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Actualités - CHRONOLOGIES

Communautés - Ouverture de la session annuelle de l’APECL - Sfeir : La convivialité, l’ordre social et la raison d’être du Liban sont menacés

L’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL) a inauguré hier sa session annuelle au siège patriarcal maronite, à Bkerké, sous la présidence du patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Boutros Sfeir. L’assemblée a pris pour thème de sa session annuelle, cette année, la convivialité islamo-chrétienne («Al-aych al-mouchtarak»). Dans un discours inaugural d’une rare vigueur, le patriarche Sfeir a dénoncé tout – ou presque – de ce qui, dans la vie politique actuelle au Liban, menace cette convivialité, mettant en danger par le fait même tout l’ordre social et jusqu’à la raison d’être du Liban. Dans les nominations administratives, dans la loi électorale, dans la vie professionnelle et l’exigence éthique, la convivialité est battue en brèche, érodée, neutralisée par l’exercice politique, l’égoïsme, voire le désir d’hégémonie communautaire, à tel point que le Liban est transformé en une jungle abandonnée par ses élites et sa main-d’œuvre qualifiée, qui vont chercher fortune, reconnaissance, ordre, sécurité et justice, sous d’autres cieux. La session annuelle de l’APECL s’achève samedi par la publication d’un communiqué final comportant ses recommandations pour la défense et la promotion de la convivialité. Quatre commissions traiteront de la convivialité sous l’angle de la vie quotidienne, de la vie sociale, dans le domaine de l’information et enfin, dans le domaine pédagogique et universitaire. Des experts et spécialistes laïcs participent aux travaux de la session, auquels assisteront des «délégués fraternels» musulmans représentant les grandes communautés du pays. Le nonce apostolique, Mgr Luigi Gatti, a assisté à la séance inaugurale de la session, la seule qui soit publique. Les travaux se poursuivront jusqu’à samedi à huis clos, en présence de tous les évêques des sept patriarcats chrétiens d’Orient et des supérieurs généraux des Ordres religieux qui en dépendent. Une rencontre œcuménique avec les patriarches orthodoxes d’Orient marquera la session, comme la coutume s’en est instaurée depuis quelques années. Le discours du patriarche Sfeir est apparu comme un long commentaire du principal passage de l’Exhortation apostolique Une Espérance nouvelle pour le Liban consacré à la convivialité islamo-chrétienne. «Il est particulièrement intéressant, dit le document, d’intensifier la collaboration entre les chrétiens et les musulmans, dans les domaines où cela est possible, avec un esprit désintéressé, c’est-à-dire pour le bien commun et non pour le bien des personnes privées ou d’une communauté particulière, ou encore dans l’esprit d’obtenir davantage de crédit ou de pouvoir dans la société. Leur considération commune à l’égard de la vie morale et leur aspiration en vue d’un avenir meilleur les rendront tous ensemble responsables de l’édification de la société présente et du monde de demain, en protégeant et promouvant les valeurs morales, la justice sociale, la paix, la liberté, la défense de la vie et de la famille. Cette œuvre commune ne manquera pas de redonner à tous les Libanais confiance en leurs frères et en l’avenir, en les ouvrant sur le meilleur de la modernité (...). En apprenant à mieux se connaître et à consentir pleinement au pluralisme, les Libanais se doteront des conditions indispensables au véritable dialogue et au respect des personnes, des familles et des communautés spirituelles. Les écoles et les différents instituts de formation ont un rôle essentiel dans ce domaine car, dès le plus jeune âge, l’apprentissage de la vie commune rend les enfants attentifs les uns aux autres et les invite à gérer pacifiquement les conflits qui peuvent se présenter». «Confiance» dans leur pays, accès «au meilleur de la modernité», consentement sans réserve au «pluralisme» et au respect mutuel des communautés, gestion pacifique des