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Actualités - BOOK REVIEWS

correspondance - « L’habit du diable » : le rayé, tissu - des marginaux, toutes catégories

Qu’y a-t-il de commun entre un banquier, un bagnard, un zèbre et le diable ? Ce n’est pas une devinette, ni du pure ludisme. Le jeu des lignes bicolores est plus que dessin et ornement. C’est ce que révèle un ouvrage traduit du français et publié par les éditions de l’Université de Columbia sous le titre L’habit du diable : une histoire du tissu rayé. Son auteur, Michel Pastoureau, est un spécialiste de l’héraldique et autres symboliques médiévales. Partant du fait qu’au Moyen Age, les habits et les accessoires avaient tous des significations, il pressentait que l’étude des étoffes rayées allait l’emmener vers un univers emblématique. Considérant ce motif comme structurel plutôt que comme formel, il remonte au 13e siècle et explore son histoire et sa signification d’un point de vue sociologique. Et cela dans trois chapitres respectivement intitulés Du Diabolique au domestique», Du domestique au romantisme et Les rayures du temps présent. Un périple divertissant et inattendu, car d’emblée on ne pense pas que derrière un pull marin ou un costume frac, se cache une telle sémiologie. Au début, marque de la honte... Au début était la marque de la honte. L’iconographie du Moyen Âge révèle que les tissus rayés étaient réservés aux marginaux : les bourreaux, les chevaliers traîtres, les prostituées, les femmes adultères, les servantes et les «nains cruels», les lépreux et les hérétiques sans compter que le diable était représenté dans cette tenue dans l’imagerie moyenâgeuse. Puis survint le scandale des Carmélites. Retour en France après les Croisades en 1254, ces religieux ont été conspués par la foule parce qu’ils arboraient des bures rayées. Par la suite, il avait fallu l’intervention de plusieurs papes pour arriver, après 50 ans, à leur faire accepter une couleur unie. La Renaissance a donné un répit à l’ignominie des rayures en l’affublant même d’un certain esthétisme : François 1er et Henry VIII se font faire leur portrait ainsi vêtus. Puis les rayures prennent le large et émigrent vers l’Amérique, où les rebelles l’adoptent comme symbole de la liberté et elles retournent triomphalement en Europe. La révolution française les fait siennes. Les Anglais contre qui elles étaient dirigées s’y mettent aussi. Et, avant de faire leur entrée par la grande porte des garde-robes du XXe siècle, elles commencent l’ascension de l’échelle sociale. C’est-à-dire d’abord sous forme de vêtements intimes : pyjamas, chaussettes, maillots de corps et de bain. ... Puis au sommet de la hiérarchie sociale Quant aux pulls marins, on les a voulu rayés pour qu’en cas de naufrage et autres accidents de la mer, les navigateurs soient facilement repérables. Autre hypothèse, ces pulls ont été taillés dans un jersey déjà existant, qui tient chaud et dont on se servait pour faire des chaussettes, des bonnets et des gants. Plus tard, il y aura les rayures mafieuses et menaçantes d’Al Capone et de sa famille. Elles seront tempérées dans les costumes bon chic bon genre des banquiers. Artistes et écrivains se laisseront prendre à ce graphisme linéaire. Maupassant les arbore pour ramer sur la scène et Picasso en fait son uniforme favori. L’habit du diable et des parias atteint donc le sommet de la hiérarchie sociale et aujourd’hui, après l’étude de Pastourneau, on ne percevra plus le rayé comme un tissu innocent et folâtre. Signe distinctif chez l’homme, comme dans la nature (la véritable couleur du zèbre est-elle blanche ou noire ?), l’alternance des bandes bicolores a aussi un autre avantage, celui d’être source de multiples effets optiques.
Qu’y a-t-il de commun entre un banquier, un bagnard, un zèbre et le diable ? Ce n’est pas une devinette, ni du pure ludisme. Le jeu des lignes bicolores est plus que dessin et ornement. C’est ce que révèle un ouvrage traduit du français et publié par les éditions de l’Université de Columbia sous le titre L’habit du diable : une histoire du tissu rayé. Son auteur,...