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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le président du MRD dissèque, avec « L’Orient-Le Jour », son nouveau parti - N. Lahoud : On ne peut plus continuer - à gouverner à coups de mises en scène spectaculaires

Sa dernière interview à L’Orient-Le Jour remonte à plus de six mois. C’était en tout début d’année, une espèce de bilan de l’an 2000. Le député de Baabdate disait que ce bilan-là était bien triste, et démotivant. Aujourd’hui, Nassib Lahoud est le président du bureau exécutif du Mouvement du renouveau démocratique. Le MRD. Et en créant le MRD, Nassib Lahoud a – volontairement ou pas – répondu aux attentes d’une très grande frange de Libanais. Toutes confessions confondues, et tous âges – surtout chez les 20-35 ans. Reste à savoir ce qu’il compte faire de ce mouvement. Comment compte-t-il le gérer, le faire évoluer, comment entend-il l’inscrire dans le paysage socio-économico-politique de plus en plus déliquescent. Pour que le MRD ne finisse pas comme beaucoup d’autres mouvements, d’autres courants, tous nés ces deux dernières années : aux oubliettes. Le défi est très excitant. Et de taille. Le MRD, les blocs et les partenariats politiques Est-ce que la vision et les responsabilités politiques changent lorsque l’on devient, tout en restant un ténor de la Chambre, le président d’un parti, d’un mouvement ? «Dans l’absolu, non. Ce sont les mécanismes de travail qui changent. On passe d’un statut individuel, celui d’une personne, à un statut plus collégial. C’est-à-dire là où les mécanismes de décision sont beaucoup plus collectifs. Ceci, en soi, est un autre pas vers une performance plus démocratique, plus conviviale». Plus nationale ? «Non, du point de vue national, ça ne va rien changer. Les grandes orientations qui ont jalonné mon parcours politique ont toujours été d’ordre national. Donc le discours politique ne sera pas plus national qu’il ne l’est. Mais grâce aux moyens plus importants qui seront à notre disposition, nous pourrons peut-être avoir un apport plus important à un plus grand nombre de questions. Chose qui n’était pas facile pour un député indépendant». Quelle serait la situation idéale ? Rester au stade de mouvement, ou bien prétendre au parti, demander une permission ? «Ce n’est pas une question de permis. Je considère que tout nous est permis tant que nous respectons la loi. Je privilégie le mouvement : c’est le parti politique du XXIe siècle. Un mouvement, par définition, est tout sauf une camisole de force, il est loin de toute doctrine. Il y aura beaucoup d’actions en commun, que tous les membres partageront. Mais sans pour autant que ces derniers perdent leur personnalité, ou oublient qu’ils ont une vie en dehors du mouvement. C’est cela la tendance actuellement dans le monde : moins de doctrine, moins de restrictions, pas de prestations de serments, pas de signes distinctifs, mais un mouvement démocratique en bonne et due forme, ouvert et évolutif surtout». Comprendre par là que Nassib Lahoud refuse catégoriquement de voir dans quelques années le MRD défendre des idéaux politiques complètement dépassés. Un MRD résolument pluriconfessionnel ? «Évidemment. D’ailleurs, pour être national, il faut nécessairement être pluriconfessionnel. Nous voulons œuvrer pour que nos alignements politiques se fassent sur des bases politiques pures, et pas sur des bases confessionnelles comme cela a été le cas depuis plusieurs années au Liban». Qu’est-ce qui différencie alors le MRD de la pléthore de mouvements nés ces derniers temps – Kornet Chehwane, Forum démocratique, le Front national (encore en gestation) de Nabih Berry, le parti de Talal Arslane, etc ? «Notre mouvement n’ambitionne pas d’envahir seul la scène politique. Nous avons l’intention de rechercher en permanence des alliances et des partenariats avec d’autres forces politiques. Qui garderont leur identité et leur dynamique propres. Des partenariats – c’est évident – qui seront (très) étroits avec des mouvements avec lesquels nous avons beaucoup en commun, des partenariats qui seront bien moins étroits, plus sélectifs, avec les autres..». À bon entendeur... «Le MRD n’est pas réticent à la formation de blocs politiques. Nous ne sommes pas membres, en tant que mouvement, de Kornet Chehwane. Trois de nos membres ont signé le manifeste et entendent bien rester actifs au sein de Kornet Chehwane». Échéances nationales... et dialogue On dirait qu’il est un peu mort-né, ce manifeste... «Absolument pas. Kornet Chehwane a eu une contribution importante dans la vie nationale, et le document qui en est né est un modèle d’ouverture et de modernité. Kornet Chehwane restera l’espace où différentes forces politiques se rencontreront et trouveront un terrain commun. Idem pour le Forum démocratique : nous avons l’intention de garder des liens forts et permanents avec eux». Et le Front national de Nabih Berry ? «Ce dont parle M. Berry reste une idée pas encore claire. Il est difficile de prendre position par rapport à un front qui n’a pas déclaré clairement ses priorités. Pour avoir une action commune saine, il faut que les choses soient bien plus détaillées». Avec le Hezbollah, y aura-t-il des contacts ? «Oui, absolument. Nous espérons avoir un dialogue permanent avec toutes les forces politiques sur la scène libanaise. Même celles