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Actualités - OPINIONS

Les uns, les autres, et surtout moi

Alors on s’engageait. On n’est pas seulement bête quand on a dix-sept ans (qu’Arthur le très grand me pardonne) mais encore plus quand on en a vingt ou vingt-cinq et plus. Pour un oui, pour un rêve on était baassiste, nassérien de la première heure, phalangiste mou ou habachiste dur, ravagés par la guerre de juin ou prosionistes au cours de ces mêmes six journées, et en voudrez-vous, en voilà. Nous ne nous fourvoierons pas dans nos années de guerre qui furent des années miliciennes et que l’engagement de la pensée déserta. Non, nous étions étudiants, «intellectuels» (ou nous croyant tels), brechtiens côté tréteaux ou camusiens côté École des lettres. Et maintenant ? Lisent-ils La trahison des clercs en cachette, quelques générations plus tard, les 20-30 ans, pour mieux sauter ou au contraire pour se dégager des sophismes de leurs aînés et de la logorrhée qu’autorisait l’isti’mar américain et le rêve d’une oumma selon, à volonté, le Coran ou la révolution ? Moi, je crois qu’ils font dans le Liban, parce que je les vois, ceux qui ne sont jamais partis comme ceux qui sont revenus, ne parler que de ça : le patrimoine, le basket, leur design, leurs universités, la Syrie ne veulent pas connaître, Israël n’aiment pas. Intelligents, un rien naïfs, franco ou arabo (phones évidemment), mais racinophiles, si vous me passez l’expression. Et néanmoins critiques, critiques, Dieu merci à leur âge, envers la classe politicienne et la pseudoculture. Ah oui, le Liban, j’ai écrit «ils font dans le Liban». Je maintiens. Parce que je rencontre des gens de ma génération qui ne «font plus dans rien». Qui a raison, qui a tort ? Je ne me prononcerai pas car je n’en sais rien et que je suis pressée : c’est la fin du mois et je dois prendre, comme je le fais chaque fin de mois, des résolutions pour le mois qui vient. Comme par exemple survivre, entre les uns et les autres sur ce qu’en revenant d’émigration j’appelais une terre peuplée d’habitants. Avec ce genre de définition, au moins on se met à l’abri de la tentation patriotique.
Alors on s’engageait. On n’est pas seulement bête quand on a dix-sept ans (qu’Arthur le très grand me pardonne) mais encore plus quand on en a vingt ou vingt-cinq et plus. Pour un oui, pour un rêve on était baassiste, nassérien de la première heure, phalangiste mou ou habachiste dur, ravagés par la guerre de juin ou prosionistes au cours de ces mêmes six journées, et en...