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Actualités - BIOGRAPHIES

PORTRAIT D’ARTISTE - Hrair : le mysticisme esthétique

À le regarder, on devine instantanément qu’il aime la vie et ses plaisirs. Le sourire aux commissures des lèvres, il joue avec les couleurs tel un jongleur avec ses balles ou ses quilles. Hrair signe des toiles qui parcourent le monde. Nonchalant – en apparence – mais toujours, et à juste titre, exigeant. Car Hrair est un perfectionniste. Styliste, formaliste, maniériste, comme on veut. Il évoque, faussement badin, un curriculum vitae qui n’en finit pas. Dans son atelier blanc, lumineux, transformé en galerie, il a accroché ses toiles en vue de sa prochaine exposition*. Cela fait quatre ans qu’il est absent de la scène libanaise. Il a par contre affirmé sa présence dans les pays arabes : Dubaï, Djeddah, Koweït, Bahreïn, Amman, de même qu’a New York. «Plus qu’une simple exposition, ou un vernissage, c’est un genre de “gathering”. Une idée de mes amis, mes fans qui me disaient : “Walaw Hrair, tu n’exposes pas à Beyrouth”». Il n’aime pas beaucoup accorder des interviews, encore moins pour la télévision. «Se mettre à nu devant des millions de spectateurs, cela me met mal à l’aise. Un artiste doit savoir conserver un halo de mystère. Pourtant je suis très proche du public». Débuts Fin des années 50. Le jour, études d’architecture d’intérieur à l’Alba. Le soir, ateliers de peinture. Première exposition en 1960 à la galerie Alecco Saab après avoir reçu les trois premiers prix des cartons de tapisserie pour orner les murs du nouveau palais présidentiel à Beyrouth. Célèbre, du jour au lendemain. En 1961, il remporte le premier prix du Salon d’automne du musée Sursock. Débuts à la Gallery One. Puis viennent Paris, la Grèce, Los Angeles, New York, Sao Paolo, Rio. «Le voyage continu», soupire-t-il. Peindre le jour ou la nuit ? Chez Hrair, c’est catégorique. «Je déteste la lumière électrique. Après 16h, je ne travaille plus». Il se lève vers 7h-8h. Travaille sans arrêt. «C’est un véritable plaisir que de peindre. Ce n’est pas un devoir». Plutôt classique dans ses débuts, il a découvert ensuite l’icône, l’art arabe, la mosaïque, Byzance et ses fastes. «Je suis assez mystique, mais pas tellement religieux dans ma peinture. Tout est dans l’âme. Pas dans la croyance. Cela se traduit par la couleur, la matière, l’ambiance». Besoin d’espace En cette année 2000, Hrair, qui en a vu d’autres, est pourtant enthousiaste comme un gosse, il est célébré, célèbre. Et il a réalisé un vieux fantasme : «posséder une vieille maison à la montagne». On a souvent dit que Hrair conçoit la peinture comme un exercice de style décoratif. Un sourire cannibale aux lèvres, il corrobore : «Le sujet n’est pas important. C’est un moyen. Ma peinture est mystique, très figurative, très expressionniste ou très abstraite. L’âme est dominante. J’évolue, je fais des recherches». Il montre du doigt deux nouvelles toiles. Les formes sont géométriques, les couleurs absentes. «Là, les gens vont me dire que ce n’est pas moi. Si, c’est moi». Parfois Hrair sent que la toile est trop restreinte. Alors il la dépasse et peint sur le cadre. «Tous les artistes ont besoin d’espace». Des chevaux et des femmes Le mystère du cheval et de la femme ? «J’ai toujours été fasciné par le cheval. Je trouve que c’est un sujet très proche de moi. Par son intermédiaire, je peux exprimer la force, la beauté, l’affinité, la vie, la mort, le mouvement, la colère, la douceur. Si j’avais de la place j’aurai élevé des chevaux». «La femme a toujours occupé une place importante dans ma vie. Ce sont les femmes qui ont été mes mécènes, qui m’ont lancé, protégé. Commençant par la mère, la petite amie, la maîtresse. C’est la moindre des choses que de la glorifier dans mes œuvres». Trop glorifiée ? Il concède : «Elle est sublimée». D’ailleurs, il n’aimerait pas voir une femme laide ou déformée sur ses toiles. «La femme n’est jamais laide. Elle a toujours une beauté dans sa laideur». Même choix des couleurs. Toujours monochromes. Jamais de contrastes. «Comme les musiciens, j’ai les mêmes notes qui me donnent mes propres symphonies». Hrair ne date jamais ses toiles. Pour lui, une toile ne peut pas vieillir. Elle est toujours actuelle. Il sort ses encres de chine. Désigne une petite maison au bord de la mer : «Ça, c’est notre ancienne maison à Aïn el-Mrayssé. C’est le Beyrouth que j’aime. C’était superbe. Cela avait un charme…» Hrair, peintre prolixe. «J’ai beaucoup de choses emmagasinées en moi. Quelquefois c’est dans le même esprit. Parce que cela vient du dedans. On ne peut pas changer pour changer. Il faut qu’il y ait une évolution naturelle». Et, plantant son regard mi-Lauren Bacall mi-Jack Nicholson dans le vôtre, il laisse tomber, à la manière de Droopy : «Je suis heureux». * Hrair expose ses peintures et mixed media dans son atelier, Achrafieh, Sioufi, rue Amine Gemayel, Imm. Sfeir, du 15 février au 10 mars.
À le regarder, on devine instantanément qu’il aime la vie et ses plaisirs. Le sourire aux commissures des lèvres, il joue avec les couleurs tel un jongleur avec ses balles ou ses quilles. Hrair signe des toiles qui parcourent le monde. Nonchalant – en apparence – mais toujours, et à juste titre, exigeant. Car Hrair est un perfectionniste. Styliste, formaliste, maniériste,...