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Actualités - CHRONOLOGIES

Montagne - Le patriarche Sfeir entame demain sa tournée pastorale - Caisse des déplacés : une tâche surhumaine - pour réparer le gâchis des années de guerre

La Caisse des déplacés est aujourd’hui en vedette. Son rôle dans le relèvement des régions que doit visiter, de vendredi à dimanche, le patriarche maronite, a été déterminant. Escroquée, paralysée par les ingérences politiques et les désaccords entre les grands, cette caisse a une histoire mouvementée. Elle a, aussi, quelque chose de très particulier. En répertoriant ses services et les zones géographiques qui en dépendent (tout le Liban, à l’exception du Liban-Sud, qui relève de la caisse du même nom), on obtient un schéma précis des lieux affectés par les massacres, exodes, pillage, vols et destructions de la guerre civile. Ses listes sont une sorte de compendium de nos atrocités. Les familles qui ont été affectées par les exodes qui ont émaillé les années de guerre (1975-1990) sont évaluées à 90 000, soit environ 450 000 individus, à raison d’une moyenne de cinq membres par famille. Le chiffre réel devrait être plus élevé. De ce chiffre global, les habitants chassés des régions à population mixte, druze et chrétienne, représentent plus de la moitié. C’est à elles que le patriarche maronite rend visite demain, en partie symboliquement, puisque son itinéraire ne couvre qu’un nombre limité de villages. En 1983, l’armée de l’État hébreu quitte les régions du Chouf, d’Aley, du Metn et de Baabda, et laisse à elles-mêmes les Forces libanaises de Samir Geagea, qui seront balayées en quelques jours de la région. La prise de contrôle par les milices druzes et les forces palestiniennes qui les assistent s’accompagnera de massacres, d’atrocités, de viols et d’actes sacrilèges. Quand le verrou de Bhamdoun tombe, la population épargnée par les massacres trouve refuge à Deir el-Qamar, et en sera évacuée après un siège éprouvant de plusieurs semaines. Quarante-quatre villages de la région seront rasés au bulldozer, et quatre-vingt-un autre partiellement. Quelque 250 000 personnes sont chassés de leurs foyers, et plusieurs milliers d’autres massacrés. C’est en particulier ce gâchis et ces saccages que la Caisse des déplacés est chargée de réparer, sur le plan matériel d’abord, et même sur le plan social et humain.Tâche inhumaine, tâche impossible, mais tâche nécessaire. Les services assurés par la Caisse des déplacés couvrent la reconstruction des logements totalement détruits, la réparation des logements endommagés, l’évacuation des logements ainsi que celle des terrains agricoles et des établissements touristiques et commerciaux illégalement occupés. La Caisse des déplacés contribue aussi à l’installation ou à la réhabilitation de l’infrastructure endommagée (électricité, eau, routes) et à la reconstruction des lieux de culte (églises et mosquées), presbytères et logements d’homme de religion détruits. Dans les attributions de la Caisse figurent enfin le paiement d’indemnités pour les victimes de massacres, l’organisation de réunions de réconciliations, et la participation à des projets sociaux (réparations d’écoles, de dispensaires et même d’hôtels), tout projet susceptible de favoriser la création d’emplois, le retour des populations déplacées et leur réinstallation permanente dans leurs villages d’origine. La Caisse des déplacés a même étendu dernièrement ses services à la réhabilitation des façades des immeubles et maisons libanaises typiques, dans certaines parties de la montagne (Bhamdoun, par exemple), afin d’en préserver le cachet d’authenticité. Procéder par étapes Pour remplir ses fonctions, la Caisse des déplacés procède par étapes, allant du plus facile au plus complexe, c’est-à-dire du retour dans les régions ou les gens n’avaient pas grande difficulté à s’accepter de nouveau, à celles où le retour passait obligatoirement par des réconciliations, parfois douloureuses, pénibles et coûteuses. La méthode d’action de la Caisse des déplacés a mis du temps pour s’établir, se dégager du clientélisme politique et des escroqueries. Au départ, et même après la création du ministère des Déplacés (1993), le «dossier des déplacés» avançait sans réelle programmation. Dès qu’une certaine somme était disponible, le paiement des indemnités commençait, mais du fait de sa généralisation, il arrivait souvent que les fonds s’avèrent insuffisants. Ainsi, un processus de retour amorcé était suspendu en attendant que de nouveaux fonds permettent le versement de la deuxième ou de la troisième tranche des indemnités. Par ailleurs, le processus d’indemnisation demeurait affecté par les rivalités politiques et il suffisait que le chef du gouvernement Rafic Hariri et M. Walid Joumblatt se disputent, pour que le processus de retour s’arrête. Ces maladies infantiles du ministère des Déplacés sont aujourd’hui dépassées, et le processus de retour, grâce en partie au travail acharné du président de la Caisse des déplacés, Chadi Massaad, fonctionne désormais sans ratés. Le mérite de la dépolitisation de ce dossier revient également au chef de l’État, bien que la Caisse des déplacés soit placée sous la tutelle non du ministère des Déplacés, mais de la présidence du Conseil. Deux services imprévus allaient ralentir le processus de retour : l’indemnisation des collatéraux et celle des réparations achevées. L’apparition de ces services allait grossir de façon imprévue le nombre des familles à dédommager. Pour obtenir le retour d’une famille poussée à l’exode, constatait-on, il ne suffisait plus d’indemniser le père de famille. Il fallait aussi assurer des logements à ses enfants mâles qui avaient fondé une famille dans leur milieu d’exode en principe provisoire. Ainsi, par exemple, pour assurer le relèvement d’un village de cent maisons, il fallait en construire trois cents. Par ailleurs, les responsables constataient qu’il était injuste de ne pas rembourser les propriétaires qui n’avaient pas attendu la Caisse des déplacés pour réparer, à leurs frais, leurs murs troués ou leur balcon soufflé par un obus. Voici, brossé à gros traits, le fonctionnement d’un organisme dont l’existence, nous promet-on, sera devenue inutile en 2002, avec l’extinction des effets des exodes qui en ont imposé la création. Le temps dira si cette prévision était réaliste. Il faut simplement garder à l’esprit qu’elle couvre tous les phénomènes d’exode qui se sont produits au Liban, du Chouf à la Quarantaine, en passant par Damour, Kobbé, Laklouk, Mreijé et Haret Hreik, Sin el-Fil, Nabaa, et tous les hauts lieux d’une «purification ethnique» qui a failli porter le coup de grâce à la coexistence islamo-chrétienne.
La Caisse des déplacés est aujourd’hui en vedette. Son rôle dans le relèvement des régions que doit visiter, de vendredi à dimanche, le patriarche maronite, a été déterminant. Escroquée, paralysée par les ingérences politiques et les désaccords entre les grands, cette caisse a une histoire mouvementée. Elle a, aussi, quelque chose de très particulier. En répertoriant...