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Actualités - CHRONOLOGIES

SOCIÉTÉ - « En Côte d’Ivoire, creuser pour trouver le prix du manger » - La ruée vers les diamants

Au milieu de la savane arborée, sous un soleil de plomb, un paysage lunaire grouille d’ombres courbées à la recherche de l’éclat éblouissant qui les rendra riches. Six heures par jour, hommes, femmes et enfants creusent frénétiquement la terre rouge sang, la triturent, la rincent dans des mares de boue en quête des derniers diamants de cette mine à ciel ouvert. Le tamis ou la pelle à la main, les jambes dans la boue, la sueur perlant abondamment sur leur front, ils ont tous le même rêve : trouver la pierre qui fera leur fortune. «Ce n’est plus ce que c’était dans les années 70, on continue à creuser pour trouver le prix du manger», déclare Hilaire Koné, 29 ans, chercheur de diamant depuis dix ans. «Les grosses pierres se trouvent au fond de la terre, nous, manuellement, on ne peut pas trouver de grosses pierres», ajoute-t-il précisant que «c’est une question de chance, des mois je ne gagne rien, d’autres un million, en moyenne 50 000 FCFA (500 francs frnançais) par mois». Tous sont censés payer une taxe d’environ 3 000 CFA à l’État pour travailler dans cette vallée ou sur la boucle du Bou, la rivière qui baigne Tortiya, une ville de 20 000 habitants érigée en sous-préfecture, située à quelque 500 kilomètres au nord d’Abidjan et ressemblant vaguement à ces villes-champignon du Far-West au moment de la ruée vers l’or. «On peut faire une à deux semaines sans trouver, des fois ce que tu trouves ne vaut presque rien, c’est une question de chance», témoigne Jean assis dans la boue de sa parcelle et regardant travailler sa femme et ses enfants. Même les enfants «Les enfants, dit-il, certains vont à l’école et viennent nous aider les jours de repos, d’autres travaillent tout le temps». Un petit caillou dans la main, Gabriel Oulaï est content. Il espère tirer de ce diamant de la taille d’un grain de riz 10 000 CFA. «C’est la chance, ça fait douze ans que je suis là, j’ai eu des grosses pierres, j’ai gagné beaucoup d’argent, mais j’ai tout gaspillé», confie-t-il dans un rire. Les prospecteurs vivent au jour le jour. Des intermédiaires, Maliens pour la plupart, leur payent à manger le matin et récupèrent les pierres précieuses pour rembourser la dette. Si la pierre est belle, il restera aux familles de quoi prendre quelques jours de repos. «Depuis plus de cinq ans, la mine ne donne plus», estime Ifra Deb qui tient avec ses collègues un des 20 comptoirs de la ville. Désabusé, il pense rentrer au Mali, «avant, tu tuais un poulet tu trouvais un diamant dedans, je vais partir». «Tortiya a été créée par une compagnie française, la Saremci, (société anonyme de recherche et d’exploitation minière de Côte d’Ivoire) qui a découvert le gisement en 1946», se souvient Marius Sauvade, ingénieur des mines français et ancien de la Saremci qui s’est installé définitivement à Tortiya. «La ville a été fondée à partir de rien au milieu de nulle part, et même le nom de Tortiya vient du roman de John Steinbeck, “Tortilla Flat”, que lisait le premier responsable de la compagnie à son arrivée», se rappelle-t-il. «En 1976, la société a cessé son activité après avoir récolté au total 4,5 millions de carats, mais laissant cependant des réserves minières suffisamment importantes pour que des milliers de clandestins poursuivent la recherche, la plupart du temps sans grand profit», ajoute-t-il. Au début des années 90, jusqu’à 40 000 prospecteurs travaillaient sur le site. Aujourd’hui, ils sont estimés à 1 500, dont la plupart mènent de front d’autres activités, surtout l’agriculture et l’élevage. Pourtant, la fièvre du diamant est toujours là et les prospecteurs creusent partout, jusque dans les jardins de la sous-préfecture.
Au milieu de la savane arborée, sous un soleil de plomb, un paysage lunaire grouille d’ombres courbées à la recherche de l’éclat éblouissant qui les rendra riches. Six heures par jour, hommes, femmes et enfants creusent frénétiquement la terre rouge sang, la triturent, la rincent dans des mares de boue en quête des derniers diamants de cette mine à ciel ouvert. Le tamis ou...