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Actualités - ANALYSES

TVA - Une minorité de députés critique la loi, mais Siniora affirme qu’elle sera bénéfique - Une arme à double tranchant

La Chambre a voté hier (par 65 voix – chiffre non officiel) le projet de loi instituant la Taxe sur la valeur ajoutée – qui doit entrer en vigueur le 1er février 2002 – en dépit de fortes réserves exprimées toutefois par une minorité de parlementaires. Au moment du vote, ils ont été quinze à exprimer leur opposition au nouveau système fiscal et six à s’abstenir mais seulement une dizaine de députés avaient critiqué le texte durant le débat, jugeant qu’il est de nature à aggraver le marasme économique, à entraîner une inflation et à accroître les problèmes socio-économiques auxquels la population est confrontée. Un fait à relever : ils n’ont pas été démentis par le ministre des Finances, Fouad Siniora, qui a reconnu l’effet inflationniste et économiquement ralentissant de la TVA, mais qui a déclaré qu’elle fait partie d’un train de mesures économiques et fiscales à même de neutraliser ces effets négatifs et de stimuler l’activité économique dans le pays. Le débat autour de la TVA s’ouvre en l’absence du chef du gouvernement, Rafic Hariri, ce qui fait craindre le pire à plusieurs parlementaires. Ces derniers redoutaient une bouderie du président du Conseil qui était sorti mardi de l’hémicycle, sans attendre la fin de la réunion, pour protester contre une décision de M. Nabih Berry de renvoyer au gouvernement le projet de loi autorisant l’État à signer un accord de prêt de 200 millions de dollars destinés à l’achat de fuel pour le compte de l’EDL. M. Hariri avait jugé injustifiée la raison fournie par le président de la Chambre (l’absence de la signature du ministre des Affaires étrangères) pour renvoyer le projet de loi. Le chef du gouvernement fait irruption dans l’hémicycle au moment où le débat bat son plein. Farouchement, MM. Boutros Harb, Youssef Maalouf, Nicolas Fattouche, Hussein Husseini, Ali el-Khalil, Georges Dib Nehmé, Fayçal Daoud critiquent le projet du ministère des Finances, tandis que MM. Abdallah Farhat, Salah Honein, Gebrane Tok et Mme Nayla Moawad expriment des réserves sur le texte. «Pourquoi a-t-on fixé dès le départ un taux de 10 % pour la TVA ? Pourquoi ne l’a-t-on pas appliquée progressivement pour arriver aux 10% en réduisant graduellement aussi les taxes douanières, afin de parvenir à un équilibre entre les deux systèmes ?», demande M. Boutros Harb. C’est là un point que plusieurs parlementaires abordent mais qui est resté flou dans les réponses de M. Siniora. Ce dernier fait état d’une réduction progressive des droits de douane depuis l’année dernière, mais il ne dit pas dit si les taxes douanières seront abolies avant la mise en vigueur de la TVA ou si une double imposition, redoutée par des députés comme MM. Harb, Honein, Khoury ou Farhat, est à envisager. M. Harb met aussi en doute les estimations du ministère des Finances concernant les recettes de la nouvelle taxe (800 milliards de livres), en l’absence de statistiques fiables. Ce point est aussi soulevé par M. Youssef Maalouf qui, à l’instar de M. Boutros Harb et de tous les députés qui ont dit non au nouveau système fiscal, juge que le projet du gouvernement est de nature à accentuer les problèmes socio-économiques de la population. Il précise, à coups de nombreux exemples, que les pays où l’institution de la TVA s’est avérée être un échec sont beaucoup plus nombreux que ceux où ce système a réussi. Il cite entre autres, le Gabon et la Tunisie «où près de 63 entreprises ont fait faillite» et relève qu’au Liban, la TVA sera appliquée à près de 7 000 entreprises sans qu’on n’ait songé à leur pouvoir compétitif. «Les résultats de l’institution de cette taxe ne sont pas garantis», martèle-t-il, en insistant sur l’absence de statistiques et sur le nombre «insuffisant» des inspecteurs fiscaux, «au nombre de 250, ce qui signifie qu’un inspecteur doit contrôler dans le meilleur des cas deux entreprises par jour». « Pourquoi 2002 et pas 2004 ? » Après avoir souligné que le taux de 10 % est fictif «car le taux cumulé effectif atteindra les 28 %», M. Maalouf s’interroge, comme Mme Moawad, sur les raisons pour lesquelles le Liban ne prend pas exemple sur la Syrie et n’institue pas la TVA en 2004 au lieu de 2002. C’est le leitmotiv de la séance : gare à toute précipitation qui coûtera cher au Liban. «La France a mis cinq ans à étudier cette taxe puis elle s’est donné un délai de trois ans pour l’appliquer», relève M. Ali el-Khalil. Il faut quand même préciser que les détracteurs du projet ne sont pas opposés au principe de la TVA mais s’inquiètent du mécanisme d’application qui leur semble brumeux. M. Fattouche note ainsi que l’article 45 du texte est une atteinte au secret bancaire, dans la mesure où il impose aux contribuables de soumettre aux inspecteurs tous les documents prouvant qu’ils ont versé le montant de la taxe. Mme Moawad demande à savoir ce que le gouvernement a prévu pour la détaxe dont bénéficient les étrangers ou pour les accords de coopération bilatérale dans lesquels les prix de certaines marchandises sont fixés. Pour défendre le projet, seuls prendront la parole MM. Sélim Saadé, Antoine Haddad et Walid Eido qui soulignent que la TVA «introduit un nouveau concept fiscal équitable au Liban et bénéficie aux petites entreprises». Mais M. Saadé fait quand même remarquer que la nouvelle taxe est loin de favoriser le règlement des problèmes financiers de l’État. «Elle permettra au gouvernement de respirer pendant un ou deux ans, en lui assurant de quoi payer le service de la dette l’année prochaine», note-t-il. La réponse de Siniora C’est au tour de M. Siniora de répondre : il commence par placer le projet de loi dans le contexte des mesures adoptées par le gouvernement pour favoriser un redressement économique et opérer une réforme fiscale. Son application, ajoute-il, sera suivie d’une autre démarche, celle de l’institution de l’impôt unifié sur le revenu. Le ministre reconnaît qu’elle accentuera le marasme qui sera réglé, dit-il, grâce à d’autres mesures qu’il n’a pas précisées et qui visent à doper le secteur privé. Concernant les droits de douane, M. Siniora indique qu’à l’heure actuelle, 36 % des produits importés sont exemptés de taxes, contre 47 % soumis à une taxe de 5 % et 17 % soumis à une taxe supérieure à ce taux. Ce qui signifie que 64 % des importations sont taxées. Mais M. Siniora ne dit pas si elles continueront de l’être après l’institution de la TVA. Il explique que 70 % des recettes douanières proviennent de quatre produits : l’essence, les voitures, les cigarettes et l’alcool «et de certaines denrées qui peuvent concurrencer leurs équivalents locaux». Il défend ensuite le caractère «équitable» de la nouvelle taxe «qui n’est pas cumulative, contrairement à la taxe sur les ventes», avant d’indiquer que la TVA réduit sensiblement le risque de fraude fiscale puisque son parcours est suivi d’une façon systématique à partir de son importation jusqu’à la vente finale. M. Siniora fait aussi remarquer qu’elle favorisera la production locale et que la détaxe est prévue. Les Libanais vivant à l’étranger et ayant une carte de séjour délivrée par le pays d’accueil en bénéficient. Le texte est ensuite soumis au vote après l’échec d’une tentative de le renvoyer au gouvernement pour un examen plus approfondi. Il obtient la majorité parlementaire, constituée principalement des trois blocs Berry, Hariri et Joumblatt et est rejeté par vingt et un députés. La réunion est levée après l’approbation de huit textes de lois dont un projet de loi régularisant la situation des contribuables en retard de paiement de l’impôt sur le revenu depuis 1992 jusqu’en 1999, et une proposition de loi autorisant l’importation de moteurs usagés vieux de plus de dix ans pour les véhicules roulant à l’essence.
La Chambre a voté hier (par 65 voix – chiffre non officiel) le projet de loi instituant la Taxe sur la valeur ajoutée – qui doit entrer en vigueur le 1er février 2002 – en dépit de fortes réserves exprimées toutefois par une minorité de parlementaires. Au moment du vote, ils ont été quinze à exprimer leur opposition au nouveau système fiscal et six à s’abstenir mais...