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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Le « Mardi du mécénat » à l’Esa - Les entreprises libanaises commencent à s’ouvrir - aux investissements dans les œuvres d’art

«Collections d’art : quels bénéfices pour les entreprises ?» : tel était le thème débattu mardi 27 novembre par cinq spécialistes et organisé à l’École supérieure des affaires par l’Association libanaise pour le développement du mécénat culturel. Tour à tour, Francis Lacloche, directeur du mécénat à la Caisse des dépôts et consignations de France, Farid Chéhab, président de l’agence de publicité H&C Leo Burnett-Liban, Saleh Barakat, directeur de la galerie Agial, Wassek Adib, architecte, et César Nammour, critique d’art, ont pris la parole pour évoquer les perspectives d’un procédé méconnu et peu soutenu. Une culture économique du risque La présence de Francis Lacloche, qui a brossé le tableau des collections d’entreprises en Europe en axant la problématique autour de la Caisse des dépôts et consignations, a révélé le fossé, encore profond, entre la politique de mécénat des entreprises libanaises et étrangères. Il a rapidement rappelé les étapes de l’investissement humain et financier de la Caisse dans les collections artistiques, avant de définir très clairement ce qu’est «l’art dans et l’entreprise». «Il s’agit d’une action de mécénat qui contribue à améliorer le cadre du travail tout en invitant un public actif à se confronter à la création contemporaine». Francis Lacloche insiste d’emblée sur la nécessité d’«une politique cohérente d’aide aux artistes» – ce que rappelle également César Nammour (voir plus bas) – et sur le risque fréquent que prend l’art «dans un mauvais climat social et une faible écoute des revendications». «Celui-ci est une victime facile de ce phénomène», assure-t-il avant de souligner les quatre points forts du mécénat d’entreprise : il représente un «champ à explorer», un «public à connaître» grâce aux expositions ; il a aussi «un rôle national à jouer, se posant comme une alternative à la trop grande exclusivité des pouvoirs publics et des collectivités locales» et il est, enfin, «une façon d’injecter une culture économique du risque» et de la constante ouverture d’esprit. Un territoire visuel exclusif Le président d’une des deux plus grandes agences de pub libanaises, chargé d’évoquer les collections comme moyen ou non de communication pour les entreprises, a commencé son allocution par une devinette : Qui a été le plus grand mécène de tous les temps ? Réponse : l’Église catholique qui, avec ses commandes aux plus grands peintres, rassemble la plus prestigieuse collection d’art jamais égalée. Farid Chéhab évoque la nécessité, tout comme cette forme ancienne du mécénat, de faire du client «un croyant plutôt qu’un consommateur». Une déclaration-choc suivie d’un aperçu aussi rapide que clair de la «puissance médiatique d’une collection» : «Le président d’une entreprise au Liban s’intéresse d’abord à l’art pour diminuer ses impôts, investir dans des valeurs sûres et décorer ses locaux», affirme-t-il sans détour. «Certains d’entre eux prennent conscience de sa valeur de communication, que déclenche le processus de mécénat thématique et ciblé». Farid Chéhab se lance ensuite dans la rétrospective de son lien professionnel avec Raymond Audi, l’unique authentique mécène du pays. Celui-ci prouve d’ailleurs qu’une collection de ce genre ne peut être élaborée que par la passion d’un seul homme, avant tout vouée à l’esthétique. Et pour conclure, il rappelle l’importance d’«un territoire visuel qui doit être la propriété exclusive de l’entreprise», autrement dit, dans ce cas précis, de l’exploitation, lors de campagnes publicitaires, des œuvres d’art appartenant à la banque. Soutien aux gens de culture Saleh Barakat, dans une courte allocution axée autour de la question «collections d’entreprises : investissement ou placement ?», a lui aussi débroussaillé d’emblée l’épineux terrain en rappelant que «l’investissement dans l’art moderne et contemporain libanais n’est rentable que s’il est bien placé», autrement dit dans les valeurs sûres d’une créativité n’existant que depuis le tout début du XXe siècle (Onsi, Farroukh, Zgheib et Awad, pour ne citer qu’eux). Et qui dit art récent, affirme le galeriste, dit art devant faire ses preuves. Comme Francis Lacloche, Saleh Barakat évoque implicitement l’économie à risque, relative si elle est appréhendée avec passion et discernement. En guise de conclusion, il rappelle qu’un «soutien mutuel est nécessaire entre la société et les gens de culture, la première devant, avec son engagement, être redevable aux seconds de consacrer leur vie à une créativité qui occupe tout leur temps» et qui, souvent, est génératrice de talent. Nécessité et envergure d’une collection d’entreprise Wassek Adib résume, avec un discernement étonnant, la problématique du colloque : selon lui, le mécénat d’entreprise c’est «une responsabilité envers les artistes, une amélioration de l’environnement immédiat, une meilleure communication entre les employés et une identité spécifique pour chaque entreprise». César Nammour, enfin, qui a été chargé avec l’architecte de rassembler les critères pour constituer une collection d’art et évaluer la cote des artistes, rappelle qu’il faut «définir le but d’une telle démarche et limiter son envergure» : certains la voudront éclectique, d’autres spécifique (dans le temps, une région, un pays, une école, un sujet, un matériau ou encore consacrée à un seul artiste). Les chiffres Le «Mardi du mécénat» a voulu, avec succès, éclaircir la problématique libanaise des collections d’entreprises : les cinq personnalités invitées ont bien évidemment encouragé une réalité tant économique qu’esthétique et éducative (le mot de «mission» a même été prononcé) pour le moins dépréciée dans la pays. Ont été mis en cause le manque de transparence des prix et des cotes, et de confiance accordée aux galeries dignes de ce nom (au nombre de quatre). Celles-ci accusent le coup comme le montrent les chiffres issus de l’enquête, menée par l’association, auprès de sept galeries et de neuf entreprises : en moyenne, leurs ventes d’œuvres d’art aux entreprises représentent, en moyenne, moins de 5 % de leur chiffre d’affaires. La négociation directe avec l’artiste est largement pratiquée. Deuxième constatation sans appel : presque toutes les entreprises interrogées avouent ne pas consacrer de budget précis à l’acquisition d’œuvres d’art. Seule mais grande bonne nouvelle : toujours selon l’enquête, l’achat de toiles, de sculptures et de photographies par les grandes sociétés du pays est en hausse depuis 1999. Les trois premiers trimestres de l’année en cours ont vu l’achat de 190 œuvres contre 146 sur toute l’année 2000. L’art au Liban se ferait-il doucement une place au soleil ?
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