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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - La députée de Zghorta ira à Bteghrine, mais avec des réserves - Moawad : Il est anormal que le chef de l’État n’essaie pas de trouver des solutions

La dame du Nord au cœur de l’actualité. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nayla Moawad n’aura pas chômé ces quatre derniers jours. Entre la conférence de presse commune qu’elle a tenue lundi à Tripoli avec Walid Joumblatt, Omar Karamé et Samir Frangié, et la perspective du déjeuner de Bteghrine organisé par Georges Haoui et où elle aurait pour voisins de table – outre le leader du PSP – Nassib Lahoud, Amine Gemayel, Pierre Gemayel, Élie Ferzli ou encore Michel Samaha, la députée de Zghorta a répondu aux questions de L’Orient-Le Jour. Sans langue de bois. Pourquoi ce déjeuner, quels sont les arguments que Georges Haoui vous a donnés ? «Qu’il y ait un vide politique en ce moment au Liban ne fait aucun doute et la nécessité de le combler est réelle. Le communiqué des évêques maronites a déclenché une dynamique de rencontres et de retrouvailles politiques – certaines s’étaient dessinées bien avant les législatives 2000, comme notre rencontre, à Omar Karamé et moi-même, avec Walid Joumblatt. Une rencontre sous le triple signe, déjà essentiel, de la défense des libertés publiques, de l’indispensable réforme politique et d’une réconciliation nationale globale». Comment s’est faite l’invitation de Georges Haoui ? «Après avoir rencontré le président Assad, il a lui-même entrepris des démarches auprès de quelques personnes». Pourquoi Georges Haoui ? «Il a été pendant de longues années à la tête d’un parti qui existe et qui a une grande crédibilité. Mais je pense que le nombre de personnes invitées est un peu plus important qu’il n’aurait dû l’être, si tant est que l’on voulait que cette initiative porte, sérieusement, ses fruits et que ça soit une bonne réunion de travail. D’un autre côté, il faut réfléchir à deux fois avant de décourager un projet qui pourrait déclencher une énergie susceptible plus tard d’être beaucoup plus harmonieuse». Donc, pas de boycottage d’initiatives ayant un minimum de crédibilité – la présence par exemple de Walid Joumblatt ? «Non. Mais à condition que cette présence soit assurée et qu’il y ait un minimum de sérieux. J’avais dans tous les cas mis en garde Georges Haoui de ne pas trop élargir…» Ce n’est pas la naissance d’un front ? «Non, sûrement pas». Est-ce que cette réunion cache des visées anti-Lahoud, anti-Hariri, etc, ou est-ce une façon de catalyser le dialogue national ? «Si visées anti-Lahoud ou anti-Hariri il y a, je ne participerai pas à ce déjeuner». Pourquoi ? Vous êtes bien dans l’opposition, non ? «Certes, mais je pense qu’aujourd’hui, l’essentiel est de ne pas être contre, mais d’apporter des solutions à une situation dans le pays qui est largement désespérante. Le temps n’est plus aux jeux politiciens. Surtout que l’État ne joue absolument pas le rôle qui lui est imparti». L’État moukhabarat Où vous situez-vous par rapport au président Lahoud aujourd’hui ? «Il est anormal qu’il y ait autant de déchirements dans le pays et que l’arbitre suprême n’ait pas donné son avis ou essayé d’y remédier. À chaque début de solution, il y avait l’un des trois présidents qui la torpillait». C’est le retour à la troïka ? «Finalement, à défaut d’un dialogue national, la troïka reprend les habitudes d’antan, que l’on a tellement décriées. La seule manière d’assurer la séparation des pouvoirs est d’enclencher un dialogue national. Toute la vie politique ne repose pas uniquement entre les mains des trois présidents, même si on doit leur faire assumer la responsabilité du manque de dialogue». C’est donc un déjeuner de l’opposition – ou d’opposition ? «C’est un déjeuner qui essaiera de pallier un vide. Il y aura certainement des personnes présentes avec qui j’aurai envie de continuer mon chemin politique. Mais dans tous les cas, une opposition, par définition, s’oppose. Et là il n’y a rien contre quoi s’opposer. Il s’agit plus d’une prise de conscience collective. Un appel à un vrai congrès national». Personne n’a donné suite à cette proposition du président Karamé, pourquoi ? «Parce qu’elle dénonçait d’abord les dérives des dernières élections législatives, chose que le Premier ministre, comme le chef de l’État, ne voulait pas reconnaître. Il s’agissait de la crédibilité de l’image de ces élections et de leurs pratiques, comme si cette proposition allait désavouer la victoire de Rafic Hariri». Comment se passe, selon vous, la cohabitation entre les deux pôles de l’Exécutif ? «Parlons d’abord de ce gouvernement qui n’a aucune vision, pas de programme non plus, j’ai l’impression que la grande majorité des 30 ministres n’est là que pour expédier les affaires courantes. Il n’y a de coordination entre personne. En fait, le plus grave, ce ne sont pas les tiraillements au sein de l’Exécutif : le plus grave, c’est que l’État est beaucoup plus présent dès qu’il s’agit de “moukhabarat“ (services de renseignements) qu’autre chose – les problèmes du Liban et des Libanais notamment. L’État ne délivre aucun message clair à ses citoyens». Passons à des choses plus concrètes, plus triviales. Quid de la polémique Farès-Hariri ? «Je pense qu’elle est beaucoup plus symbolique qu’autre chose : elle traduit tous les tiraillements qui existent. J’aurais voulu qu’une polémique s’instaure sur les façons d’améliorer quelque chose. C’est pareil pour nous, dans l’opposition : j’aurais été honorée de “m’opposer” à un ministère fort par exemple et dans un climat sain. Parfois, imaginez-vous, j’hésite à parler haut et fort et clair pour ne pas contribuer encore plus à l’effondrement déjà bien entamé de l’État». Et la taxe des 5000 LL sur les télécommunications pour renflouer Télé-Liban ? «C’est dramatique tellement c’est absurde. Mais quel est le rôle d’une télévision officielle ou d’une télévision publique ? Et c’est évidemment lié à la présence d’un ministère de l’Information. Où s’arrête le public et où commence l’officiel ? Est-ce que la BBC est à la solde de Tony Blair par exemple, ou France2 à celle de Chirac ou de Jospin ? C’est absurde. Mais les gens ploient sous les problèmes, pourquoi voulez-vous qu’ils aident au financement de cette télévision qui croule sous le surnombre de ses employés ? D’autant plus que la télévision publique devrait être une plate-forme pédagogique et citoyenne de premier plan». Et la proposition du ministre de l’Énergie concernant la prescription sur les factures d’électricité qui remontent à plus de quatre ans ? Y a-t-il des arrière-pensées confessionnelles ou électorales ? «Mais cela fait onze ans qu’on nous promet des mesures exceptionnelles visant à instaurer un État de droit, où sont ces promesses ? Et c’est vrai qu’il y a des régions entières qui ne paient pas l’électricité et qui ne sont pas près de la payer. Et que ce soit une des premières décisions du ministre Beydoun, il doit sans doute y avoir un intérêt électoral, pour lui comme pour le mouvement Amal». Bilan 2000 Au niveau des libertés publiques et de la démocratie, quel bilan peut-on dresser de l’année écoulée ? «Il est positif dans le sens qu’il est en train de se créer des forces prêtes à les défendre : des forces estudiantines et certains courants politiques dont je me vante de faire partie. Relativisons évidemment : c’est positif parce que ça arrive à endiguer les nombreuses tentatives de l’État visant à étouffer ces libertés». Concernant le Liban-Sud ? Le dernier rapport Annan ? «Les journaux parlent d’une réduction peut-être drastique des forces de la Finul parallèlement à une béatitude du discours officiel qui nous dit que tout va bien dans le meilleur des mondes. C’est un peu étonnant». Et l’absence de l’armée au Liban-Sud ? «Que voulez-vous que je vous dise ? Souvenez-vous de cette phrase : “On n’envoie pas une armée à la frontière en temps de guerre”… On demande de plus en plus d’argent pour une armée qui ne peut pas aller au Sud parce qu’on est en guerre ou ailleurs parce qu’on est en paix, mais qu’on me définisse une fois pour toutes ce qu’est une armée». Quid du bilan de la réconciliation nationale ? «Ce qui s’est passé depuis le communiqué des évêques, je le répète, a créé une dynamique très positive. Mais la route est encore longue. Un congrès national est indispensable. Appliquons Taëf et ensuite faisons les inévitables retouches». Et au sujet des relations libano-syriennes ? «Oui elles ont avancé parce qu’au moins le problème a été clairement posé. Et le président syrien a manifesté une volonté d’ouverture et la médiation de Fouad Boutros est encourageante. Quelque chose est né et il est encore tôt pour savoir si cela va mener à un quelconque développement ou pas. Mais évidemment, ça ne suffit pas». Et la dame du Nord finit comme elle a commencé : avec le sourire.
La dame du Nord au cœur de l’actualité. Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nayla Moawad n’aura pas chômé ces quatre derniers jours. Entre la conférence de presse commune qu’elle a tenue lundi à Tripoli avec Walid Joumblatt, Omar Karamé et Samir Frangié, et la perspective du déjeuner de Bteghrine organisé par Georges Haoui et où elle aurait pour voisins de...