après ça, rien n’est plus pareil pour ceux qui restent. Est-ce là le symbole du lavement des pieds ? Poursuivre la route d’un pied neuf ? Sans guide et sans bâton ? Et l’œuf, ce concentré de vie qu’on fait bouillir pour le faire durer dans sa propre mort, curieux paradoxe. Aliment du pèlerin, signe que toute vie est une marche vers l’inéluctable. Parfois doublée d’une quête qui fait la différence. Dans tout ça, seul le chocolat n’a pas besoin d’excuse. En attendant de renaître, il faut bien que la chair exulte, et quelle meilleure consolation que l’innocente pâte brune qui fait du bien là où ça fait mal ? «Aucune caresse ne va jusqu’à l’âme», soupirait l’Hadrien de Yourcenar. Mais le chocolat ? Sur cette note hérétique, joyeuses Pâques ! Fifi ABOUDIB
De toute façon, la semaine de Pâques est pourrie. Sinon, ce sont les autres qui ont raison, puisque c’est la météo qui décide de quel côté est Dieu. À moins que les orthodoxes ne nous réservent cette année des grêlons taillés comme pour une lapidation, commençons par admettre que les cathos, côté tonnerre et rideaux déchirés, ont plutôt bien ciblé leur date. Alors,...