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Actualités - ANALYSES

Le pouvoir au chevet du « grand malade »

Pour qui observe le fonctionnement des institutions, une question ne peut manquer de se poser, dans la conjoncture politique et économique actuelle. Elle porte sur les rapports entre les deux principaux acteurs du pouvoir exécutif, le président de la République et le chef du gouvernement. Quel type de rapports doivent-ils entretenir entre eux, au vu de la situation actuelle. Doivent-ils assumer ensemble la responsabilité de la politique gouvernementale ? Doit-on, au contraire, dissocier leurs parts de responsabilité et garder la présidence de la République à l’écart des aléas d’une politique dont le succès ou l’échec seraient assumés par le seul chef du gouvernement ? Il existe, en réponse à cette interrogation, deux réponses contradictoires. La première veut que les deux pôles de l’Exécutif travaillent en étroite coopération, conformément au texte de la Constitution, qui prévoit «la séparation des pouvoirs» ainsi que «leur équilibre et leur coopération». Au demeurant, la présidence de la République et la présidence du Conseil, tout en étant distinctes, n’incarnent pas des pouvoirs différents et certaines de leurs attributions se superposent, puisque aussi bien le chef de l’État que celui du gouvernement assument collectivement la responsabilité du pouvoir exécutif. Cette ambiguïté est même considérée par certains constitutionnalistes comme l’un des points faibles de l’accord de Taëf. «À quel pouvoir référer la part de responsabilité qui est l’apanage du seul chef de l’État ?», s’interrogent ces spécialistes, qui situent la nature du régime libanais à mi-chemin entre le régime présidentiel, le régime d’assemblée et le régime collégial. C’est-à-dire nulle part, ou dans une catégorie particulière, celle des régimes «hétérogènes». Toujours est-il que les tenants de la «responsabilité partagée» estiment que le président, étant «le chef de l’État et le symbole de l’unité du pays», assume de ce fait la présidence de tous les pouvoirs et, à ce titre, donne à ces pouvoirs les orientations qui lui paraissent nécessaires. Par ailleurs, le président de la République étant, par extension, le président du Liban et de tous les Libanais, il lui appartient d’intervenir toutes les fois qu’il considère que la conduite des affaires publiques assumées par l’un des pouvoirs risque de porter atteinte à l’intérêt général et aux intérêts du Liban. C’est ainsi que le président Émile Lahoud comprend ses attributions, et c’est fort de cette interprétation de la Constitution qu’il a adressé, par exemple, un message au secrétaire général de l’Onu au sujet de la ligne bleue et des hameaux de Chebaa. Le chef du gouvernement Sélim Hoss avait protesté contre cette initiative unilatérale et contre l’envoi d’une note dont le président Lahoud ne lui avait pas communiqué la teneur à l’avance. L’affaire de tous Le chef de l’État récidive, en ce moment, en décidant que la politique économique et financière du gouvernement n’est pas du ressort exclusif du président du Conseil, mais que ses conséquences étant particulièrement graves, elle doit être assumée par tous. Ne parvenant plus à masquer son inquiétude à ce sujet, le locataire de Baabda a donc réagi et a décidé de s’informer de près des tenants et aboutissants de cette politique. Il en a conclu qu’il faut soutenir à fond le gouvernement. Le président Lahoud pense, en effet, que l’échec de la politique économique et financière du gouvernement ne se soldera pas simplement par le départ du cabinet Hariri, mais que cet échec est susceptible de bouleverser en profondeur la vie de tous les Libanais, ainsi que les fondements mêmes de la stabilité sociale, étroitement liée à la stabilité financière. C’est la raison pour laquelle des réunions de concertations ont commencé à se tenir, au palais de Baabda, avec certains ministres. Entamée avec les ministres de l’Économie et des Finances, en présence du gouverneur de la Banque du Liban, cette série de réunions s’est poursuivie avec les ministres en charge de services dont la privatisation est envisagée (EDL et Télécommunications). Pour le chef de l’État, même le secteur privé doit être étroitement associé à la conduite des affaires actuelles, le Liban étant comparable à «un grand malade» au chevet duquel doit se pencher non pas un seul médecin, mais une conférence médicale. Un soulagement symptomatique immédiat se résumant dans l’accélération du processus de privatisation. Certes, il existe des personnalités qui ne sont pas de cet avis, et qui pensent que le chef de l’Exécutif doit se tenir «en retrait» de la politique gouvernementale, comme une planche de salut possible, en cas d’effondrement. En pareil cas, ce serait le gouvernement qui s’en irait, pas le régime. De ce point de vue, le chef de l’État devrait se contenter de donner des conseils et des orientations générales au gouvernement, sans prendre le risque de mettre la main à la pâte. Seule une telle façon de faire, concluent les tenants de cette thèse, serait susceptible de permettre au gouvernement et au Parlement de jouer pleinement leurs rôles respectifs. À la lumière de cette analyse, la question qui se pose demeure la suivante : la politique économique et financière du gouvernement est-elle la bonne, pour sortir le Liban du gouffre de la dette ? À cette question, c’est le gouverneur de la Banque du Liban qui répond en assurant que l’année 2002 sera meilleure que l’année en cours, sur le plan économique et financier. Le Liban, qui a réussi, non sans difficultés, à maintenir la stabilité de sa monnaie, reçoit en ce moment des «signes positifs» des autorités monétaires internationales, ajoute Riad Salamé, qui s’attend à une amélioration des performances économiques du Liban, avec l’entrée en vigueur du plan économique du gouvernement qui fait l’unanimité de tous les responsables. Le chef du gouvernement refuse, pour sa part, toute appréciation pessimiste et inquiète de la situation économique, et se montre confiant que l’année 2002 marquera le début de la sortie du tunnel.
Pour qui observe le fonctionnement des institutions, une question ne peut manquer de se poser, dans la conjoncture politique et économique actuelle. Elle porte sur les rapports entre les deux principaux acteurs du pouvoir exécutif, le président de la République et le chef du gouvernement. Quel type de rapports doivent-ils entretenir entre eux, au vu de la situation actuelle....