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Actualités - REPORTAGE

LOISIRS - Des cafés trottoirs pour casser la croûte, des rues piétonnes pour flâner, de belles vitrines à regarder Le centre-ville, au rythme de ses promeneurs(PHOTOS)

Il n’y a pas si longtemps, on disait du centre-ville rénové qu’il manquait d’âme. Devenu en l’espace de quelques mois le rendez-vous incontournable du Tout-Beyrouth, il ne désemplit plus de promeneurs, touristes et enfants qui prennent carrément d’assaut ses places, terrasses, jardins, restaurants et rues piétonnes, lorsque le temps s’y prête. Fait rarissime, les inévitables voitures sont troquées contre vélos, rollers, trottinettes, poussettes et autres attirails à roulettes, alors que les chaussures de marche font leur apparition aux côtés des ballons, jouets téléguidés et divers jeux de plein air. Un jour de congé comme un autre. Le soleil est au rendez-vous. Les promeneurs aussi. Les promeneurs surtout. Familles au grand complet, grands-parents inclus. Hommes, femmes, enfants accompagnés de leurs gouvernantes traînant vélos, poussettes, trottinettes et tout le bazar. Couples jeunes et moins jeunes se promenant main dans la main. Célibataires traînant leurs chiens dans un concert d’aboiement. Touristes étrangers, toutes nationalités confondues, lézardant au soleil, cassant la croûte à la terrasse d’un café. Le Tout-Beyrouth est là, sans exception, dans ce centre-ville qu’il avait vainement tenté d’ôter de sa mémoire. Il est treize heures, place de l’Etoile. Sur le trottoir entourant l’horloge, Joumana et son époux bavardent avec un couple d’amis, tout en surveillant leurs deux enfants qui font du vélo, quelques mètres plus loin. Depuis l’aménagement du centre-ville, cette place est devenue la destination privilégiée de la petite famille, les samedis dimanches et jours fériés. «C’est la proximité du centre-ville qui nous attire, remarque la jeune femme. Nous y venons régulièrement déjeuner et passer la journée. Cela nous évite de faire de longs trajets, à la recherche d’endroits où les enfants puissent jouer en plein air ou faire du vélo. Le plus important, ajoute-t-elle, c’est que les enfants peuvent ainsi profiter d’un vaste espace sans danger aucun et sans risquer de se faire renverser par une voiture, pendant que nous nous promenons, nous faisons du lèche-vitrine ou nous attablons pour un café». Installés à la terrasse d’un restaurant en compagnie de leurs deux enfants, des touristes français déjeunent au soleil. «Il fait beau, le cadre est agréable, on ne pourrait rêver mieux», disent-ils, profitant de leur première journée de vacances. «Cependant, remarque l’épouse, il me semble que le centre-ville est la partie la mieux retapée du pays. Qu’en est-il du reste ?» demande-t-elle, ajoutant qu’ils envisagent de découvrir le pays durant les dix prochains jours. Un style de vie nouveau Ici et là, des gamins jouent au ballon, s’amusent à courir après les pigeons ou piétinent le gazon garni de fleurs, sous l’œil vigilant de leurs parents. Les terrasses des restaurants, qui continuent de pousser comme des champignons, çà et là dans les rues piétonnes menant à la place de l’étoile, regorgent déjà d’une clientèle variée et cosmopolite. Certains lézardent au soleil, d’autres se protègent de ses rayons à l’abri de larges parasols blancs. On bavarde gaiement. On observe les tables voisines. On se salue d’une table à l’autre. L’ambiance est à la détente. On commande à manger. On a l’embarras du choix, car il y en a pour tous les goûts, mais aussi pour toutes les bourses. Menus italiens, français, japonais, chinois, libanais, ou carrément fast-food, font le bonheur des petits et des grands. Il est quatorze heures. Les terrasses sont noires de monde. Le brouhaha des conversations s’élève, entrecoupé par la voix du muezzin ou le tintement des cloches d’églises. À califourchon sur son vélo loué 5 000 LL