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Actualités - CHRONOLOGIE

JUSTICE - Le 6 mars, le tribunal militaire entendra les témoins dans le procès Hindi Antoine Bassil : Les enquêteurs m’ont sommé de coopérer sous les pires menaces

La vidéocassette des «aveux» du Dr Toufic Hindi, promise au cours de l’audience précédente, n’a pas été diffusée, mais le film du procès s’est poursuivi. Au programme de l’audience d’hier, la poursuite de l’interrogatoire des inculpés, mené sur un ton souvent badin, par le président du tribunal le brigadier Maher Safieddine, et la spectaculaire rétractation du journaliste Antoine Bassil. Mais la bonne humeur affichée ne cache pas la terrible réalité : des inculpés qui affirment avoir été soumis à de terribles pressions et déclarent avoir signé leurs dépositions sans les lire, et des irrégularités de procédure au cours de l’enquête préliminaire... Introduits dans la salle du tribunal militaire, journalistes et avocats cherchent le magnétoscope destiné à visionner la fameuse cassette. Mais la seule caméra visible est installée dans le mur et filme le plus discrètement du monde le déroulement des audiences… Me Boutros Harb interroge d’ailleurs le président sur la cassette promise et le brigadier Safieddine répond avec son éternel sourire : «Notre demande n’a pas encore reçu de réponse et, de toute façon, cette cassette sera d’abord visionnée par le tribunal qui décidera alors de son sort». Tout au long de l’audience qui dure près de 4 heures, pause comprise, le brigadier cherche à détendre l’atmosphère, multipliant les plaisanteries avec les inculpés et leurs avocats. Pourtant des questions qui semblent élémentaires ne sont pas posées, comme si la tendance générale était de clore le dossier le plus vite possible ou alors comme si, en creusant trop les faits, le tribunal craignait de dévoiler la faiblesse de l’acte d’accusation. Ainsi, lorsque le journaliste Antoine Bassil, sur les dépositions duquel a été pratiquement construit l’acte d’accusation, affirme avoir rencontré Karam Zaarour (Oded Zaraï) pour la dernière fois un mois et demi avant son arrestation, nul ne lui demande de précisions sur cette rencontre... Beaucoup d’autres points flous seront aussi à peine évoqués. L’objectivité des médias en question Pourtant tous les journalistes attendaient l’interrogatoire d’Antoine Bassil, personnage-clé de ce dossier. Bassil, qui a subi une intervention chirurgicale pendant sa détention, se place donc à la barre et, sa voix, d’abord inaudible, prend de plus en plus d’ampleur. Il parle surtout de sa carrière et, à plusieurs moments, il se retrouve en train de défendre son métier comme s’il s’agissait du procès de la presse. Au passage, le président laisse entendre qu’il suit de près les médias et qu’il connaît bien la situation en Israël et même aux États-Unis. Bassil commence par raconter les circonstances de son arrestation et ses premiers jours de détention, affirmant avoir été maltraité et soumis à de telles pressions qu’il était prêt à tout dire pour avoir la paix. Selon lui, un des enquêteurs lui aurait même carrément déclaré : «Nous ne t’en voulons pas. C’est Hindi que nous voulons. Soit tu marches avec nous, soit nous te ferons avouer que tu as crucifié Jésus». Face à une telle menace, Bassil affirme n’avoir plus opposé la moindre résistance et, même devant le juge d’instruction, il n’a pas osé se rétracter, craignant d’être renvoyé à Yarzé. Il évoque aussi sa rencontre avec le président du syndicat des rédacteurs Melhem Karam qui avait tenu à le voir en tête à tête chez le juge d’instruction, ajoutant que lorsque celui-ci lui a laissé entendre qu’il semblait compromis, il lui aurait déclaré : «SVP, ne vous arrêtez pas aux apparences». Toufic Hindi suit passionnément l’interrogatoire de Bassil et, devant certaines de ses réponses, il hoche la tête avec vigueur, comme pour les confirmer. Bassil raconte ainsi que sa dernière rencontre avec Hindi remonte à 1990, lors de la guerre qui opposait les FL au général Aoun. Par contre, avec Karam Zaarour, c’est une longue histoire. Elle commence en 1982, lorsque le rédacteur