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Actualités - INTERVIEWS

ENTRETIEN - Proposition Abdallah, visite d’Assad, politique locale ; le leader du PSP commente l’actualité Joumblatt : Le sommet arabe ne sera pas le fossoyeur de la cause palestinienne

Il y en a qui prétendent qu’il est «inhabituellement inquiet». Qu’il n’a plus son humour. Qu’il a moins d’entrain. D’autres abondent publiquement dans la mauvaise foi, le figent dans un passé – celui que se partagent tous les chefs de guerre. Demandent aux Libanais de ne pas oublier qu’il est diablement lunatique. Qu’à cela ne tienne. Il faut bien qu’ils s’occupent. Sauf que Walid Joumblatt n’est pas «inhabituellement» inquiet. Walid Joumblatt est fataliste. Conscient qu’il a tout fait, tout essayé, depuis deux ans, pour freiner la chute aux enfers du Liban et le ramener vers le haut. Presque en solitaire. Fataliste donc. Sauf que ça ne l’empêche pas de (se forcer à) voir, parfois, le verre à moitié plein. Et quand on lui reproche – d’autres l’en accusent – de baisser le ton, de «ramollir», d’avoir «le cul entre deux chaises», il répond qu’il ne voudra jamais entendre dire qu’il a torpillé, en quoi que ce soit, la moindre – même hypothétique – chance de sauver le pays. C’est, sans aucun doute, son credo. Sa véritable «décision politique». Commencer d’abord, tout naturellement, par la visite inopinée, surprenante, très mise en scène, de Bachar el-Assad à Beyrouth. À propos de laquelle certaines voix, tellement promptes à réagir que l’on se demande parfois si ce n’est pas du play-back, assurent que cette surprise syrienne confirme bien que la grande sœur reconnaît, et le montre, l’État libanais. Walid Joumblatt dit : «Historique ? Non. Elle est importante. La dernière visite d’un président syrien, c’est celle de Hafez el-Assad, en 1975, à Chtaura». Et selon lui, le Conseil supérieur mixte de coopération aurait pris certaines décisions. «Le barrage du Assi, par exemple. C’est une bonne chose : on ne savait pas très bien si ce Conseil existait ou n’existait pas. Mais maintenant, il faut en renforcer certaines composantes – celles concernant notamment la partie libanaise. Il y a des problèmes de fond : l’agriculture». Et la présence armée alors, la tutelle ? «Ce n’est plus le moment. Pour l’instant. Même le patriarche Sfeir a changé de ton. Pourtant, rien n’empêche de garder les bases stratégiques syriennes au Liban, en les cantonnant dans certains bourgs, certains villages. Depuis le 11 septembre, ce n’est plus la même donne». Soit. Les impatients, les radicaux peuvent se rassurer avec cette certitude : il y a un temps pour tout. Pour preuve : il suffit de retourner deux ans en arrière. Septembre 2000. Quoi qu’il en soit, Walid Joumblatt ne sait pas qui a (mal) organisé cette visite. «On aurait pu en profiter pour ébaucher une réconciliation nationale, convier le patriarche maronite, etc.». Comment peut-on inscrire cette visite ? Peut-on parler d’un axe Lahoud-Assad contre la proposition Abdallah ? «Non, je ne pense pas. Historiquement, les Assad ne se sont jamais opposés à l’Arabie saoudite, encore moins au prince Abdallah. Il y a certes quelques points de litige, dont le sort des réfugiés palestiniens, qui n’est pas mentionné par le prince héritier. Le Liban et la Syrie veulent simplement des propositions plus claires. Je ne crois pas qu’ils aient mis la barre plus haut, je pense que les deux propositions se rejoignent». Qu’elles se complètent. Mais pourquoi cette proposition Abdallah ? Il y a eu tellement de plans depuis des décennies… «Abdallah est mal perçu par les États-Unis. Il est sous pression. Il a une image internationale à promouvoir, une opinion publique, saoudienne mais aussi arabo-musulmane, à satisfaire». C’est une bonne chose, cette initiative ? «Oui. Si elle se traduit par une position arabe commune. Ce qui ne veut pas dire que les donnes sur le terrain vont nécessairement changer. La guerre est à son paroxysme, il y a beaucoup, beaucoup de sang. Oslo est mort et enterré, et on ne peut plus proposer aux Palestiniens un nouvel Oslo». Vous avez donc changé d’avis, le sommet de Beyrouth ne sera plus le fossoyeur de la cause palestinienne ? «Oui, j’ai changé d’avis. Mais la résilience des Palestiniens est aujourd’hui phénoménale. Et en face, Israël a besoin d’un visionnaire. Ce ne sera certainement pas Sharon. Netanyahu est à sa droite. Et Peres, le disciple de Ben Gourion, est encore plus dangereux que tous les faucons. Il faut un mouvement de paix – qui ne peut naître que de la guerre. Mais la proposition Abdallah reste une bonne chose pour le sommet». malgré la Libye ? «On ne sait pas vraiment ce qu’il veut Kadhafi, un jour il est africain, le lendemain arabe». Sauf qu’il semble difficile que la Libye puisse se permettre de torpiller le sommet. Sur le plan local, on se souvient de cette phrase tellement joumblattienne, après le vote du budget – il avait voté oui : «C’est une décision politique». Alors ? «Il y aura Paris II si il y a privatisations, et tout est à l’avenant, tout est basé sur des si. Mais c’est très glissant, les privatisations, et au Liban nous manquons de références. Voyez le scandale Enron aux États-Unis. Dans tous les cas, les députés du PSP s’abstiendront de voter les privatisations, les autres membres du bloc feront ce qu’ils voudront». Et les trois ou quatre mois qui viennent ? Cruciaux ? «C’est Hariri lui-même qui l’a dit. Mais tout dépend tellement de la situation politique. La visite d’Assad à Beyrouth, et ses déclarations sur l’importance de l’économie, va peut-être ressouder tout le monde». Oui mais pour combien de temps ? «Dans tous les cas, c’est l’inconnue totale : on ne peut pas changer de gouvernement, et on ne peut demander des comptes à personne». Et la TVA ? «Nécessaire pour renflouer les caisses, mais…». Et puis il y a la pérennité de l’emploi. L’usine Ghandour… On parle même de Pepsi-Cola. Walid Joumblatt sourit. L’humour est intact. Ziyad MAKHOUL
Il y en a qui prétendent qu’il est «inhabituellement inquiet». Qu’il n’a plus son humour. Qu’il a moins d’entrain. D’autres abondent publiquement dans la mauvaise foi, le figent dans un passé – celui que se partagent tous les chefs de guerre. Demandent aux Libanais de ne pas oublier qu’il est diablement lunatique. Qu’à cela ne tienne. Il faut bien qu’ils...