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Actualités - CHRONOLOGIES

Liban-Palestiniens - Selon Sultan Aboul Aynayn, il n’y aura pas d’opération du Hezbollah à Chebaa - À Rachidiyé, les habitants ne cachent pas leur révolte

Après la panique du début de la semaine, provoquée par les survols massifs des avions israéliens, la tension est tombée à Rachidiyé. Le camp perdu au milieu des vergers ressemble à tout sauf à un lieu fortifié. Ici, la Palestine est toute proche et les 17 000 palestiniens qui vivent sur place ont le cœur à Jérusalem. C’est pour elle qu’ils tremblent, indifférents au risque de voir Israël les bombarder au Liban. D’ailleurs, personne ne croit à une telle éventualité. Non, au Liban, ils en veulent surtout au Hezbollah qui, selon eux, n’en finit plus de leur donner des leçons, pas toujours dans leur intérêt, et à l’État qui, disent-ils, les prive de leurs droits les plus élémentaires. Rachidiyé ne ressemble pas aux autres camps du Liban. Peut-être parce qu’il est le seul totalement et ouvertement contrôlé par le président de l’Autorité palestinienne Yasser Arafat. D’ailleurs, selon des estimations concordantes, 90 % des effectifs relèvent de l’OLP et 10 % des autres organisations. Dès le barrage contrôlant l’accès du camp, d’énormes banderoles informent le visiteur de l’allégeance totale des habitants à Arafat : «Tu es notre chef, le seul représentant du peuple palestinien», etc., peut-on lire tous les trois mètres, alors qu’à travers les fenêtres des maisons, la télévision branchée sur al-Jazira diffuse les dernières informations en provenance des territoires occupés. Mais quels que soient les développements, à Rachidiyé, on ne remet jamais en cause la sagesse de Arafat et la justesse de ses choix. «Les Arabes veulent sauver leurs têtes» Aux yeux des habitants du camp, tout le monde peut se tromper, trahir ou être sensible aux pressions, sauf lui. Sultan Aboul Aynayn, pratiquement le chef suprême du camp, n’est pas le plus tiède de ses défenseurs. Le représentant de Arafat au Liban, qui affirme avoir des forces sur l’ensemble du territoire libanais – même si elles n’existent officiellement qu’ici –, déplore la terreur des Arabes face aux pressions américaines. «Ils se sont tous précipités pour sauver leur tête et affirmer au président Bush qu’ils n’ont rien à voir avec le terrorisme, un terrorisme construit à la mesure des Arabes musulmans, ni plus ni moins». Par contre, selon Aboul Aynayn, ce n’est pas par peur que Arafat a décidé d’arrêter les opérations militaires, mais par sagesse. «Pourquoi le Hezbollah et ses patrons, la Syrie et l’Iran, auraient-ils le droit de savoir lire l’évolution des événements après le 11 septembre et pas les Palestiniens ? Je défie quiconque de prévoir une opération du Hezbollah dans les fermes de Chebaa dans le proche avenir. À mon avis, il n’y en aura pas, le Hezbollah et ses parrains sachant bien qu’il faut actuellement calmer le jeu. Par contre, ils critiquent Arafat parce qu’il s’en est pris au Hamas et au Jihad, car les Palestiniens doivent continuer à mourir et à s’attirer les foudres du monde entier, pour leur donner matière à surenchère». Autour de Sultan Aboul Aynayn, personne ne cache son amertume et sa révolte. Pour tout le monde, les survols répétés de l’aviation israélienne, lundi et mardi derniers, étaient destinés à pousser le Hezbollah et l’État libanais à baisser le ton, après les discours enflammés du week-end. Sultan Aboul Aynayn n’avait-il pas donné l’ordre d’évacuer toutes les positions militaires du camp ce jour-là ? «C’est vrai, mais c’était une précaution, car avec Sharon, on ne sait jamais», répond-il. Le Hezbollah devrait cesser la surenchère Ils ne semblent en tout cas pas craindre une agression au Liban. Pour eux, c’est en Palestine que le pire est à venir. «Nous avons sans doute mal ciblé notre intifada, lui donnant un volume militaire trop important, affirme Sultan Aboul Aynayn. L’erreur, c’était aussi de lancer des opérations à Haïfa et dans les territoires de 48. C’était comme si l’on disait au monde : ce n’est pas vrai que nous acceptons