l’heure, Anita circule entre les tables bondées, histoire de retrouver quelques amis. Cette employée de banque se fait une joie de s’adonner régulièrement à ce sport en compagnie de ses amis, lorsqu’elle est en vacances ou durant les week-end. «Le style de vie des Libanais a carrément changé depuis la reconstruction et l’aménagement du centre-ville, constate-t-elle. On a plaisir à y passer des journées entières ou même des soirées, à vélo ou attablés à la terrasse d’un restaurant. C’est relaxant et amusant de se promener dans ce lieu plein de gens et si joliment refait». Un lieu que de nombreux promeneurs assimilent par ailleurs aux places piétonnes européennes. «On se croirait à l’étranger», note un jeune homme qui déclare apprécier le dépaysement que lui procure cet endroit. «Cela ressemble à Genève», surenchérit une touriste saoudienne, venue passer une quinzaine de jours au Liban, en compagnie de sa famille, à l’occasion des vacances de l’Adha. Depuis son arrivée, la famille partage son temps entre sports d’hiver et promenades au centre-ville, histoire de satisfaire ses jeunes et ses moins jeunes, avec tout ce que cela implique comme tourisme, shopping et farniente. «Je ne m’attendais pas à cela», avoue-t-elle, regardant d’un air incrédule les bâtiments rénovés de la place de l’Etoile. «C’est la troisième fois que nous y venons en l’espace de quelques jours. C’est vraiment net et beau, alors qu’il y a deux ans, destruction et laideur primaient encore. Quant à l’ambiance, elle y est très agréable». Et cette touriste de déplorer que la vie quotidienne soit si chère au Liban. «Comment le Libanais moyen peut-il vivre ainsi ? Les prix affichés sont-ils destinés aux touristes ?», demande-t-elle, ajoutant qu’en Arabie saoudite, la vie est nettement moins chère et les prix mieux étudiés. «Mais conclut-elle, cela ne nous empêche pas d’apprécier énormément les séjours que nous faisons au Liban, car le pays se prête aux vacances familiales et nous y sommes très bien reçus, où que nous allions». Les touristes du Golfe, une importante clientèle Quinze heures. Des tables se vident, aussitôt squattées par des nouveaux venus qui s’installent pour un déjeuner tardif, un dessert ou un café. Les enfants n’en finissent pas de faire le tour de la place, à vélo, à trottinette ou à rollers. Les ruelles ne désemplissent pas de promeneurs hétérogènes, venus de partout, qui déambulent à la découverte des lieux. Toutes marchandises dehors, les boutiques de souvenirs sont à l’affût des touristes. «De nombreux badauds entrent par curiosité, mais ce sont les touristes du Golfe qui constituent l’essentiel de notre clientèle, alors que les visiteurs européens, absents depuis le 11 septembre, recommencent à se manifester», explique une vendeuse de souvenirs, qui déclare ouvrir sa boutique jusque très tard le soir, pour répondre à la demande. Dans les boutiques d’habillement, la clientèle est encore timide. Et pour cause, on fait du lèche-vitrine, mais on n’a pas encore l’habitude de venir faire ses achats en ces lieux. Mais cela ne saurait tarder. Vingt et une heures. Les parkings affichent complet. Les terrasses des cafés sont de nouveau prises d’assaut. La jeunesse «in» est au rendez-vous, en bras de chemises ou en manteaux, à l’abri d’immenses réchauds à gaz. La musique, elle aussi, est de la fête. L’odeur du narguilé emplit l’atmosphère, lancinante. Les bavardages et les rires fusent. Les moins jeunes, plus frileux, s’attablent à l’intérieur des restaurants, alors que les enfants encore éveillés, s’adonnent au «chat» dans les cybercafés. «C’est ainsi tous les week-ends et jours fériés», raconte un restaurateur, qui précise que les trois jours de week-end, le restaurant sert parfois jusqu’à 1 500 couverts, sans compter les consommations, alors que le reste de la semaine, la moyenne est de 500 couverts. Ça et là, des boutiques, portes grandes ouvertes, espèrent encore