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Actualités - OPINION

TRIBUNE Roses rouges pour Antoine et Latifé Moultaka (*)

Dans le court âge d’or du théâtre libanais qui fut aussi, entre 1960 et 1975, le contrepoint de celui du Liban tout court, quelques moments privilégiés demeurent dans les mémoires comme autant de réminiscences, de points d’orgue, de parchemins condamnés à jaunir, de stèles taillées dans le vent pour témoigner de l’esprit d’un temps où tout a été possible. Antoine Moultaka fut sur les planches un pionnier et une figure de proue, mais surtout un tragédien d’exception que notre génération a pu voir dans de mémorables interprétations, de Macbeth à Oreste, d’Œdipe au savant chinois Wu, de Caligula au surprenant juge de la série TV Dix petits nègres. Moultaka, tout comme Ali Ben Ayad, ce magnifique acteur tunisien disparu prématurément, a cependant été plus que cela. Par une introjection du mot que seul un comédien hors pair pouvait, dans sa subjectivité, opérer, il a induit l’élocution de la merveilleuse langue arabe d’une sensibilité, d’une résonance, d’une plastique nouvelle, une sorte d’impressionnisme dans la formulation et l’accentuation du propos. À l’instar de Gibran ou d’Élias Abouchabaké au niveau de l’écrit, ou du sculpteur Youssef Howayeck dans son commerce avec le marbre… Les Occidentaux, dit-on, communiquent par sens du vocable, les (Extrêmes) Orientaux par les sons. Moultaka, lui, jouait de ces deux registres. Simultanément et sans coup férir ! Je n’oublierais jamais une remarque entendue à la sortie du Caligula de Camus prodigieusement campé par Antoine et que la traduction d’Edouard Boustani avait dépouillé des oripeaux du mode classique. Deux spectateurs, apparemment lettrés, s’interrogeaient, perplexes, pour savoir si le langage de la pièce qu’il venait tout juste de voir était d’une facture littéraire ou simplement dialectale. C’est dire… «Faire aisément ce qui est difficile aux autres, écrit Henri Amiel, voilà le talent ; faire ce qui est impossible au talent, voilà le génie». De ce point de vue, et tout au long de sa carrière de comédien, Antoine était visité par le génie. Un génie flagrant et fulgurant comme se souviennent ceux qui l’ont vu sur scène, travaillé avec lui, ou simplement, comme apprentis, tiré profit de ses leçons. Roses rouges pour moi est le titre d’une œuvre du dramaturge irlandais Sean O’Casey. Je l’ai paraphrasé pour l’occasion, afin d’en lancer quelques brassées à Antoine et à sa compagne Latifé qui, autant que je sache, est la première actrice du Proche-Orient à s’être produite sur les planches comme... metteur en scène. Jalal KHOURY (*) À l’occasion de l’hommage qui leur sera rendu aujourd’hui, mardi 12 mars, au Mouvement culturel d’Antélias, à 18h.
Dans le court âge d’or du théâtre libanais qui fut aussi, entre 1960 et 1975, le contrepoint de celui du Liban tout court, quelques moments privilégiés demeurent dans les mémoires comme autant de réminiscences, de points d’orgue, de parchemins condamnés à jaunir, de stèles taillées dans le vent pour témoigner de l’esprit d’un temps où tout a été possible. Antoine Moultaka...