en chef du quotidien al-Amal (dans lequel il travaillait) Joseph Abou Khalil le convoque pour lui présenter Karam Zaarour, un collègue irakien qui va collaborer avec le journal. Pressé par le tribunal, Bassil reconnaît qu’Abou Khalil lui avait dit que Zaarour (qu’il n’a jamais connu sous le nom d’Oded Zaraï) était juif, mais il n’a jamais su qu’il était Israélien. «Je le voyais avec un passeport américain et il se rendait en Israël comme tout autre journaliste». Une amitié professionnelle se tisse entre les deux hommes et Zaarour suggérera le nom de Bassil comme correspondant à Beyrouth de la chaîne anglaise CBN. En 1989, Zaarour fonde le Jerusalem report et engage Bassil qui précise que ce bulletin bi-mensuel est imprimé et distribué aux États-Unis. Son rôle à lui consistait à écrire des reportages, non des analyses, en rapportant les faits de manière précise et objective. «Comment un juif peut-il rapporter des faits ayant trait à la région de manière objective ?», demande le président et Bassil ne voit pas pourquoi il ne le ferait pas. «Vous voulez dire que les Israéliens rapportent objectivement les faits ayant trait à la région ?» «Ceux que je lis, en tout cas, le font, répond bravement l’inculpé. Ne trouvez-vous pas que CNN est objective ?» «Bien sûr que non», rétorque le président et la discussion s’étend sur les médias, avant de revenir sur la relation entre Zaarour et Bassil. Ce dernier précise avoir rencontré plusieurs fois le premier à Chypre et il affirme l’avoir vu une fois en compagnie de Henri Sfeir, dont il est devenu par la suite une sorte de conseiller. De même qu’il l’a vu une autre fois avec Jamal Nasser, lui-même inculpé dans ce dossier pour avoir fait le commerce de maillots féminins avec le même Zaarour. Mais tout le reste, notamment la rencontre avec Hindi et les fameux 500 dollars que celui-ci lui aurait remis, est faux, selon Bassil. Quatre petites questions… Vient ensuite le tour des deux membres des FL arrêtés le 7 août puis remis en liberté à la veille de Noël. Élie Keyrouz et Selmane Samaha sont accusés d’avoir tu les confidences de Hindi sur ses contacts avec Zaraï. Keyrouz raconte les tortures qu’il a subies à Yarzé et parle d’une voix presque inaudible. Samaha par contre est sûr de lui et c’est d’une voix forte qu’il affirme n’avoir jamais eu vent de tels contacts. Les deux jeunes gens confirment les propos de Hindi concernant leur confrontation, qui se serait déroulée séparément et à 5 minutes d’intervalle. Boutros Harb demande ensuite l’autorisation d’interroger de nouveau le Dr Hindi et, en quatre petites questions, il jette le discrédit sur l’ensemble du dossier : les dépositions lors de l’enquête préliminaire auraient été, selon son client, prises quatre jours après son arrestation et non deux. Ainsi, non seulement les délais légaux ont été dépassés, mais de plus les dates changées. Me Harb cherche aussi à savoir si le directeur des renseignements a posé une question à Hindi lors des fameux «aveux filmés», et l’inculpé répond par l’affirmative. Cela peut paraître anodin, mais le brigadier Raymond Azar n’est pas un enquêteur judiciaire, même si, selon Hindi, il a surtout essayé de le mettre à l’aise... Après l’interrogatoire rapide du dernier inculpé Jamal Nasser, le président fixe le prochain rendez-vous au 6 mars, pour l’audition des témoins. Le tribunal se réunit ensuite pour étudier la demande de remise en liberté du Dr Hindi. Sa femme et ses enfants attendent la décision, dans la cour soudain vide. L’atmosphère générale étant encourageante, ils veulent croire au miracle et font déjà des projets pour leurs retrouvailles. Mais une fois de plus, l’attente est déçue. Hindi reste donc en prison. Sa libération ? À Pâques peut-être ou à la Trinité... Scarlett HADDAD
La vidéocassette des «aveux» du Dr Toufic Hindi, promise au cours de l’audience précédente, n’a pas été diffusée, mais le film du procès s’est poursuivi. Au programme de l’audience d’hier, la poursuite de l’interrogatoire des inculpés, mené sur un ton souvent badin, par le président du tribunal le brigadier Maher Safieddine, et la spectaculaire rétractation du...