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Actualités - INTERVIEWS

Joe Kodeih : « J’aime le théâtre pour sa dimension éphémère »

Jusqu’à une époque récente, Joe Kodeih peignait. Pour son plaisir. «J’ai découvert le théâtre, et j’ai compris que je ne pouvais plus retourner en arrière», raconte-t-il. Et voilà un jeune Libanais qui se détourne de la peinture, «qui montre un univers intérieur», pour se consacrer entièrement à la scène, «qui n’appartient à personne, qui est tellement éphémère, bien qu’elle soit aussi le résultat d’une réflexion intime». Ce qu’il a d’emblée aimé, pendant ce premier cours d’art dramatique, où il devait, comme les autres élèves, monter sur scène ? «Surmonter un état d’angoisse terrible, celui du trac», répond-il. «Dès que je l’ai fait, j’ai voulu écrire». Bien plus qu’acteur, Joe Kodeih est écrivain dramatique, metteur en scène et directeur d’acteurs. «J’aime le théâtre pour sa dimension éphémère», explique-t-il. «Un film, un livre sont enregistrés ou publiés, alors qu’une pièce est vécue dans l’instant. C’est cet instant qui reste gravé dans la mémoire du spectateur». Espace d’improvisation Matar Charles de Gaulle, la pièce qui a installé le jeune écrivain-metteur en scène parmi la jeune garde dramatique libanaise, a montré de quel bois se chauffait Joe Kodeih, bien que rien, dans sa personnalité ou dans son caractère, ne laisserait pressentir des convictions aussi clairement exprimées. «C’est le refus du système qui est imposé à l’être humain que j’aime évoquer, l’atteinte à ses libertés fondamentales», poursuit-il. C’est tantôt le cercle vicieux de la vie à crédit (comme dans «el-Takht»), tantôt l’autorité sans fondement imposée par les militaires ou encore les restrictions imposées à la femme. Dans les pièces de Joe Kodeih, il s’agit avant tout de garder son identité, celle du Libanais qui n’est ni Français ni Arabe, mais qui se fraie son chemin au milieu de cette diversité. «Je suis très attaché à la culture de mon pays, qui est plein de surprises et de soleil», ajoute-t-il. La scène, un espace de libertés, tant pour l’écrivain que pour le metteur en scène et ses comédiens : «L’improvisation intervient dès que j’ai fini d’écrire ma pièce», explique-t-il. «Le moment de la mise en scène, c’est la confrontation du texte avec ceux qui m’entourent. Leurs impressions m’importent, certaines scènes sont retirées ou même changées. La mise en scène passe après la direction d’acteurs : c’est avec mes comédiens que je crée l’espace dans lequel ils se déplaceront». Schizophrénie volontaire Joe Kodeih l’écrivain regarde Joe Kodeih le metteur en scène travailler. Cette distance prise, cette schizophrénie volontaire permettent de laisser s’exprimer une sorte de travail inconscient : «Je suis à la recherche d’une vérité», affirme-t-il. «Ce piège que j’instaure entre le texte et la scène a sa solution : c’est de toujours travailler de manière suggestive. À chacun de voir ce qu’il veut, je n’impose rien». Le metteur en scène, c’est clair, est un immense observateur : de lui-même en premier, mais aussi de la société et de ses comédiens. Aal Yamine est une idée née il y a 6 mois et rédigée en 4 jours. Cible : le pouvoir, les militaires, les barrages, volants ou pas. Contre l’oppression des libertés. Joe Kodeih le doux, le pacifique ne mâche décidément pas ses mots.
Jusqu’à une époque récente, Joe Kodeih peignait. Pour son plaisir. «J’ai découvert le théâtre, et j’ai compris que je ne pouvais plus retourner en arrière», raconte-t-il. Et voilà un jeune Libanais qui se détourne de la peinture, «qui montre un univers intérieur», pour se consacrer entièrement à la scène, «qui n’appartient à personne, qui est tellement...