conflits éventuels. En quelques mots-clés, le passage de l’Exhortation apostolique met en place les détails pratiques de la convivialité. Des détails que le discours patriarcal élève presque au rang de «conditions». Mais à l’image idyllique de la convivialité de l’Exhortation, le patriarche oppose la noire réalité. L’inégalité d’accès à la fonction publique et l’éviction des chrétiens de certaines administrations ; la promulgation de lois électorales taillées sur mesure destinées à évincer les opposants; la baisse de la morale publique, le détournement de la loi au profit de quelques-uns, l’enrichissement illicite ; l’injustice sociale et l’absence d’une redistribution équitable de la fortune nationale ; l’absence d’une paix qui est «tranquillité intérieure de l’homme qui, dans le cadre de l’ordre et de la loi, n’éprouve nulle crainte au sujet de sa position sociale, du présent et de l’avenir» ; exercice répressif du pouvoir à l’encontre de la liberté de parole, d’expression, d’association et d’action et de déplacement, gardes à vue abusives, etc. Réaliste, et sans douter un seul instant que la convivialité est «le charisme» du Liban, le patriarche constate encore que musulmans et chrétiens ont connu, au Liban, «plus de temps de malheur que de jours heureux». Il ajoute toutefois que telle est la destinée du Liban qui, sans cette convivialité, disparaîtrait purement et simplement. «Si le Liban éclatait et que sa formule venait à disparaître, assure-t-il, les chrétiens ne pourraient pas fonder un État chrétien, pas plus que les musulmans une République islamique». Mais, ajoute-t-il citant un message du pape pour la journée mondiale du migrant, peut-être bien que l’époque du dialogue interreligieux et de la floraison de la convivialité sont à nos portes, avec l’avènement du «village planétaire», et que les chrétiens du Liban, condamnés jusqu’à présent à vivre dangereusement, ont été gardés en réserve pour ces temps ou des bouleversements profonds affectent le globe, et où un immense brassage de populations transforme les grandes nations du monde en États pluricommunautaires. Un dialogue appris « sur les bancs de l’école » Pour le patriarche, à un «choc des civilisations» brutal qui ramènerait le monde civilisé à la loi de la jungle, il convient aujourd’hui d’opposer le modèle de civilisation proposé par Jean-Paul II dans son appel au dialogue. Un dialogue dont l’objectif, souligne-t-il, «ne consiste pas à faire adopter son point de vue, mais bien plutôt à atteindre cette acceptation de l’autre qui permet la coopération en vue de la paix pour tous et du bien commun.». Et un dialogue qui doit commencer, pour lui, «sur les bancs de l’école». C’est à ce prix, conclut le patriarche, que «disparaîtra (...) le sentiment d’être marginalisés» qui pousse les chrétiens, mais pas seulement eux, à se replier sur eux-mêmes, à démissionner ou à émigrer, un mouvement «qui vide le pays de ses élites qualifiées, aussitôt remplacées par de nouveaux venus dont les racines et l’histoire ne sont pas d’ici». La séance inaugurale de la session annuelle a également été marquée par une intervention du nonce apostolique qui a apporté sa propre note d’espoir à l’assemblée, en déclarant : «Les épreuves se multiplient et les difficultés auxquelles nous sommes confrontés se compliquent de plus en plus, mais le monde, malgré la complexité de ses systèmes, n’est pas aussi inaccessible que quelques-uns le croient... Observons bien, nous constatons que même dans les plus grands labyrinthes, il y a une issue (...). L’Église l’a prouvé chaque fois qu’elle a agi avec une persévérance éclairée (...) et une intelligence au service de la communauté».
L’Assemblée des patriarches et évêques catholiques au Liban (APECL) a inauguré hier sa session annuelle au siège patriarcal maronite, à Bkerké, sous la présidence du patriarche maronite, le cardinal Nasrallah Boutros Sfeir. L’assemblée a pris pour thème de sa session annuelle, cette année, la convivialité islamo-chrétienne («Al-aych al-mouchtarak»). Dans un discours...