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Actualités - COMMUNIQUES ET DECLARATIONS

INTERVIEW - Le leader du PNL appelle à une conférence nationale pour rejeter tout projet d'implantation Chamoun à "L'Orient-Le Jour": Avec Lahoud, nous sentons davantage le poids de Baabda

Pendant les neuf années qu’a duré le mandat du président Élias Hraoui, le leader du Parti national libéral, M. Dory Chamoun, s’est volontairement placé en marge non pas tant de la vie politique, mais plutôt de l’establishment politique mis en place après Taëf. Il ne pouvait, en effet, au risque de renier les positions de principe du PNL, se résigner au fait accompli géopolitique que plus d’une puissance étrangère s’est employée à imposer, bon gré mal gré, aux Libanais. L’élection du général Emile Lahoud à la présidence de la République et les perspectives ouvertes au niveau régional à la faveur du changement de gouvernement en Israël constituent incontestablement de nouvelles donnes fondamentales. Comment le leader du PNL perçoit-il ce double changement de conjoncture apparu ces derniers mois ? Cette situation lui offre-t-elle des possibilités d’action inespérées ? Le nouveau rapport de forces apparu sur la scène locale fin 1998 et celui qui devrait se préciser dans la région au cours des prochains mois permettront-ils à son parti et au vaste courant qu’il représente d’occuper leur place d’antan sur l’échiquier libanais ? Et partant, quelles sont les intentions du PNL concernant les prochaines élections législatives de l’an 2000 ? À ces différentes interrogations, M. Chamoun a apporté à L’Orient-Le Jour quelques éléments de réponse, tout en se montrant prudent, dans l’attente que se décante davantage la situation présente. En 1992 et 1996, le PNL avait boycotté le scrutin législatif du fait que le jeu était faussé à la base par une loi électorale façonnée sur mesure par les forces de facto. Avec les changements intervenus ces derniers mois, le parti a-t-il commencé, dès à présent, à préparer les élections législatives de l’an 2000 ? «Dans un certain sens, oui, répond M. Chamoun. Nous sommes engagés, en effet, dans une réorganisation du parti. Lorsque nous nous réorganisons dans une région déterminée, c’est que nous plaçons les jalons d’une campagne électorale». Il reste que M. Chamoun se montre prudent à ce propos. Il affiche toujours, jusqu’à preuve du contraire, un certain scepticisme quant aux possibilités réelles d’organiser des élections législatives sur des bases saines, équilibrées et équitables, de manière à aboutir à un profil de Parlement qui soit conforme aux réalités socio-politiques et communautaires du pays. «Toute la question est de savoir s’il y aura des élections, dans le vrai sens du terme, souligne-t-il. Y aura-t-il une loi électorale prévoyant des circonscriptions acceptables ? Je crains qu’à la dernière minute ils se targuent de l’accord de Taëf pour imposer des élections sur base des mohafazats actuels, sous prétexte qu’ils n’ont pas été en mesure d’opérer un nouveau découpage de mohafazats. Nous retomberons alors dans le même problème qu’en 1992 et 1996. Auquel cas, je ne sais pas quelle sera notre position. Si on nous impose le fait accompli des grandes circonscriptions, cela constituera un message clair et net qu’ils comptent réitérer les mêmes magouilles qu’en 1992 et 1996». Sur ce plan, le leader du PNL se prononce pour une circonscription uninominale et estime que le caza représente la plus grande circonscription possible, eu égard aux réalités du pays. «En l’absence d’un système de partis œuvrant sur base de programmes politiques bien établis, il est très important que l’élu ait un contact personnel avec ses électeurs, souligne M. Chamoun. Il n’est pas normal que des candidats soient inscrits sur une liste pour représenter une région sans que les électeurs de cette région le connaissent et sans qu’il ne connaisse lui-même la région en question». Cette option de circonscription restreinte est défendue également par d’autres forces actives, telles que le PSP de M. Walid Joumblatt ou le Hezbollah. Même le président Sélim Hoss, lorsqu’il était dans l’opposition, et le vice-président de la Chambre Élie Ferzli ont reconnu un jour que l’expérience du mohafazat en tant que circonscription électorale avait été un échec cuisant. Pourquoi, dans de telles conditions, le PNL – et les courants chrétiens en général – n’établit-il pas une coordination à ce sujet avec ces fractions intégrées au système en place, ce qui pourrait ouvrir la voie, par la même occasion, à une normalisation de la vie politique dans le pays ? M. Chamoun apporte à ce propos une réponse qui en dit long sur les limites de l’action politique possible dans les circonstances présentes. «Malheureusement, affirme-t-il, avec les autres fractions (intégrées au système en place), il existe un plafond. Quand les ordres émanent de Damas, ces parties suivent les consignes, qu’elles en soient ou non convaincues. Tant que la Syrie dominera la scène politique libanaise de cette façon, il ne saurait y avoir de consensus national sur quoi que ce