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Actualités - REPORTAGES

SOCIÉTÉ - Un ancien barbier d’Achrafieh se souvient du bon vieux temps - Saïd, fidèle au métier qu’il a appris, - lutte contre la modernisation

Il a commencé ce métier à 10 ans. Il habitait Damour. Saïd Khoury a quitté son village natal en 1947 pour s’installer à la rue Trabaud où il a élu domicile depuis. Saïd a 72 ans. Il est coiffeur barbier à la rue Abdel-Wahab el-Inglizi. Dans son salon, transformé il y a quelques années par sa fille en parfumerie et rebaptisé Lilas, ce septuagénaire continue à exercer le seul métier qu’il a appris. En ce début du troisième millénaire, malgré l’apparition du rasoir électrique, du gel, de la mousse à cheveux et d’autres nouvelles techniques de soins capillaires, Saïd tient toujours aux traditions. D’ailleurs, c’est pour cette raison qu’il continue à proposer à la vente des cigarettes à ses clients. Car pour lui, un homme ça fume cigares et cigarettes, ça ne se fait pas teindre les mèches blanches, et surtout ça porte les cheveux courts. Notre coiffeur barbier est intransigeant sur ce dernier point. Il met à la porte tout mâle qui se présente chez lui et qui demande à légèrement effiler une tignasse de Samson. Dans ce genre de cas, c’est Saïd lui-même qui décide. «Moi je ne fais que des coupes décentes», explique-t-il. Son cauchemar ? Le début des années soixante-dix, quand beaucoup de jeunes hommes ont décidé de porter les cheveux longs. «C’était la mode des hippies et l’on ne reconnaissait plus les hommes des femmes», se plaint-il. Saïd se souvient des années soixante, quand il avait monté sa propre entreprise à la rue Abdel-Wahab el-Inglizi. Il commençait à travailler à six heures du matin pour ne s’arrêter parfois qu’à minuit. Mis à part les clients qui venaient se faire raser ou se faire couper la barbe et les cheveux au salon, il avait une dizaine d’abonnés. Et Saïd se rendait chez eux tous les jours que Dieu créait. Parmi ses «abonnés» figuraient Charles Hélou, Fouad Ghosn, Joseph Chader et Sélim Lahoud. Comme au bon vieux temps Certes, le barbier d’Achrafieh garde de bons souvenirs de toutes les personnes qu’il a rasées ou coiffées mais c’est de l’ancien député du Metn, Sélim Lahoud, qu’il parle le plus volontiers. «Il voyageait très souvent, parfois il s’absentait durant des mois entiers et venait chez moi pour payer des services dont il n’avait pas profité», dit-il. Saïd se souvient des soins qu’il procurait dans son salon, du temps où seulement l’ancien rasoir et le fil de coton étaient utilisés pour tailler ou raser une barbe. «Je n’y arrive plus maintenant, j’ai les mains qui tremblent, et puis plus personne ne se rase comme au bon vieux temps», indique le barbier. Au bon vieux temps, on affûtait le rasoir à l’aide d’une ceinture en cuir. Le métal utilisé sur le menton préservait la douceur de la peau et l’on s’appliquait à ôter les poils ingrats des pommettes à l’aide d’un fil de coton. Saïd s’est arrêté d’utiliser les authentiques rasoirs pour les remplacer par d’autres outils un peu plus modernes. Et pourtant c’est toujours de la même manière qu’il traite les cheveux et le crâne de ses clients : «Une coupe décente, aux ciseaux uniquement, sans gel mousse ou tout autre produit de beauté», explique-t-il. Une coupe qui s’achève avec de l’alcool versé sur la nuque. La clientèle de Saïd s’est étiolée avec le temps. Parfois son ancienne chaise de barbier reste vide des jours durant. Le septuagénaire se rassure comme il peut : «Depuis la guerre, le quartier est désert», dit-il. Il ne veut pas voir les restaurants du secteur, les immeubles restaurés et le quartier qui grouille de vie. Il ne veut simplement pas reconnaître, qu’après 62 ans de métier, il a été dépassé par les événements.
Il a commencé ce métier à 10 ans. Il habitait Damour. Saïd Khoury a quitté son village natal en 1947 pour s’installer à la rue Trabaud où il a élu domicile depuis. Saïd a 72 ans. Il est coiffeur barbier à la rue Abdel-Wahab el-Inglizi. Dans son salon, transformé il y a quelques années par sa fille en parfumerie et rebaptisé Lilas, ce septuagénaire continue à exercer le seul...