qui n’ont ni les mêmes idées ni les mêmes priorités. Le MRD veut être partie prenante de l’échiquier politique et participer à toutes les grandes échéances nationales, à tous les grands débats nationaux». Et au sujet de la composition de son mouvement, Nassib Lahoud précise que le dialogue et la concordance des points de vue avec Misbah el-Ahdab ne date pas d’hier, et que le MRD veut représenter «les hommes d’affaires comme les syndicalistes, les politiciens et les professeurs d’université, des économistes, etc. Nous avons voulu une grande diversité dans les sensibilités professionnelles, ce qui n’empêche pas la parfaite cohésion de la vision politique. Nous sommes un mouvement qui espère contribuer activement à la reconstruction de la classe moyenne au Liban. Celle qui, historiquement, a toujours protégé la démocratie et la stabilité sociale. Et nous appelons toutes les tendances à contribuer activement à la réalisation de ce projet». C’est un peu un travail d’Hercule que de vouloir reconstruire, aujourd’hui et au Liban, la classe moyenne... «Certes, vous avez raison. Mais il ne faut pas oublier que le MRD n’est pas issu de la conjoncture politique actuelle. Qu’il est porté sur l’avenir. C’est un effort à long terme, et nous ne nous positionnons pas du tout par rapport au régime, au gouvernement ou aux problèmes actuels. Nous prendrons évidemment position par rapport à tout cela, mais notre projet politique s’appuie beaucoup plus sur le long terme». L’un des axes du MRD est le dialogue national. «Il y a surtout un désir de faire participer des groupements sous-représentés dans la vie politique : les femmes et les jeunes. Réintéresser ces derniers à la vie politique organisée. Grâce au MRD, ils pourront participer encore plus pleinement à la République». Justement, en parlant de dialogue national, on a vu, il y a quelques semaines, le chef de l’État initier un dialogue avec les différents pôles de l’opposition. On ne vous a pas vu à Baabda, pourquoi ? «Vous me verrez sans doute à Baabda dans le cadre d’une visite du groupe de Kornet Chehwane ou du MRD. Ceci n’a pas encore été discuté mais ce n’est pas à écarter. Cependant, nous voulons que le dialogue se fasse sur des bases concrètes. Que l’on parle de problèmes concrets. Il faut sortir le débat national des généralités dans lesquelles il sombre aujourd’hui». L’ouverture de Baabda est au point mort aujourd’hui... «Je pense qu’il faut envoyer des signaux beaucoup plus convaincants. Il faut un dialogue qui puisse générer du changement, et pas dialoguer pour dialoguer. C’est la seule échappatoire à la noyade». La réconciliation, le dialogue national, peuvent-ils se faire sans le président de la République ? «Nous sommes tous désireux que le chef de l’État ait le rôle prépondérant dans toute tentative de dialogue. Nous espérons que ça se fera». La vision horizontale Pour Nassib Lahoud, il n’y a pas de secteur prioritaire. Il y a des priorités dans chaque secteur, et il faut commencer par chacune d’entre elles. Une vision horizontale et non pas verticale, comme l’ont laissé entendre les trois présidents lorsqu’ils sont convenus que la priorité absolue devait aller au dossier économique. «Il faut avoir le courage et la vision de s’attaquer à plusieurs priorités en même temps. C’est là où l’on voit la force des gouvernants, là où l’on distingue un leadership historique d’un leadership banal». Est-ce que le gouvernement est en train de travailler sur plusieurs priorités en même temps ? «Je pense que non. Et il y a urgence. Il faut soumettre aux Libanais, le plus tôt possible, un plan de redressement politico-économique et social, qui sera clair dans sa formulation, précis dans son calendrier et qui détaillera aux Libanais les sacrifices qui leur ont été demandés, comme les avantages dont ils pourront, dans l’avenir, bénéficier. C’est absolument nécessaire». Le gouvernement doit prendre des décisions impopulaires ? «Il faut impérativement prendre des décisions courageuses. Assainir le secteur public, tout en gardant des filets de protection sociale. Il n’y a pas de package économique et administratif sans un package social avec de sérieux filets de protection pour les catégories les plus démunies. On ne peut plus continuer à gouverner le pays avec une succession de mises en scène spectaculaires qui vont des écoutes téléphoniques aux centraux internationaux privés en passant par les factures d’électricité impayées. Les Libanais n’attendent pas des actions spectaculaires sans lendemain, mais une véritable réforme qui va au fond des choses. Et qui commence tout simplement par l’application des lois en vigueur à tous les citoyens. À commencer par les plus nantis et les plus puissants». Tout est dit. Reste juste à préciser que Nassib Lahoud n’a toujours pas changé d’un iota concernant la nécessité de s’atteler à une nouvelle loi électorale, s’atteler au dossier du Liban-Sud, aux relations libano-syriennes, à la défense des libertés. Voilà qui est fait...
Sa dernière interview à L’Orient-Le Jour remonte à plus de six mois. C’était en tout début d’année, une espèce de bilan de l’an 2000. Le député de Baabdate disait que ce bilan-là était bien triste, et démotivant. Aujourd’hui, Nassib Lahoud est le président du bureau exécutif du Mouvement du renouveau démocratique. Le MRD. Et en créant le MRD, Nassib Lahoud a...