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Actualités - CHRONOLOGIES

CHINE - Le berceau de la révolution se transforme en pôle touristique à l’occidentale - 80 ans après, le communisme s’est dissous dans le capital

Le drapeau rouge orné du marteau et de la faucille cerclés d’étoiles dorées flotte toujours sur l’ancien repaire du président Mao, dans les montagnes de Yanan, mais ce qui domine aujourd’hui le paysage, ce sont les grues et les énormes panneaux publicitaires vantant les téléphones portables. Alors que le Parti communiste chinois s’apprête à fêter le 1er juillet son 80e anniversaire – triomphalement, en mettant l’accent sur les hauts faits militaires des années 30 et 40 puis sur les succès économiques des 20 dernières années – il est difficile de dire ce qui, dans la Chine moderne, subsiste du communisme dont rêvaient les acteurs de la «Longue marche». Cela est vrai jusqu’à Yanan, berceau de la révolution chinoise, ville pauvre mais fière qui a servi de base au Parti communiste de 1937 à 1947, et où la frange conservatrice du PC a ralenti le lancement des réformes économiques au cours des années 1980. Plus d’un million de Chinois visitent toujours, chaque année, cette ville de montagne de 140 000 habitants, près de laquelle ils défilent dans la grotte spartiate qu’habitait Mao et s’attardent devant le bureau où il a rédigé les trois quarts des essais composant le Petit livre rouge. Les habitants parlent avec fierté, également, de «l’esprit de Yanan», qui a permis à Mao et à ses partisans de tenir bon face aux Japonais puis de prendre le contrôle de la Chine entière en 1949. La région de Yanan est en plein bouleversement économique. Les slogans qui y prévalent sont «Construction économique» et «Développons l’Ouest» – nouveau programme lancé par les autorités pour surmonter la pauvreté dans les régions reculées. Il y a moins de dix ans encore, il fallait deux bonnes journées pour parcourir les 300 km qui séparent Yanan de Xian – capitale du Shaanxi mondialement connue pour ses guerriers de terre cuite. Les autorités locales racontent qu’en 1973, le Premier ministre Zhou Enlai, chantre des «quatre modernisations», avait visité Yanan pour la première fois depuis 1949 et aurait éclaté en sanglots en voyant de vieux cadres du parti vivant toujours dans la pauvreté. Sa visite avait débouché sur un programme de subventions allouées par l’État aux anciennes bases révolutionnaires. « C’est loin de suffire » Aujourd’hui, il faut six heures pour aller de Xian à Yanan et quatre vols assurent chaque semaine la liaison entre Pékin et le berceau de la révolution. La vieille piste d’atterrissage, dans les banlieues de Yanan, est désormais reconvertie en avenue bordée de bureaux et d’appartements. Yanan, qui d’après les standards chinois demeure une petite ville assoupie, connaît néanmoins un boom de la construction financé par une conjugaison de fonds d’État et d’argent local. On y fréquente des salons de thé «tendance», des cafés qui évoquent ceux de Taïwan, des boîtes de nuit et des dizaines de petits cybercafés. «Nos jeunes gens peuvent se connecter avec le monde extérieur pour environ trois yuans seulement (0,36 dollar) de l’heure», explique un responsable chargé de la propagande. «Les Rouges sont des gens ayant un grand sens pratique», résumait le journaliste américain Edgar Snow, qui avait rendu visite à Mao et à ses troupes à Yanan et les avait immortalisés dans son livre Red Star Over China (Étoile rouge sur la Chine), en 1937. Edgar Snow faisait là allusion au pragmatisme de Mao et à sa manière d’arranger le marxisme à la chinoise pour l’adapter aux conditions locales. Cet esprit pratique s’appliquait alors essentiellement à la réforme foncière. Aujourd’hui, le pragmatisme des dirigeants communistes – inspiré par Deng Xiaoping – s’étend à tous les aspects de la vie économique. Assis sous les portraits de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao et Deng, Cao Chunying évoque son itinéraire, depuis le temps où, jeune, il avait été envoyé dans les campagnes, à l’époque de la Révolution culturelle, jusqu’à sa nomination aux postes de dirigeant local du PC et de patron d’une société du bâtiment qui compte 600 employés. «Nous invitons chaleureusement les amis ayant des idées nobles venant de tous les horizons, finance, industrie, sciences et technologie, à s’installer dans ce coin de terre pour y investir, créer des industries et promouvoir la ville afin qu’elle devienne prospère durant ce nouveau siècle», dit-il, en anglais. Pour le cadre en retraite Shi Rui, 72 ans, «notre agriculture était très arriérée, mais après trois générations de dirigeants du parti, les paysans ont de quoi manger et des vêtements à se mettre. Mais cela ne suffit pas. C’est loin de suffire», résume-t-il.
Le drapeau rouge orné du marteau et de la faucille cerclés d’étoiles dorées flotte toujours sur l’ancien repaire du président Mao, dans les montagnes de Yanan, mais ce qui domine aujourd’hui le paysage, ce sont les grues et les énormes panneaux publicitaires vantant les téléphones portables. Alors que le Parti communiste chinois s’apprête à fêter le 1er juillet son...