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Actualités - BIOGRAPHIES

Le chantre de la culture n’est plus

Vous me disiez, Monsieur le Président, il y a deux semaines, devant ma réaction à l’une de vos réparties : «J’ai des idées d’enfant, en vieillissant je rajeunis»... Pour la première fois je percevais, dans votre humour, un voile d’amertume et de renoncement. Vous avez si bien comblé votre vie, exploré tout horizon, multiplié votre présence, qu’un départ pressenti vous coûtait. Vous vous êtes résigné, de cœur, à l’ultime arrêt, mais de votre esprit je sentais sourdre l’ironie du refus. Refus de l’inéluctable – et vous me le disiez. Il y a quelques années, lors de l’écriture de vos mémoires, vous me paraissiez tourmenté, déchiré, incernable. Je sentais, chez vous, la révolte contre les accusations précipitées de certains ténors de la politique et surtout leur acharnement à trouver le bouc émissaire qui rachète et purifie. Je vous vois encore en train de chercher nerveusement dans la pile de vos documents, le plus indiqué, le plus convaincant, pour plaider l’évidence. Avec une admirable vigueur que motivait une légitime justification. Puis venait le moment de l’intermède littéraire où le calme vous regagnait et c’était, pour moi, vous vous en doutiez, un temps de délices, où vos étonnants souvenirs littéraires fusaient à étourdir. Et la conversation prenait rapidement le chemin de la francophonie. Elle était vôtre, celle-ci, votre bien-aimée, votre dada de tous les jours. Mais ironie du sort, elle vous a échappé l’année même où vous vouliez la couronner dans votre terroir. Vous caressiez cette langue, prétendue aptère, mais vous avez réussi à lui donner des ailes. Sobre, claire, précise, divine, fille de Racine que vous aimiez tant et de Molière, bien sûr, chez qui nous relevions, parfois, avec un malin plaisir, audaces et entorses ! Et vous me parliez aussi, fréquemment – j’allais l’oublier – des misérables, des laissés-pour-compte, des vieillards abandonnés dont vous portiez le souci. Vous évoquiez, en toute simplicité, le travail de ces ouvriers du silence, religieux, religieuses et bénévoles qui se consument telle une chandelle votive, au service de ces démunis. Vous disiez leurs malheurs avec une émotion que vous aviez l’art de nous communiquer pour nous amener à nous remettre en question. En chacun d’eux vous regardiez l’image du Christ, et vous cherchiez à nous le montrer comme sur le chemin d’Emmaüs. Humaniste de grande noblesse, vous le demeurez dans notre mémoire, Monsieur le Président, et surtout, homme de charité et d’espérance dans un Liban dont vous avez fait la «Part de Dieu», et à présent, la vôtre aussi, auprès de lui.
Vous me disiez, Monsieur le Président, il y a deux semaines, devant ma réaction à l’une de vos réparties : «J’ai des idées d’enfant, en vieillissant je rajeunis»... Pour la première fois je percevais, dans votre humour, un voile d’amertume et de renoncement. Vous avez si bien comblé votre vie, exploré tout horizon, multiplié votre présence, qu’un départ...