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Actualités - REPORTAGES

Restauration - Trois ans d’étude et une fondation pour la gestion - Le palais Debbané transformé en musée

Pour les habitants de Saïda, la demeure Debbané est «le palais» de la vieille ville. Imposant édifice de trois étages, la résidence se distingue des autres habitations de la médina par son architecture et sa décoration. Elle a été construite au XVIIIe siècle et l’inscription gravée sur le mur du diwan fournit la date exacte : 1133 de l’hégire (1712 de l’ère chrétienne). Édifiée par les Hammoud, elle a été rachetée par la famille Debbané qui l’a habitée jusqu’en 1978. Happés par le tourbillon de l’histoire, les membres de la famille ont été obligés d’évacuer les lieux sous la force des armes cette même année. Les Palestiniens ont occupé la maison où deux cent cinquante personnes ont alors vécu pendant cinq ans. Cette résidence, considérée comme l’un des bâtiments civils les plus beaux et plus imposants de la vieille ville de Saïda, a été inscrite en 1968 sur la liste du patrimoine national. Son architecture grandiose présente tous les éléments constitutifs du «dar» arabo-ottoman. On retrouve ainsi l’«iwan», le «diwan» et l’«atabah» ornée d’une fontaine. Les parois des murs sont décorées de pierres bicolores (marron et blanc), le sol est en marbre, les fenêtres sont fermées par des garde-fous en fer forgé et seule une pièce a conservé le plafond en bois de cèdre sculpté et peint. Quant aux linteaux des fenêtres, ils sont incrustés de petites étoiles et de fleurs stylisées reproduites sur les abayas et caftans de l’artisanat libanais. Au début du XXe siècle, la maison a été agrandie et réaménagée par des ingénieurs italiens et français qui y ont laissé des marques de l’architecture occidentale. Le patio a été ainsi fermé par un toit de tuiles et la lumière du jour filtrée par des fenêtres polychromes. Une petite chambre a été annexée au troisième étage de la maison et surnommée par les résidents : «tayara». «Elle surplombe la ville de Saïda et étant donné qu’elle est ouverte des quatre côtés, le vent souffle toujours» note Mme Monique Mouracadé, assistante du président de la Fondation Debbané. Comme toute demeure familiale, le palais Debbané regorge de souvenirs. Enfants, parents et ancêtres, chacun y a laissé ses empreintes. Ainsi, sur les parois des murs du bureau, on retrouve les noms des enfants et leur taille. Le mur a été transformé en fiches médicales. Mais l’élément décoratif le plus remarquable dans la demeure est la volière en bois surplombant le hall central. «C’est un cadeau de mariage offert par le grand-père Raphaël Debbané à son épouse, qui était passionnée de canaris. On dit que le nombre des oiseaux vivant à l’intérieur de la cage avait atteint la centaine. Leur gazouillement s’entendait dans la rue». Un musée historique pour vocation Si après avoir quitté la maison en 1978, la famille Debbané n’y a plus jamais vécu, elle l’a quand même remise à neuf après l’évacuation des Palestiniens. Pour assurer la pérennité de cette demeure familiale, les dix-sept cousins, disséminés à travers le monde, se sont dévissés de la propriété pour la Fondation Debbané créée en 1999 et qui est un wakf dépendant de l’évêché grec-catholique. M. Raphaël Debbané, président de la fondation, explique que «c’était la meilleure solution pour assurer la conservation du palais. La gestion sera en fait confiée au comité de direction, qui compte parmi ses membres un représentant du conseil municipal de Saïda, le directeur général des Antiquités et les membres de la famille». Cette fondation a décidé de changer la vocation de la résidence. D’habitation, elle sera transformée en musée historique consacré à la ville de Saïda. M. Raphaël Debbané explique qu’il a eu cette idée après la visite du musée Carnavalet à Paris. «Nous avons le devoir de conserver la demeure, tout en lui insufflant une vie. Elle sera ainsi transformée en musée pour retracer l’histoire urbaine, socio-politique du Saïda des siècles passés». «Ce musée ne concerne pas uniquement des particuliers, mais toute une ville, dont l’histoire est certainement plus intéressante que celle de notre famille», souligne M. Debbané. «Il se peut qu’une partie du musée soit consacrée aux grandes familles ayant joué un rôle dans l’histoire de Saïda, et c’est uniquement à ce titre que la famille Debbané sera évoquée», souligne-t-il. Les études et scénographie du musée se poursuivent encore et changent continuellement dans le but de transformer les lieux en un espace vivant et interactif. Toutefois, Mme Mouracadé affirme que le musée n’altérera pas la beauté de la demeure. «Il faut faire en sorte que les lieux ne soient pas cachés par les expositions. D’ailleurs, il est fort probable que les salons soient remeublés», poursuit-elle. Il est important de rappeler que le projet Debbané n’est pas unique en son genre à Saïda. La vieille ville est un chantier de restauration depuis plusieurs années. D’autres fondations et d’autres particuliers ont remis en état un grand nombre d’édifices et de ruelles. Le travail de certains n’a pas tenu compte des recommandations scientifiques pour la conservation de l’authenticité historique des lieux. Le même sort serait-il réservé au palais Debbané ? Certes, son classement sur la liste des monuments historiques du Liban assure sa conservation, mais il semble aussi que la famille propriétaire a décidé d’effectuer les travaux en respectant les normes scientifiques. Le musée sera inauguré en l’an 2004, donnant ainsi aux architectes-restaurateurs et historiens travaillant sur le sujet un certain délai pour terminer leurs études et leurs travaux. Pour réaliser cet ambitieux projet de musée historique, la Fondation Debbané a l’intention d’organiser une collecte de fonds. Car si la famille peut assurer la restauration de la demeure, le coût d’un musée reste hors de son budget. Dans cet objectif, une deuxième branche de la fondation sera créée aux États-Unis afin de solliciter les autres membres de la famille ainsi que les personnes originaires de la ville et les inciter à participer à la création du musée. «Les statuts de la fondation sont en accord avec les lois américaines, de telle sorte que nous pouvons recevoir des donations de n’importe quel citoyen de ce pays», assure M. Debbané, qui poursuit que «le coût de la réalisation du musée dépasse en fait les cinq millions de dollars». Pour toute personne intéressée, la fondation lancera bientôt le site Internet www.museumsaida.org consacré à la demeure et, par la suite, au musée. En attendant les débuts des travaux, la demeure est ouverte aux visiteurs tous les jours. Sa porte principale se situe dans les souk al-Moutran. Il s’agit en fait d’une petite porte étroite qui ne laisse jamais deviner qu’elle dissimule une si belle résidence.
Pour les habitants de Saïda, la demeure Debbané est «le palais» de la vieille ville. Imposant édifice de trois étages, la résidence se distingue des autres habitations de la médina par son architecture et sa décoration. Elle a été construite au XVIIIe siècle et l’inscription gravée sur le mur du diwan fournit la date exacte : 1133 de l’hégire (1712 de l’ère...