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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - Peintre expressionniste depuis 15 ans - Fatima el-Hajj : un immense respect pour la sincérité

Depuis sa première exposition en 1985, Fatima el-Hajj peint ce qu’elle est, ce qu’elle vit. Pour elle, plus que les couleurs, c’est la sincérité qui fait la toile. Professeur à l’Académie des beaux-arts de l’Université libanaise - Section I depuis 1984, cette artiste expressionniste essaye d’inculquer à ses élèves l’amour du vrai et les encourage à dire toujours ce qu’ils pensent, sans jamais trahir leurs convictions. Née à Wardanieh (Chouf) en 1953, Fatima el-Hajj a suivi une formation artistique pendant une dizaine d’années, à l’Université libanaise d’abord, puis à l’Académie des beaux-arts de Leningrad et enfin à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris. Elle commence son aventure de peintre en recevant, deux années de suite, le Prix international Picasso par le Centre culturel espagnol de Beyrouth en 1984, puis par la Direction générale des relations culturelles du ministère espagnol des Affaires étrangères à Madrid. Fatima el-Hajj a participé à de nombreuses expositions personnelles et collectives au Liban mais aussi en Syrie ainsi que dans d’autres villes étrangères comme Paris, Londres, Abou Dhabi , Koweït, etc. Par ailleurs, elle est fidèle à la galerie Alwane (Kaslik) où elle expose depuis douze ans et où l’on peut découvrir ses œuvres en permanence. C’est dans leur maison de Rmeilé (au nord de Saïda) que Fatima el-Hajj et son époux Ali Chams peignent. «Mon objectif est de me découvrir toujours davantage, d’explorer sans cesse de nouvelles limites, dit-elle. Un artiste qui se répète commence par se lasser lui-même et ennuie son public. J’essaye d’aller en profondeur et de mieux me connaître pour sortir ce que j’ai d’enfoui en moi». Car pour rester dans le vrai, il faut avant tout qu’un artiste se connaisse bien, «sinon il ne pourra que mal traduire ce qu’il est et son œuvre ne lui ressemblera pas». Comme quelqu’un qui dit ou fait des choses qu’il ne pense pas… Pour elle, la formation académique est nécessaire dans l’art. «On ne peut pas s’exprimer correctement si l’on ne respecte pas certaines règles fondamentales, tout comme on ne peut pas faire de musique sans connaître les notes», souligne-t-elle. Pastel, gouache, acrylique, matières mixtes, huile, Fatima el-Hajj varie les matériaux et se laisse guider par l’inspiration. «Mon œuvre naît de mon imagination personnelle, et je m’inspire aussi beaucoup de la nature qui me “sauve” de nombreux problèmes». Comme lorsqu’il lui arrive de se «bloquer», alors qu’elle peint une toile. «Dans ces cas-là, je ne m’entête jamais, affirme-t-elle. Au contraire, je m’arrête aussitôt et, sans le réaliser, me retrouve dans mon jardin. Je bêche, je plante, bref, je m’éloigne de ma toile un moment. Et puis quelque chose m’y ramène ; une chose que je vois, qui raisonne en moi. Et lorsque je reprends le pinceau, le problème est résolu, je redémarre». Spontanée, elle peut parfois s’arrêter de peindre, ne plus pouvoir – ou vouloir – aller plus loin. «Pour certains, ma toile peut alors paraître inachevée. Mais, pour moi, le silence a parfois plus de sens que la parole». La réalité du moment La peinture de Fatima el-Hajj lui ressemble toujours, même si ses toiles peuvent être très différentes les unes des autres. Ses paysages sont autant d’ambiances colorées, vierges de toute présence humaine ou peuplées de silhouettes aux traits parlants. D’autres fois, l’artiste réduit les couleurs pour crier sa colère. D’autres fois encore, son pinceau devient abstrait comme pour sa série de 12 toiles sur le thème «Les douze mois de l’année de Tchaïkovsky» où l’artiste s’est laissée menée par le rythme et la tonalité de la musique… «Comme tout un chacun, un artiste est complexe et il est donc normal qu’il peigne des choses différentes», note-t-elle. «Il serait faux de l’enfermer dans un style ou un thème bien précis. Mon travail varie selon ma réalité du moment», selon qu’elle souffre, qu’elle rêve, qu’elle se révolte ou qu’elle est heureuse. «Par ailleurs, avec le temps qui passe, on change. Ce n’est pas nécessairement une évolution, un “mieux”, mais un changement. L’art reflète ce que vit l’artiste, qui passe par de nouvelles expériences, de nouvelles étapes. Et l’on retrouve tout cela dans son travail». Elle déplore l’absence de véritables critiques d’art au Liban, «qui suivent l’artiste depuis ses débuts et l’accompagnent tout au long de son parcours. Des personnes sincères et objectives avec lesquelles on pourrait discuter». Une autre chose qui la choque : les artistes qui offrent leurs toiles en cadeau, à la moindre occasion ; qui vont en visite un tableau sous le bras, comme on distribuerait ses enfants. «Ensuite, lorsque ces artistes exposent, les gens leur achètent une toile pour leur rendre la politesse, dit-elle. L’art n’est pas à brader, et une toile est une chose extrêmement respectable». Professeur d’art à l’Université libanaise, Fatima el-Hajj constate que la nouvelle génération manque de patience. «Les jeunes veulent tout tout de suite ; ils veulent arriver sans attendre et cela se reflète dans leur production qui manque de maturité». Nombreux sont ceux qui rêvent d’exposer leur travail dès la première année et certains y arrivent. «Il y a même des élèves à moi dont les toiles sont plus chères que les miennes», indique-t-elle. Et d’ajouter qu’elle enseigne comme elle peint, «en essayant d’aller toujours de l’avant, de trouver de nouvelles choses à donner. Ma tâche est d’expliquer à mes élèves d’abord qu’on ne peut pas s’exprimer sans suivre des règles et que rien n’est laissé au hasard dans l’art qui, malgré sa richesse et sa diversité, repose toujours sur des bases solides». Qui aurait cru qu’il faille se battre pour communiquer son savoir et pour faire profiter les autres de son expérience. «Enfin, je dois les aider à fouiller et à sortir ce qu’ils ont à l’intérieur d’eux-mêmes, ce qui s’avère très dur parce qu’ils y résistent de toutes leurs forces. Il faut les convaincre qu’il est dans leur intérêt de se laisser aller». Plonger dans la sincérité, se battre farouchement avec soi-même pour être le plus vrai possible. C’est la devise de Fatima el-Hajj, qui exposera ses œuvres récentes le 6 février 2001, à la galerie Alwane.
Depuis sa première exposition en 1985, Fatima el-Hajj peint ce qu’elle est, ce qu’elle vit. Pour elle, plus que les couleurs, c’est la sincérité qui fait la toile. Professeur à l’Académie des beaux-arts de l’Université libanaise - Section I depuis 1984, cette artiste expressionniste essaye d’inculquer à ses élèves l’amour du vrai et les encourage à dire toujours ce...