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Actualités - CHRONOLOGIE

JUSTICE - La séparation des pouvoirs, condition sine qua non de l’indépendance judiciaire Husseini : « Il faut mettre fin à l’asservissement des juges »

«Le pouvoir judiciaire fonctionnant dans le cadre d’un statut établi par la loi et assurant aux juges et aux justiciables les garanties indispensables, est exercé par les tribunaux des différents ordres et degrés. La loi fixe les limites et les conditions de l’inamovibilité des magistrats. Les juges sont indépendants dans l’exercice de leur magistrature». L’ancien président de la Chambre, Hussein Husseini, lit en articulant mot par mot, un passage de l’article 20 de la Constitution. Dès qu’il s’agit de parler de réforme du système judiciaire, le père de l’accord de Taëf ne manque pas d’arguments convaincants. Depuis plusieurs années, c’est un véritable combat qu’il mène au sein de l’hémicycle en faveur de la Justice, le dernier en date étant la proposition de loi présentée en 1997 avec cinq autres de ses collègues, visant à réformer et renforcer le pouvoir judiciaire dans le sens d’une plus grande indépendance. Un projet resté, depuis, sans lendemain, mais qui devrait être prochainement remis sur le tapis pour discussion. Entre-temps, un nouveau projet de loi réorganisant la Justice, voté par le Parlement, a vu le jour. Interrogé par L’Orient-Le Jour sur ce nouveau texte de loi Hussein Husseini critique les nombreuses failles qu’il comporte, estimant qu’il est loin de réformer le troisième pouvoir. «La nouvelle loi est un leurre au sens où elle sert de camouflage au problème de tutelle exercé par le ministère de la Justice», affirme M. Husseini. Elle n’assure pas la séparation totale des pouvoirs dans la mesure où le pouvoir politique continue d’exercer un degré d’influence sur la magistrature par l’intermédiaire du recrutement et par le biais de l’organisation judiciaire elle-même». Bien que l’exposé des motifs prévoit, «le renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire et sa consolidation pour ce qui est de l’élection d’un certain nombre de membres du Conseil supérieur de la magistrature conformément au document d’entente nationale», le contenu est loin de justifier les objectifs visés. «Sur les dix membres prévus dans le CSM, deux seulement sont élus. C’est une véritable plaisanterie», estime l’ancien président de la Chambre. «Il est prévu dans la nouvelle loi qu’un membre du CSM ne peut être révoqué avant trois ans. Mais lorsque l’on sait qu’il a été désigné par le Conseil des ministres, à quoi sert cette garantie ? s’interroge M. Husseini. Pour le défenseur de Taëf, le document d’entente nationale est clair, net et précis quant au sujet de l’indépendance de la Justice. Pourtant, ni les décrets d’application, pratiquement «inexistants» comme il dit, ni les quelques textes législatifs qui ont suivi, n’ont pu traduire l’esprit de la Constitution, encore moins les pratiques sur le terrain, puisque l’autorité judiciaire est restée «un instrument aux mains du pouvoir politique». Ce dernier tient à sa merci les juges, de par la compétence qui lui est dévolue de sélection et de contrôle de leur carrière, ce qui fausse complètement le jeu, affirme Hussein Husseini . Il suffit de rappeler, comme le souligne le président de l’Institut des droits de l’homme du barreau de Beyrouth, Georges Assaf, dans la revue Etudes Juridiques, l’exposé des motifs de la proposition de loi présentée en 1997 par les six députés qui soulignent sans ambages, «l’assujettissement de l’autorité judiciaire à l’Exécutif, aidé en cela par la passivité du pouvoir législatif , en violation de la Constitution». «L’accord de Taëf a consacré le principe de la participation de tous au sein d’un régime républicain parlementaire dans le cadre des lois et des institutions. D’où l’accent mis dans le préambule de la Constitution sur le principe de la séparation des pouvoirs, sachant que la concentration des pouvoirs en une seule main signifie l’anéantissement des libertés. De là découle l’importance de l’idée de pouvoirs qui se contrôlent mutuellement, qui s’équilibrent et collaborent entre eux», souligne l’ancien chef du Parlement. L’ingérence dans les affaires judiciaires, un crime Afin de réaliser les principes de séparation, de contrôle, d’équilibre et de collaboration des pouvoirs, Husseini Husseini prône une indépendance totale de l’autorité judiciaire, afin de permettre aux juges d’exercer leurs fonctions selon leurs compétences propres comme prévu par la Constitution. À cette fin, les six députés ( Hussein Husseini, Nassib Lahoud, Omar Karamé, Sélim Hoss, Mohammad Youssef Beydoun, Boutros Harb) ont avancé l’idée d’un Conseil supérieur de la magistrature (CSM) qui regrouperait et superviserait toutes les instances judiciaires en assurant la coordination entre elles. Le texte prévoit également les modalités de nomination, de promotion et de transfert des magistrats d’un poste à l’autre sans l’approbation du ministre de la Justice, ainsi que les traitements des juges, des responsabilités qui relèvent exclusivement du CSM. En d’autres termes, elles sont soustraites au pouvoir politique. Le projet prévoit également un système de sanction disciplinaire qui dépend également du seul CSM, l’avancement ou la révocation des juges étant décidé par la seule autorité judiciaire désormais indépendante. Et le député de Baalbeck de rappeler que la proposition de loi de 1997, prévoit dans son article 19 que «toute ingérence dans les affaires judiciaires est un crime passible d’emprisonnement. La peine encourue varie entre six mois et un an, et entre un ans et quatre ans si la personne incriminée occupe une fonction publique». Outre le principe de l’inamovibilité des juges, principe également consacré dans le texte de 97, le pouvoir judiciaire doit également jouir d’un indépendance financière et administrative, un budget spécial devant être consacré au CSM par le ministère de la Justice afin d’assurer le bon fonctionnement de cette instance. «Il s’agit d’assurer toutes les conditions nécessaires à une indépendance totale de l’autorité judiciaire qui sera assumée par les tribunaux dans toutes leurs spécialités dans le cadre d’un régime prévu par la loi qui garantit aux juges et aux plaignants les garanties requises», stipule l’exposé des motifs. Pour M. Husseini, la sauvegarde des libertés, aussi bien que le processus de sauvetage économique, passent par la construction de l’État de droit, c’est-à-dire par la libération de la Justice du joug du pouvoir politique, et la fin de ce qu’il appelle «l’asservissement». «Ne nous faisons pas d’illusion : personne ne nous fera confiance, pour ce qui est des investissements et des questions économiques, tant que nous n’avons pas institué un pouvoir judiciaire indépendant», dit-il. «Ces paroles ne sont pas les miennes, mais celles de Raymond Barre (ancien ministre français) qui avait adressé ces recommandations à Bahige Tabbarah ( ancien ministre de la Justice) lors d’un sommet francophone». Pour Hussein Husseini, il s’agit là d’une évidence que le Liban ne saurait ignorer si le gouvernement a la volonté réelle de résoudre la crise économique. Jeanine JALKH
«Le pouvoir judiciaire fonctionnant dans le cadre d’un statut établi par la loi et assurant aux juges et aux justiciables les garanties indispensables, est exercé par les tribunaux des différents ordres et degrés. La loi fixe les limites et les conditions de l’inamovibilité des magistrats. Les juges sont indépendants dans l’exercice de leur magistrature». L’ancien...