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Actualités - INTERVIEWS

RENCONTRE - Rim el-Jundi : une œuvre miroir, authentique

Rim el-Jundi, 35 ans, est spontanée, directe et franche. Ses grands yeux noirs et son visage anguleux traduisent une forte personnalité. Sa peinture lui ressemble. Des visages très expressifs, des atmosphères parlantes, qui disent des choses intimes, vécues. «Je suis arrivée à la peinture par hasard. J’avais fait des études d’architecture pendant quatre ans, et je croyais que c’était le chemin que j’allais suivre», dit-elle. «Et puis j’ai tout arrêté. J’ai passé deux ans à ne rien faire, tout en sentant qu’il y avait un créneau dans lequel je devais m’exprimer. Cela pouvait être l’écriture ou le cinéma, la danse, ou encore la peinture, puisque je peignais parfois mais sans jamais prendre cela au sérieux. Juste pour décompresser». Elle touche au journalisme, à l’écriture, jusqu’au jour où elle décide de suivre des études à nouveau, mais de peinture cette fois. «Je ne savais pas trop ce que je faisais au départ, mais j’ai vite senti que c’était là ma place. J’ai réalisé que finalement, j’avais une mémoire très visuelle. Je ne vois les choses qu’en flashes. Je ne suis pas bonne en calcul, je n’ai pas un bon sens de l’orientation ; je vois en images». Ce qui lui plaît dans la peinture c’est qu’on peut «dire sans dire, dire certaines choses et taire d’autres. Dire indirectement, par des signes, des indices». Rim el-Jundi commence par peindre des personnages. «Les gens, les visages, les corps sont toujours les déclencheurs et les raisons de ma peinture», explique-t-elle. «Je passe beaucoup de temps dans les cafés à observer les passants, dans la rue. La ville m’inspire aussi beaucoup. Les voitures, le bruit et l’embouteillage ne me dérangent pas. Je suis née là-dedans et il est donc normal que j’en parle». À travers un dessin réaliste ou une atmosphère. «L’important est d’exprimer, de dire». Peindre la vie Rim el-Jundi peint ce qu’elle vit. «En général, je commence à travailler de manière très spontanée. Ce n’est qu’ensuite que je réalise ce que je fais, que je comprends». C’est ainsi que pendant une courte période, elle s’est tournée vers la sculpture, presque malgré elle. «Je me trouvais au Koweit où j’ai vécu un an. Il m’est arrivé quelque chose d’étrange. Je ne réussissais plus les personnages. Je me suis alors mise à peindre des ambiances abstraites, en utilisant des objets de la maison. Et à créer des sculptures abstraites, représentant des personnages». Elle remarque alors que chaque personnage est complémentaire d’une toile. «Je pense que c’est parce que j’étais en dehors de chez moi, de mon milieu naturel, loin duquel je ne peux pas vivre longtemps», affirme-t-elle. La preuve, de retour au pays, tout est rentré dans l’ordre et ses personnages ont réintégré la toile. Actuellement, l’artiste prépare une série sur la maladie, la souffrance. «J’ai été très malade, pendant à peu près un an. À ma sortie d’hôpital, j’ai commencé à peindre ce que j’avais vécu : trois mois de douleur ininterrompue. Je devais “sortir” tout cela de moi, l’intensité et le rythme lancinant de la douleur qui ne s’arrête pas, et contre laquelle on ne peut rien faire, sauf attendre qu’elle passe». Elle peint ces visions qu’elle «voyait» à partir de son lit d’hôpital. Cela donne des autoportraits poignants. «Ma peinture n’est ni douce ni tranquille, et j’ai un penchant pour ce genre d’art qui entre en collision avec moi, qui me fait me poser des questions, qui véhicule quelque chose de dur, de violent, et qui me reste dans la tête, qui dure». L’artiste précise que son œuvre se développe aussi en se nourrissant d’elle-même. «À mes débuts, je peignais des visages et des masques ; des corps réalistes et d’autres non réalistes. Puis, à un moment donné, les deux se sont confondus. Mes personnages sont devenus mi-réels, mi-irréels. J’ai même traversé une période où je ne travaillais plus que sur ce contraste, sur ces deux genres de personnages». La matière peut également l’entraîner vers de nouveaux horizons, même si elle emploie surtout l’acrylique et la matière mixte. «J’essaye de faire en sorte que mon œuvre me ressemble. D’être authentique avec ce que je suis, ce que je ressens, ce que je fais. Et je crois que lorsqu’on est vrai, on ne peut que toucher le public. Pas besoin de parler de généralités pour cela ; on peut parler de choses très intimes». Pour Rim el-Jundi, la salle d’exposition est avant tout un lieu de rencontre entre l’œuvre et le public. «Je vois dans les yeux des visiteurs leur réaction, comment ils me voient. Et toujours, la rencontre avec l’autre me fait repenser l’œuvre et découvrir de nouvelles choses. J’aime savoir ce que les gens pensent de ma peinture. Il est vrai que je peins d’abord pour vivre cette expérience personnelle jusqu’au bout. Mais en même temps, il m’importe d’être “acceptée” par les autres, sinon je n’exposerai pas mon travail. Je recherche cette relation avec le public, et c’est pourquoi j’essaye d’être toujours présente sur le lieu d’exposition». La toile, une fois faite, n’appartient plus au peintre mais au public. «Chacun lui donne “son” sens, et j’aime cette dimension qui enrichit la toile», conclut-elle. • Rim el-Jundi exposera ses œuvres récentes du 5 au 28 avril 2001, à la galerie Maraya, Sami el-Solh.
Rim el-Jundi, 35 ans, est spontanée, directe et franche. Ses grands yeux noirs et son visage anguleux traduisent une forte personnalité. Sa peinture lui ressemble. Des visages très expressifs, des atmosphères parlantes, qui disent des choses intimes, vécues. «Je suis arrivée à la peinture par hasard. J’avais fait des études d’architecture pendant quatre ans, et je croyais que...