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Actualités - CHRONOLOGIES

PARLEMENT - Une partie des réserves formulées par Lahoud a été prise en compte - Le code de procédure pénale est voté par 81 voix contre 3

En examinant le nouveau code de procédure pénale qui lui avait été renvoyé par le chef de l’État, la Chambre a principalement tenu compte, hier, de cet impératif : garder intact l’esprit dans lequel le texte avait été élaboré. De ce fait, les députés qui ont examiné les articles rejetés par le général Émile Lahoud, sur base des – six – remarques qu’il avait formulées, n’en ont retenu que celles – trois – qu’ils ont jugées compatibles avec l’esprit du texte : c’est-à-dire celles qui mettent toute personne sous le coup d’une action judiciaire à l’abri des abus et qui ne vont pas à l’encontre de la présomption d’innocence qui doit primer. Chaque personne est innocente jusqu’à preuve du contraire, a martelé le président de la commission parlementaire de l’Administration et de la Justice Mikhaël Daher en expliquant les motifs de l’élaboration d’un nouveau code pénal de 428 articles. Mais il serait peut-être un peu trop facile de ne présenter le débat autour des remarques du président Lahoud que sous un aspect technique, purement juridique. Il y a le volet politique qu’on ne peut pas occulter quand on sait qu’entre les trois pôles du pouvoir, les rapports ne sont pas toujours au beau fixe. L’opposition de M. Michel Murr – allié présumé du chef de l’État – et de son colistier Antoine Haddad au texte est on ne peut plus significative. Le nombre des votants (81 selon M. Nabih Berry) et des opposants (3 seulement) l’est encore plus et pourrait faire l’objet de plusieurs interprétations, concernant notamment l’équilibre des forces politiques au sein du Parlement et son évolution au moment où l’on parle de plus en plus d’une alliance Berry-Hariri. Il reste que le vote de cette loi qui réduit au minimum la durée des gardes à vue et de l’arrestation pour les besoins de l’instruction, qui impose la présence d’un avocat aux interrogatoires, qui réduit considérablement les prérogatives de la police judiciaire et du procureur général près la Cour de cassation et qui pose des règles susceptibles de barrer la route devant la torture, est incontestablement, avec l’abrogation de la loi 302/94 (qui empêche les juges d’invoquer les circonstances atténuantes en statuant sur un crime), un pas de géant que le Liban a effectué hier sur la voie du respect des droits de l’homme. La Chambre a besoin de deux heures exactement pour passer en revue les réserves du chef de l’État sur le nouveau code de procédure pénale. D’emblée, M. Nicolas Fattouche réclame que le débat se limite aux articles contestés par le président. On commence par l’article 24 qui stipule qu’un avis de recherche devient d’office caduc dix jours après sa publication à moins que le procureur général ne décide de proroger ce délai de 10 jours supplémentaires. Le général Lahoud s’oppose à ce qu’un délai soit fixé, notamment quand il s’agit d’un crime important. On avait rarement vu les députés unanimes sur une question : ils l’étaient sur celle-ci. L’intervention de M. Walid Eido, juge de carrière, résume peut-être le mieux le point de vue parlementaire : «Si on ne fixe pas de délais, l’avis de recherche devient un mandat d’arrêt illégal, sans compter qu’il sera en contradiction avec d’autres textes de loi et que les magistrats devront plus tard vérifier s’il a eu un impact quelconque sur le reste de la procédure judiciaire. De toute façon, on n’a jamais eu besoin de plus de deux mois pour faire la lumière sur un crime». M. Berry saute sur l’occasion : «Pas du tout, il y a un crime qui a été commis il y a un an, et qui reste un mystère. Il y a les écoutes téléphoniques qui durent depuis trois ans». Dans l’hémicycle, on applaudit frénétiquement. «Lancez un avis de recherche», plaisante M. Eido : «On n’a eu aucun succès», répond le chef du gouvernement sur le même ton. Trêve de plaisanteries dans l’hémicycle : «Il faut impérativement fixer un délai. Sinon l’avis de recherche sera une sorte d’épée de Damoclès brandie au-dessus de la tête d’une personne qui pourrait être innocente. Le débat tourne autour du délai de 10 jours, est-ce suffisant ou non» ? demande M. Berry. La réponse est affirmative. On s’arrête seulement sur la notion de crimes importants – peut-être comme celui de l’assassinat des quatre juges à Saïda – et on finit par amender l’article en précisant que l’avis de recherche devient d’office caduc dix jours après son émission «à moins que le procureur ne décide de le proroger pour une durée ne dépassant pas les 30 jours». Même si M. Berry s’efforce parfois de trouver une sorte de compromis et de concilier entre les observations du président et l’esprit du code de procédure pénale – M. Boutros Harb le lui fait d’ailleurs remarquer malicieusement en parlant d’un climat de conciliation – il reste qu’il n’est manifestement pas d’accord avec les réserves du chef de l’État : cela transparaît dans chacune de ses interventions dans lesquelles il rappelle l’ultime objectif du texte. Il n’hésite pas non plus à pousser le chef du gouvernement à reconnaître qu’il est lui aussi contre le renvoi de la nouvelle loi à la Chambre, lorsque le débat s’engage autour des prérogatives du procureur général. Inflexibilité parlementaire Les parlementaires sont intraitables sur la durée de la mise en garde à vue, fixée dans les articles 32, 42 et 47 à 24 heures renouvelables une seule