un État sur les terres de 1967 ; en vérité, nous voulons toute la Palestine». Il y a eu plusieurs opérations de ce genre depuis le 11 septembre, pourquoi Arafat n’a-t-il réagi que récemment ? «Des réunions de coordination se tenaient en permanence et ces thèmes étaient abordés. Mais maintenant, la situation a dépassé les bornes. Même l’Europe, traditionnellement proche des Palestiniens, les condamne désormais. De toute façon, Arafat est le père légitime de l’intifada. Nul ne peut lui contester le droit de la calmer un peu selon les intérêts du peuple palestinien». À Rachidiyé, on en veut au monde entier, mais particulièrement aux Arabes qui n’ont pas levé le petit doigt lorsque les symboles de l’Autorité étaient bombardés. D’ailleurs, ils n’attendent rien des ministres arabes en réunion extraordinaire. «Pour reprendre les propos du président Berry, ce serait heureux s’ils n’enterrent pas l’intifada». L’intifada doit redevenir un soulèvement populaire La première intifada avait débouché sur les accords d’Oslo, ne serait-il pas dommage que celle-ci se termine en queue de poisson ? Sultan Aboul Aynayn est hors de lui : «Cette intifada ne s’arrêtera que lorsque les Palestiniens auront un État. Mais on ne peut pas leur reprocher pour l’instant de vouloir rectifier le tir et de la ramener à ce qu’elle n’aurait jamais dû cesser d’être : un soulèvement populaire, appuyé de temps en temps, selon les circonstances, par des opérations militaires dans les limites des territoires de 67». Faut-il provoquer une guerre interpalestinienne pour un si maigre résultat ? «Il n’y aura pas de guerre interpalestinienne. C’est une ligne rouge pour nous tous. Mais la situation est très grave et les circonstances, depuis le 11 septembre, ne nous sont pas favorables, surtout que Sharon a exploité la situation à fond. C’est une période très difficile, mais nous ne pouvons qu’attendre, en essayant de prendre le moins de risques possible. Pourtant, nous savons bien que toutes ces concessions ne serviront à rien. Sharon n’a pas de projet de paix, ni même un plan politique. Sa seule vision est sécuritaire et pour les Palestiniens, la seule chance est de faire le maximum pour que le monde le voit tel qu’il est». Les auditeurs de Sultan Aboul Aynayn approuvent silencieusement. Ces vieux combattants, souvent des rescapés des batailles de Jordanie, de Beyrouth et de Tripoli, ont toujours suivi Arafat et ce n’est pas maintenant qu’ils vont changer. Enfermés dans le camp de Rachidiyé, il ne leur reste plus qu’un vague droit à la parole lorsque les journalistes font le déplacement jusqu’au camp. C’est pourquoi, quand ils en ont la possibilité, ils déballent ce qu’ils ont sur le cœur : leur rancœur à l’égard des Arabes, et notamment de la Syrie, à laquelle ils reprochent de tenter de contrôler les Palestiniens à travers l’influence du Hezbollah, mais aussi à l’égard du Liban qui les prive, selon eux, de droits élémentaires comme l’acquisition de biens immobiliers. «Nous nous conformons à la volonté des autorités et nous n’avons aucune activité hors la loi. C’est pourtant à nous qu’on s’en prend». Et Abou Mahjane ? «C’est une affaire politique. C’est à ceux qui l’ont poussé qu’il faut demander des comptes». Les Palestiniens de Rachidiyé se sentent seuls et abandonnés. Selon eux, pourtant, «en humiliant les Palestiniens, c’est tous les Arabes que Sharon humilie. Mais certains ne se soucient plus de leur dignité, d’autres essaient de la préserver». Dans son petit fief de Rachidiyé, Sultan Aboul Aynayn a la sienne sauve, les autorités libanaises respectant l’équation qui leur interdit de pénétrer dans les camps. Depuis le 11 septembre, la situation est si grave que l’heure n’est pas aux conflits secondaires.
Après la panique du début de la semaine, provoquée par les survols massifs des avions israéliens, la tension est tombée à Rachidiyé. Le camp perdu au milieu des vergers ressemble à tout sauf à un lieu fortifié. Ici, la Palestine est toute proche et les 17 000 palestiniens qui vivent sur place ont le cœur à Jérusalem. C’est pour elle qu’ils tremblent, indifférents au...