soit. Si, pour une raison quelconque d’ordre régional, l’influence de la Syrie au Liban diminue, il y aura alors un espoir d’organiser des élections dignes de ce nom». Le nouveau régime Cela signifie-t-il que M. Chamoun ne perçoit aucune amélioration sur le plan de la marge de manœuvre dont bénéficierait le nouveau régime, ne fût-ce que sur le plan tactique et pour les questions purement internes ? «Je ne vois pas beaucoup de différence par rapport à l’ancien régime, souligne le leader du PNL. Tant que c’est Michel Murr qui mène le jeu sur le plan électoral, et tant que chaque responsable se trouve obligé à chaque occasion de faire les louanges du régime syrien, cela signifie qu’en réalité rien n’a changé. Sauf qu’aujourd’hui, nous faisons face, en plus, à l’interférence plus pesante du Deuxième Bureau». Il reste que M. Chamoun reconnaît que l’avènement du nouveau régime du général Émile Lahoud a amélioré l’équilibre de forces politico-communautaires au niveau du pouvoir, dans la mesure où le président de la République s’impose beaucoup plus que sous le mandat précédent. «Nous sentons la présence de Baabda beaucoup plus qu’avant, ce qui a brisé en quelque sorte le principe de la troïka, déclare à ce propos le leader du PNL. Encore faut-il savoir si cette amélioration est intervenue sur base de l’accord de Taëf ou suivant une interprétation de ce que devraient être les prérogatives du président de la République, déclare le leader du PNL. Tant que Taëf n’est pas amendé pour ce qui a trait aux prérogatives du président, toute amélioration restera précaire. Il ne faudrait pas donner libre cours aux interprétations personnelles sur ce plan». Au début du nouveau mandat, le leader du PNL s’est rendu au palais de Baabda, pour la première fois depuis Taëf, afin de rencontrer le président Lahoud. Mais cette entrevue avait alors été totalement occultée par le service de presse de la présidence de la République, ce qui a été perçu par le leader du PNL comme une atteinte au chef de l’État lui-même. Ce n’est qu’il y a quelques jours que M. Chamoun a été publiquement reçu, pour la seconde fois, par le président Lahoud à Baabda, après une autre réunion, quelques jours auparavant, au palais de Beiteddine, en présence du conseil municipal de Deir el-Kamar. Ces deux rencontres auraient-elles tiré un trait sur l’apparente réticence manifestée au départ par le nouveau régime à l’égard de M. Chamoun ? Cette réticence ne contraste-t-elle pas avec une attitude plus «ouverte» vis-à-vis de M. Walid Joumblatt, lequel n’a pourtant pas ménagé le président Lahoud et le régime dès les premières heures du nouveau mandat ? «Le cas de M. Joumblatt est différent, souligne à ce propos M. Chamoun. M. Joumblatt fait partie du système, ce qui n’est pas mon cas». Rappelant l’épisode du retour avorté du président Amine Gemayel au Liban (après l’élection du général Lahoud), et soulignant qu’il fait l’objet d’un boycott systématique de la part des médias officiels et loyalistes, le leader du PNL relève, non sans amertume, qu’il existe «deux catégories de Libanais, ceux qui acceptent le fait accompli et pour qui toutes les portes sont toujours ouvertes, et ceux qui n’acceptent pas le fait accompli, et pour qui les portes restent fermées». Le contexte régional Cette distinction entre deux catégories de Libanais est, à l’évidence, tributaire du contexte régional. Le leader du PNL estime sur ce plan qu’un accord de paix avec Israël ne manquera pas de modifier radicalement la donne au Liban, notamment pour ce qui a trait au rapport de forces sur la scène locale, ce qui ne manquera pas d’avoir un impact certain sur le jeu politique interne. «En cas de paix globale dans la région, souligne M. Chamoun, les troupes syriennes devront se retirer du Liban. Un tel développement provoquera une redistribution des cartes, plus particulièrement pour ce qui a trait à la position de la Syrie à l’égard du Liban ou le problème de l’indépendance et de la souveraineté du Liban. Il y aura donc un chambardement total sur le plan de la politique interne». Ces perspectives positives sont toutefois tempérées par une épée de Damoclès qui plane sur le Liban. Le leader du PNL craint ainsi que les Libanais soient contraints de payer un prix très lourd pour la paix: celui de l’implantation des Palestiniens. Il appelle sur ce plan à une conférence nationale en vue d’un consensus sur le rejet de tout projet d’implantation. M. Chamoun se prononce même pour un recours à la Ligue arabe afin que les États membres adoptent, si possible, une position unifiée à ce propos. Reste à savoir si les instances internationales se montreront sensibles à une telle mobilisation (si elle se concrétise). Affaire, donc, à suivre…
Pendant les neuf années qu’a duré le mandat du président Élias Hraoui, le leader du Parti national libéral, M. Dory Chamoun, s’est volontairement placé en marge non pas tant de la vie politique, mais plutôt de l’establishment politique mis en place après Taëf. Il ne pouvait, en effet, au risque de renier les positions de principe du PNL, se résigner au fait accompli...