fois. Il y a M. Robert Ghanem qui propose que cette durée puisse être prolongée de sept jours. D’autres suggèrent 48 heures supplémentaires, mais c’est hors de question pour la majorité qui veut ainsi barrer la route devant toutes sortes d’abus durant l’enquête préliminaire. Et le débat tourne autour de la mission de la police judiciaire et des cas de torture durant les enquêtes préliminaires. M. Eido, incontestablement la vedette de ce débat avec MM. Mikhaël Daher et Antoine Ghanem (ils étaient extrêmement pointilleux), relève que la police judiciaire n’a pas besoin de plus de 24 heures pour constituer son dossier et déférer les suspects devant le juge d’instruction. «Plus les durées sont prolongées, plus les risques de contourner ce code augmentent», avertit le député de Beyrouth. MM. Fattouche et Najm insistent sur la présomption d’innocence. M. Bahige Tabbarah n’a aucun mal à convaincre l’Assemblée que la durée de l’arrestation d’un suspect pour les besoins de l’enquête devant le juge d’instruction peut être de deux mois – tel que souhaité par le président Lahoud – au lieu d’un mois comme prévu dans l’article 108 du texte. «Il existe dans ce cas un facteur dont il faut tenir compte, dit-il. C’est la garantie que constitue la présence du juge d’instruction qui a parfois besoin de temps pour obtenir un résultat». En d’autres termes, un suspect ne risque pas d’être victime d’abus devant un magistrat. La Chambre tient compte ensuite d’une remarque du chef de l’État selon laquelle un inculpé ne peut pas être libéré d’office, comme c’est stipulé dans le texte, quinze jours après son arrestation s’il est l’auteur d’un délit pour lequel la peine prévue ne dépasse pas deux ans de prison. C’est impérativement le juge d’instruction qui donne l’ordre de relaxation, note le président. La Chambre est parfaitement d’accord. C’est ensuite au tour de M. Hariri de plaider en faveur du maintien de l’article 114 inchangé. Le texte en question laisse au juge d’instruction le soin d’apprécier s’il faut ou non libérer un suspect en contrepartie d’une caution financière. Pour le chef de l’État, la caution est indispensable. Si elle n’est pas imposée, cela risque de porter préjudice à la partie civile et de nuire au déroulement de la procédure judiciaire. M. Hariri rappelle que «chaque personne est innocente jusqu’à preuve du contraire» et affirme : «Si une caution est imposée à quelqu’un qui ne possède pas la somme exigée, que se passera-t-il ? Le laissera-t-on en détention» ? «Et que fera-t-on en présence d’une partie civile ? La caution est nécessaire», rétorque M. Berry. Mais la majorité parlementaire se range de l’avis du chef du gouvernement et se lance ensuite dans un long débat sur les prérogatives du procureur général près la Cour de cassation, généré par une observation du chef de l’État, selon laquelle il est possible, du moment que les prérogatives de ce dernier ont été réduites au contrôle, de les limiter aux enquêtes dans les affaires qui lui sont soumises par les établissements publics et les offices autonomes. M. Berry semble d’abord favorable à cette idée mais change d’avis lorsque le chef du gouvernement et un grand nombre de députés s’y opposent en soulignant qu’une telle procédure est l’apanage des organes de contrôle. On s’étend longuement sur la question des prérogatives et à un moment donné, M. Tabbarah relève une confusion : «Dans les affaires à caractère pénal, un juge unique se pose comme procureur. Il est donc en même temps juge et partie. Une telle chose est en contradiction avec les notions les plus élémentaires de la justice. Le procureur général représente la partie adverse et doit pouvoir engager des poursuites». C’est à M. Hariri que le chef du Parlement s’adresse : «J’ai l’impression qu’il y a une divergence de vues au sein du gouvernement. Est-ce que vous vous êtes concertés ?» Il reprend malicieusement : «Est-ce que vous approuvez le renvoi du texte au Parlement ?» Hariri : «Le chef de l’État a exercé un droit constitutionnel». Berry : «D’accord, mais est-ce que vous approuvez le renvoi de ce texte ?». Le visage pourpre et se retenant à peine de rire – il voyait où M. Berry voulait en venir – le chef du gouvernement répond : «Non, je suis contre le renvoi», avant de s’esclaffer. Et l’épisode se termine par un tope-là de connivence entre M. Berry et le vice-président de la Chambre Élie Ferzli qui ont failli étouffer de rire : M. Hariri venait de tomber dans le piège qui lui était tendu. Plus tard, le chef du Parlement affirme que l’Assemblée «refuse avec insistance de confier au procureur général le droit d’engager des poursuites». «C’est tranché. Autre chose : quand un litige éclate entre les offices autonomes et l’administration, l’affaire est soumise au parquet qui est tenu de la déférer devant un avocat général». Il donne l’exemple du dossier de l’électricité. Des propositions d’amendements des prérogatives du procureur sont présentées, mais elles ne passent pas. C’est l’heure du vote nominal : il faut une majorité de 65 voix pour que le code de procédure passe. Il en obtiendra 81. Seuls MM. Michel Murr, Antoine Haddad et Jihad Samad diront «non».
En examinant le nouveau code de procédure pénale qui lui avait été renvoyé par le chef de l’État, la Chambre a principalement tenu compte, hier, de cet impératif : garder intact l’esprit dans lequel le texte avait été élaboré. De ce fait, les députés qui ont examiné les articles rejetés par le général Émile Lahoud, sur base des – six – remarques qu’il avait...