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Actualités - OPINIONS

Une leçon planétaire -

«Quand les hommes se diront paix et sécurité, c’est alors que tout à coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper». Pour un pays pétri de culture chrétienne, ces paroles de saint Paul devraient prendre une nouvelle signification, après les attentats du 11 septembre. La paix et la sécurité dont se félicitent ceux dont il est question, c’est la paix à l’intérieur de frontières. C’est la paix bâtie sur la force plutôt que sur le droit. Paix et sécurité sont ici synonymes de prospérité et de jouissance. Ce dont tous les indices économiques témoignaient, avant les coups du 11 septembre. Ce que ces mots disent, nous le répétions tous les jours, en nous adressant à Israël : en matière de paix et de sécurité, rien n’est jamais acquis sans la justice. Cette fois, la leçon est planétaire. Nous assistons sans aucun doute à une nouvelle facette du phénomène de la globalisation. Cette fois, c’est celui du sens de la justice qui, selon Jean-Paul II, «atteste le caractère éthique des tensions et des luttes qui envahissent le monde». «Pourquoi Dieu a-t-il permis cette catastrophe ?», s’interroge, angoissée, une partie du peuple américain. La réponse à cette question repose peut-être dans cette simple vérité, que la paix repose sur la justice. Le «jugement» qui s’est abattu sur l’Amérique, et dont on cherche à comprendre le «pourquoi», ne vient pas de Dieu, mais de la rupture d’une loi sociale et historique dont pourraient tout aussi bien témoigner un historien de la civilisation ou un philosophe. Il existe de nombreux cas d’équilibre qui se rompent, sous le coup de forces qui en corrigent les excès ou les injustices. C’est, selon le philosophe Berdiaev, une sorte de jugement immanent de l’Histoire sur l’Histoire. Il est certainement cruel de penser que l’Amérique a «mérité» le coup qui lui a été porté, ou qu’elle a «récolté». Mais une partie de l’opinion mondiale le pense. «Pourquoi ?». La réponse doit être cherchée tout simplement dans ce que l’Amérique a «semé». Ce n’est pas simplement celle de la Palestine écrasée sous les bombes. C’est aussi l’exercice d’une hégémonie sans partage sur l’imaginaire des peuples et ses loisirs. Jean-Paul II l’avait relevé dans l’un de ses discours. «Vous tenez le monde à votre merci», avait-il déclaré aux producteurs de Hollywood. «Qui sème le vent récolte la tempête». Cette loi historique, cette loi immanente à l’histoire, s’applique aussi bien à la sphère de la vie publique qu’à celle de la vie privée. Elle se vérifie bien sûr dans le fait que la violence engendre la violence, mais aussi dans le nombre de suicides, des divorces ou des avortements engendrés par la «culture de la mort». Nous sommes en présence de la plus grande puissance mondiale, sur le plan militaire et économique, et pourtant, de terreur en psychose, d’impudeur en trahison, de violence dans les écoles au naufrage de la famille, quelque chose ne tourne pas rond dans la civilisation américaine. «Justice sans limites» comme le voulait initialement George Bush, oui, mais «vengeance sans limites ?»... Non, non, ce n’est pas en serrant les dents que George Bush redressera les torts du monde. C’est en regardant en face toutes les plaies de l’Amérique. L’American dream, mais aussi sa sombre face. Non, ce n’est pas en écrasant les taliban que les États-Unis se déferont de leurs menaces. C’est en éliminant les conditions de leur apparition : la pauvreté, les inégalités, l’injustice, y compris dans les échanges commerciaux, c’est en substituant même partiellement une économie de partage à l’économie de marché. Seule une telle ouverture est en mesure de démanteler la nébuleuse d’Oussama Ben Laden, qui est aussi celle de la pauvreté, y compris de la pauvreté intellectuelle et morale. Le président de la République islamique d’Iran l’a dit mieux que quiconque. Les attentats de New York et Washington trahissent une effrayante «baisse de la spiritualité et de la morale». Pour une islamologue française, «l’islam attend toujours ses grands réformateurs». Des réformateurs qui rendront possible la constitution de la raison et de la foi en sphères indépendantes, condition indispensable pour accéder à la modernité.
«Quand les hommes se diront paix et sécurité, c’est alors que tout à coup fondra sur eux la perdition, comme les douleurs sur la femme enceinte, et ils ne pourront y échapper». Pour un pays pétri de culture chrétienne, ces paroles de saint Paul devraient prendre une nouvelle signification, après les attentats du 11 septembre. La paix et la sécurité dont se félicitent ceux...