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Actualités - CHRONOLOGIES

ÉVÉNEMENT - L’Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg au Forum de Beyrouth - Faste, virtuosité et splendeurs sonores ...

Jailli de la ville des tsars aux coupoles dorées et capitale de la Russie en 1712, tel un discret mais vibrant hommage à cette cité de palais aux façades claires alignés sur les quais de la Néva, le prestigieux Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg (110 musiciens sous les feux d’une rampe bordée d’un collier de roses blanches), placé sous la houlette du maestro Nikolai Alexeiev, a offert aux mélomanes libanais un moment unique dans les annales des concerts de musique classique dans notre capitale. Au menu, non du caviar mais un programme somptueux, une sorte d’étourdissant «Best Of», aux chatoyances exclusivement et profondément russes. Ont royalement résonné sous le chapiteau du Forum de Beyrouth battu par une pluie diluvienne des pages éblouissantes de virtuosité, de lyrisme et de beauté sonore de Moussorgsky, Tchaïkovsky, Borodine et Khatchadourian. Programme détonnant, à haute voltige et de tonnerre (de concert avec dame nature ce soir-là) où, tel un faste impérial à la russe, ont surgi les crêtes des plus hautes montagnes de l’Oural, les bulbes scintillants des églises de Kazan, les steppes enneigées de la Sibérie, les toundras les plus profondes et les taïgas les plus rebelles. Musique torrentielle, passionnée, incandescente, incantatoire, élégiaque, exubérante, rêveuse, mystique, populaire ; on retrouve là sans nul doute l’expression d’une âme sollicitée à la fois par l’Occident et l’Orient, façonnée au cours des flux et des reflux des invasions, des batailles et de l’histoire, mélange de violence, de douceur, d’amour, de désespoir et de joie; il s’agit là comme d’une vision grandiose où transparaissent en termes sonores magnifiques l’esprit d’une nation et le souffle d’une terre. Ouverture par des mesures bouillonnantes avec Modest Petrovitch Moussorsky qui entraîne l’auditoire vers les abysses ténébreux et les sommets vertigineux d’«une nuit sur le Mont-Chauve». Inquiétante nuit où le sabbat des sorcières se traduit en harmonies sombres, stridentes, étranges et échevelées. Écrite en 1876, cette œuvre audacieuse et intensement colorée, telle une foisonnante toile fauviste, a des accents diaboliques et emportés tout en gardant une grande place à un souffle habité d’amples images sonores angoissantes et mystérieuses. Place aux sanglots longs. aux trémolos et aux pizzicatti à couper le souffle du violon de Sergei Girshenko avec «le concerto en ré majeur pour violon et orchestre» du plus cosmopolite des compositeurs russes et contemporain de Moussorsky, Pierre Illitch Tchaïkovsky Narration au caractère slave avec quelques bribes de confidences intimes, parfaitement équilibrée dans sa structure, bâtie en trois mouvements et établissant un dialogue éblouissant entre le soliste et l’ensemble. Cadence extrêmement difficile du premier mouvement, canzonetta (souvenirs radieux d’un séjour heureux en Italie?) au charme un peu mélancolique et pour terminer une surprenante improvisation où s’animent avec souffle et chaleur des thèmes presque populaires. Par-delà les chromatismes précipités et la vélocité de vent d’un archet magicien, jamais violon ne fut à la fois si impétueux et tendre. Un violon insaisissable qui s’est transformé, comme une lanterne magique, grâce au talent suprême de Sergei Girshenko, en rossignal, larmes chaudes, frisson de plaisir, lave de volcan, houle des mers… Après l’entracte, richesse, énergie, bonds aériens et débordante vivacité des Danses Polovtsiennes de Borodine tirées de l’opéra «Le prince Igor» demeuré inachevé et terminé par Rimsky-Korsakov et Glazunov. Pages pittoresques mêlant avec brio, virtuosité orchestrale et une certaine ampleur d’une douce et ensorcelante mélodie aux tourbillons imprévisibles où alternent avec des accents orientalisants tendre nostalgie et une vigueur rude et barbare pour finir en une apothéose retentissante. Des steppes de l’Asie centrale aux confins de l’Arménie avec Aram Khatchadourian, originaire de Tiflis, pour écouter deux extraits du ballet Spartacus. Les «variations d’Aegine» et l’envoûtant «adagio» qui trace en grandes et lumineuses arches sonores l’amour déchirant qui lie Spartacus à Prygie. Mélodie émouvante, aux frémissements secrets dans la grande et souveraine tradition lyrique des compositeurs russes les plus inspirés. Pour clôturer ce flot généreux de notes aux phosphorescences bien russes, de Tchaïkovsky une fois de plus, en grande et majestueuse pompe orchestrale «l’ouverture solennelle de 1812» qui porte si justement et avec superbe son titre! Construite dans la forme d’une sonate, cette œuvre à la corde éminemment patriotique, évoque la campagne de Napoléon en Russie. Vibrante et magistrale célébration de la défaite de l’empereur face aux armées du tsar. Les accords de la Marseillaise dominent la mêlée pour aller descrescendo tandis que triomphe le thème de l’hymne national tsariste «Boje Tzara Krani» (Dieu préserve le tsar) qui se coule telle une lave incandescente aux fanfares militaires couvertes déjà par la puissance des cymbales, les carillons des églises orthodoxes et ces cuivres brusquement dressés sur scène comme une garde prétorienne. Longues et chaleureuses salves d’applaudissement d’un public très nombreux qui a bravé le tonnerre, les éclairs et l’orage pour être au rendez-vous de ces incomparables splendeurs sonores. C’est debout, médusés, tétanisés et subjugués, que plus de deux mille personnes ont offert une longue «Standing Ovation» à ce magnifique «Best Of» du repertoire russe donné par un Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg au faîte de sa forme avec une magistrale direction de Nékolai Alexeiev. En bis les couleurs grenat de l’Arménie avec la superbe valse «mascarade» et la bondissante «Lezinginka» tirée de Gayane. Un grand moment où la musique a le redoutable et doux pouvoir de couper les amarres de tout ce qui est terne ou banal.Voilà un moment transcendant qu’on n’est pas près d’oublier et qu’on grave précieusement dans nos mémoires. «Spaciba bolchoë» et salut les artistes pour tant de talent.
Jailli de la ville des tsars aux coupoles dorées et capitale de la Russie en 1712, tel un discret mais vibrant hommage à cette cité de palais aux façades claires alignés sur les quais de la Néva, le prestigieux Orchestre Philharmonique de Saint-Pétersbourg (110 musiciens sous les feux d’une rampe bordée d’un collier de roses blanches), placé sous la houlette du maestro...