Rechercher
Rechercher

Actualités - INTERVIEWS

LOI ÉLECTORALE - Comment combler le fossé entre la population et l’État ? Boutros Harb : Une petite circonscription pour rassurer les chrétiens(photo)

Dans deux ans, si tout va bien, le Liban sera doté d’un nouveau Parlement. De nouveaux représentants pour un peuple qui se sent de moins en moins concerné par les affaires de l’État. Comment combler le fossé ? Peut-être en préparant une loi électorale équitable qui permettrait à chaque citoyen de sentir que sa voix est importante et qu’il peut, grâce à elle, influer sur le cours des événements. Mais jusqu’à présent, les autorités concernées ne se sont pas encore penchées sur ce problème. C’est pourquoi, en coordination avec les diverses organisations qui s’intéressent à la géographie électorale libanaise, nous avons sondé des parties libanaises sur le système qui leur paraît le plus représentatif. Boutros Harb a mené plusieurs élections, avant et après l’accord de Taëf. Politicien chevronné, il connaît désormais toutes les ficelles du scrutin et il a réussi à garder une place privilégiée dans le cœur des habitants du Nord, indépendamment des tendances générales du pays. Pourtant, Boutros Harb, qui a été élu dans une grande, une petite et une moyenne circonscription, a ses préférences. Pour lui, il est indispensable d’assurer une ambiance démocratique, pour permettre à l’électeur d’exercer librement son choix. «Avec mon expérience, je peux dire que je ne suis pas pour les grandes circonscriptions». N’a-t-il pourtant pas approuvé l’accord de Taëf, qui prônait des circonscriptions de la taille du mohafazat ? «Personnellement, j’ai une interprétation différente de cette disposition. Car, si un des paragraphes mentionne effectivement que la circonscription électorale doit avoir la taille du mohafazat, un autre évoque les élections législatives de manière détaillée. Il précise notamment que les élections doivent se dérouler suivant une loi nouvelle prenant pour base le mohafazat, tout en tenant compte des exigences de la vie en commun et de la vraie représentativité politique des différentes catégories, après une révision de la délimitation administrative des mohafazats dans le respect de l’unité de la terre et du peuple. En d’autres termes, les limites du mohafazat sont modifiées, de manière à assurer une meilleure représentativité et à Taëf, il n’a jamais été question de les laisser inchangées». Boutros Harb les verrait bien entre le caza et le mohafazat. «Il faut voir au cas par cas». Les confessions ne sont pas des partis Selon cheikh Boutros, les autorités n’ayant pas tenu compte de ces dispositions de l’accord, la représentativité a été faussée au cours des scrutins de l’après-Taëf. «Nous sommes le seul pays au monde où l’on adopte les grandes circonscriptions sans établir un système de scrutin proportionnel». Quant au scrutin proportionnel, il ne peut être appliqué en dehors d’un système de partis politiques. «À moins que l’on ne considère les confessions comme les partis, mais dans ce cas, on s’éloigne totalement de la volonté de ceux qui ont participé à l’élaboration de l’accord de Taëf». C’est pourtant à Taëf que le confessionnalisme a été consacré. «Non, c’est la mauvaise application de l’accord qui a créé un sentiment de frustration chez certaines communautés. Celles-ci se sont senties marginalisées, parce qu’elles étaient représentées par des personnes qui ne reflétaient pas leurs opinions. C’est sans doute ce qui a renforcé le sentiment d’appartenance communautaire». Aujourd’hui, la priorité, pour cheikh Boutros, est d’arrêter l’hémorragie de l’émigration chrétienne et de mettre un terme à la marginalisation des chrétiens, qui sentent que leur avenir n’est plus assuré au Liban. «Les nouvelles idées doivent faire face à ce nouveau défi : permettre à toutes les communautés à défaut des partis politiques de se réaliser, de s’épanouir et de jouer un rôle effectif au sein de la vie politique. À mon avis, la petite circonscription est le moyen le plus sûr d’y parvenir. L’idéal serait le principe d’un électeur, un vote, ou peut-être un électeur deux votes (un chrétien et un musulman), afin de préserver la cohabitation et l’unité nationale». Cheikh Boutros est convaincu que l’assainissement de la vie politique passe nécessairement par l’adoption d’une petite circonscription électorale, principale garante d’une représentativité réelle et donc d’une plus grande implication des électeurs dans le choix de leurs représentants. Un électeur, un vote, pour respecter les spécificités C’est, selon lui, à ce prix seulement que les chrétiens cesseront de se sentir marginalisés en ayant le sentiment de pouvoir faire un choix effectif. Le système d’un vote par électeur lui paraît donc idéal pour la situation actuelle et permettra de sauver la coexistence, qui demeure un des fondements du Liban. «Cette formule respecte les spécificités et inspire confiance aux différentes communautés. En tout cas, ce projet est actuellement en train d’être discuté entre les membres du groupe de Kornet Chehwane et nous comptons proposer un document commun à ce sujet, une fois les débats terminés. Ce qui est sûr, c’est que nous ferons de la petite circonscription notre principal cheval de bataille». Cette formule ne comporte-t-elle pas le risque d’avoir un électeur et un élu centrés sur leur petite région ? «Je suis conscient des défauts de ce système, mais ils me paraissent négligeables devant le risque de perdre le pays. Nous ne pouvons plus nous permettre de nous payer le luxe des théories, il nous faut agir. L’épanouissement de certaines communautés ne doit pas se faire aux dépens des autres et les grandes circonscriptions n’ont pas renforcé l’unité nationale, comme cela avait été annoncé. Au contraire, les sentiments d’appartenance confessionnelle sont de plus en plus exacerbés et provoquent des réactions extrémistes dans toutes les communautés. L’urgence est donc d’éliminer la peur de l’avenir et à partir de là, on pourra régler les autres problèmes…». Scarlett HADDAD
Dans deux ans, si tout va bien, le Liban sera doté d’un nouveau Parlement. De nouveaux représentants pour un peuple qui se sent de moins en moins concerné par les affaires de l’État. Comment combler le fossé ? Peut-être en préparant une loi électorale équitable qui permettrait à chaque citoyen de sentir que sa voix est importante et qu’il peut, grâce à elle, influer...