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Actualités - OPINIONS

Nous irons tous au paradis - car l’enfer est ici

Il est naturel de penser que dans un an, dans dix ans, dans un siècle, les Libanais seront mieux nourris, mieux couverts, mieux vêtus, tellement mieux gouvernés. Ils posséderont, à n’en pas douter, ce qu’on pourrait appeler une meilleure vie animale. Une meilleure vie citoyenne. Et à moins d’un cataclysme, rien ne pourrait empêcher ce progrès. Enfin, en principe. Mais cette chose divine, la dignité – celle qui va de pair avec la liberté – il faudra que les Libanais la méritent pour la posséder. Parce que en principe, on dit qu’un peuple a les dirigeants qu’il mérite. Exception notoire : le Liban. À leur décharge, les Libanais, qui ont encore du temps devant eux, beaucoup de temps pour la reconnaître, cette dignité, ont les dirigeants qu’on a bien voulu leur imposer. Et qu’ils acceptent. Bien beau, bien grand mot, ce «dignité». Et complètement inutile. Que le Libanais qui sait encore ce que ça peut bien vouloir dire lève le doigt. Sur la photo, publiée hier en une de tous le journeaux, il ne manquait plus que les grains de riz, les pétales de rose, quelques violons. Quelle photo ? Inoubliable photo, celle où Abdel Hamid Khaddam, le nouveau Richelieu sur le retour, «modeste» comme un matamore, conduit, mène son monde : nos présidents... Une photo, tellement mieux que des mots, qui crache aux yeux du monde tous les maux d’un pays. En même temps qu’ils appellent haut et fort, ou prient en silence, pour un arrêt des ingérences étrangères dans la politique intérieure libanaise, des dizaines de milliers de Libanais assistent, stupéfaits devant leur écran de télévision, à l’hénaurme spectacle de la «réconciliation» entre leurs trois présidents. Le coup de baguette «magique» de l’«ancien» responsable syrien du dossier libanais a dû être sacrément et fermement efficace. Au regard des «baisers d’adieu» échangés sur le perron du palais. Mais évidemment qu’ils vont continuer à s’ingérer, à s’immiscer, à décider de nos affaires intérieures. Puisque eux-mêmes, nos trois présidents, le veulent, le provoquent. Les nos 2 et 3 avaient bien raison de s’en prendre à ce qui ressemble de très près au régime militaire, le premier de rappeler le peu de prérogatives qu’on a bien voulu lui laisser. Mais ils le savent pertinemment que l’intérêt de chacun d’entre eux est directement lié à celui de leur troïka, alors au moins, qu’ils le lavent entre eux, leur sale linge. Dignité, vous dites ? Un mot-dinosaure dans le vocabulaire libanais. En voilà un autre bel exemple de dignité, relevé récemment en plein hémicycle par Nayla Moawad. C’est Abdel Rahim Mrad, le ministre de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, qui a dit, simplement, qu’«il faudrait que le corps estudiantin soit interactif, qu’il adopte la pensée unique. Il faut éviter qu’il y ait deux mentalités différentes». Il parlait de la réunification de l’Université libanaise, telle que l’ont voulue, publiquement, nos trois présidents. C’est inouï. Mais c’est comme ça... Et pour trouver tout cela encore inouï ne restent plus que les indéfectibles candides et les citoyens du monde civilisé. C’est-à-dire des femmes et des hommes dont on ne risque pas de demander, un jour, l’avis. Tant pis, ils le donnent.
Il est naturel de penser que dans un an, dans dix ans, dans un siècle, les Libanais seront mieux nourris, mieux couverts, mieux vêtus, tellement mieux gouvernés. Ils posséderont, à n’en pas douter, ce qu’on pourrait appeler une meilleure vie animale. Une meilleure vie citoyenne. Et à moins d’un cataclysme, rien ne pourrait empêcher ce progrès. Enfin, en principe. Mais...