faire des affaires. Parfois, un défilé de mode ou le lancement d’un parfum captent l’attention de tout ce petit monde venu là pour voir et être vu. Et c’est ainsi jusque tard dans la nuit… Un phénomène de société, le centre-ville ? Ou tout simplement la volonté de ressusciter ce qui était autrefois le symbole le plus vivant de la convivialité ? Les passionnés de rollers à l’assaut des terrasses Ils se nomment Georges ou Hassan, ils viennent de la classe aisée ou des quartiers pauvres, mais une seule passion les unit : celle des rollers, qu’ils aimeraient bien pratiquer à leur guise, dans un espace public aménagé à cet effet. Rue des Banques, en contrebas du Sérail, sur les terrasses entourant les Thermes romains, tout à côté du «jardin des amoureux», une bande d’adolescents à rollers, coiffures à la rasta et cheveux jaune paille, se lancent à l’assaut des pentes et balustrades bordant les escaliers. L’un après l’autre, les jeunes tentent sauts et galipettes, sous les applaudissements admiratifs d’un public de fans, sous les regards furtifs des couples d’amoureux, qui roucoulent juste à côté. Chaque saut se veut plus haut, chaque prouesse recueille un lot plus élevé d’applaudissements. Les chutes, elles, sont inévitables. Les bobos aussi. Grisés par le danger, les adolescents continuent leur spectacle, fiers et imperturbables. «Notre groupe est constitué d’une cinquantaine d’adolescents», explique le leader du groupe qui vient de se blesser au genou suite à une mauvaise chute. «Nous sommes conscients que nous faisons un sport dangereux. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé au gouvernement de nous aménager un jardin ou un espace public où nous pourrions gratuitement nous livrer à nos sauts et prouesses, sur des accessoires adéquats. Ce serait certainement moins dangereux que ce que nous faisons ici, car ces balustrades sont bien trop hautes pour les débutants», reprend-il. «Notre demande a malheureusement été refusée, regrette-t-il, et nous avons été renvoyés d’ici à maintes reprises. Mais nous y revenons régulièrement, car notre passion est plus forte, de même que notre volonté de pratiquer ce sport». Et le jeune homme de déplorer le désintérêt du gouvernement envers la jeunesse, dont les demandes sont tout à fait légitimes. Non loin de là, imperturbables, les amoureux continuent de se conter fleurette, se sentant seuls au monde. Vélos, basket-ball, équitation : des plaisirs pour tous les goûts Le centre-ville, ce n’est pas uniquement ses restaurants, ses cafés-trottoirs et ses promeneurs. C’est aussi une multitude d’activités et de commerces parallèles qui en découlent, visant à créer de nouvelles habitudes au sein de la société libanaise ; visant à faire de de cet endroit, l’incontournable lieu de rendez-vous de tous, , toutes communautés confondues. Le centre-ville, c’est aussi son club et son école de basket-ball, rue Starco, littéralement pris d’assaut en week-end, où les adeptes de ce sport peuvent louer un panier ou deux, autrement dit un demi-terrain ou un terrain entier moyennant 7 000 à 13 000 LL l’heure, ou même apprendre carrément le basket-ball, si cela leur chante. Tout à côté, une boutique loue des vélos à partir de 4 000 LL l’heure. Non loin de là, près du circuit de mini-voitures, un manège de chevaux accueille les tout-petits pour une promenade à dos de poney ou de cheval, pour 3 000 LL les trois tours de piste. Toute une infrastructure qui semble renaître et se construire progressivement, au fil des années et des besoins. Anne-Marie EL-HAGE
Il n’y a pas si longtemps, on disait du centre-ville rénové qu’il manquait d’âme. Devenu en l’espace de quelques mois le rendez-vous incontournable du Tout-Beyrouth, il ne désemplit plus de promeneurs, touristes et enfants qui prennent carrément d’assaut ses places, terrasses, jardins, restaurants et rues piétonnes, lorsque le temps s’y prête. Fait rarissime, les...