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Actualités - INTERVIEWS

INTERVIEW - Le ministre des TP et des Transports, un homme de terrain Mikati : " Je ne tiens pas à rester enfermé dans une tour d'ivoire"

Sa haute taille (192 cm) le prédestine aux sommets. Mais si le ministre des Travaux publics et des Transports ne cache pas ses ambitions politiques, il n’en reste pas moins un homme proche des citoyens, soucieux avant tout de servir leurs intérêts. Nouveau venu sur la scène politique, Nagib Mikati était surtout connu pour ses performances dans le secteur privé en tant que membre actif de la Chambre d’industrie et du commerce. Depuis sa nomination au sein de l’équipe Hoss, sa silhouette imposante est devenue familière aux Libanais. De Kahalé à Jamhour en passant par Saïda, il est toujours le premier arrivé sur le terrain, pour partager les déboires des citoyens…et essayer de les résoudre. Comment s’arrange-t-il pour se trouver sur place avant tout le monde ? La question l’étonne. «C’est la moindre des choses. Être ministre ne comporte pas seulement des privilèges. Il est de mon devoir de me rendre sur le terrain, lorsqu’il y a une urgence». Lorsque, un immeuble s’est effondré à Kahalé, Mikati a reçu un coup de fil l’informant du drame ; il s’est aussitôt rendu sur les lieux, accompagné de sa femme, désireuse de partager la détresse des habitants. Pour le bombardement israélien de la centrale de Jamhour, la situation a été un peu différente. Le ministre assistait avec son épouse à la fête scolaire de fin d’année de son fils. Un journaliste présent l’informe de la situation et M. Mikati se dépêche de raccompagner femme et fils à la maison avant de se rendre à Jamhour. Il y est ainsi arrivé en même temps que les secours et les Libanais postés devant leur petit écran ont pu le voir l’oreille collée à son portable, à la lueur des flammes de la centrale en feu. Ils l’ont vu aussi à l’entrée de Saïda, supervisant sans relâche les travaux d’aménagement d’une nouvelle route reliant la capitale du sud au reste du pays. D’ailleurs, M. Mikati n’est pas peu fier d’avoir terminé cette route en 72 heures. «C’est un record, lance-t-il. D’autant que la route est tout à fait acceptable». Ayant fait carrière dans le secteur privé, cet homme dynamique, qui détonne dans le bureau un peu kitsch du ministre des Transports ( auquel il n’a ajouté que quelques plantes) jette un regard critique sur les lenteurs bureaucratiques. «Avant d’être nommé à ce poste, je ne me rendais pas compte de la véritable signification de l’expression : les lois en vigueur. J’ai malheureusement appris qu’il s’agit d’une formule sacrée, qu’il faut strictement respecter. Mais je considère qu’il faut à tout prix amender certaines lois, devenues obsolètes. Pensez donc que la dernière réforme administrative remonte au 12/6/59… ». Comment parvient-il à s’adapter à la lourdeur administrative ? «J’essaie de faire bouger les choses, en respectant les règles et surtout j’applique la politique des portes ouvertes. Je reçois tous ceux qui souhaitent me voir. En une matinée, je rencontre en moyenne 20 à 30 délégations». Partisan de la politique de la porte ouverte N’est-ce pas une manière d’encourager les citoyens à ne pas suivre la filière réglementaire , en leur donnant directement accès au haut de l’échelle ? «Peut-être. Mais je suis un partisan du contact direct avec les citoyens, puisque je suis là pour les servir. Je ne tiens nullement à rester enfermé dans une tour d’ivoire». Comment explique-t-il la fermeture, pour entretien des ponts de Dbayé et Antélias, un dimanche de juin, sans le moindre égard pour les citoyens ? «Honnêtement, je n’étais pas au courant de cette initiative. Je n’ai appris la catastrophe que le dimanche soir par un coup de fil du député Khalil Hraoui. J’ai aussitôt effectué des contacts et il est apparu que le CDR responsable de l’entretien de ces ponts a pris la décision, sans assurer une route alternative et en utilisant un vieux stock d’asphalte, qui a besoin de 24 h pour sécher. Pourtant, les techniques nouvelles permettent d’étendre l’asphalte comme une moquette… ». Justement, cette situation ne constitue-t-elle pas un exemple des conflits de compétence entre les différents ministères et le CDR ? «C’est vrai. Mais au moins on peut désormais parler avec le CDR et tenter d’éviter les bavures. Il existe un projet de jumelage des ministères et d’élimination de l’administration parallèle. Il ne figure toutefois pas parmi nos priorités». Mikati rappelle aussi que c’est le CDR qui est responsable de la supervision des grands projets, à Nahr el-Kalb et ailleurs. «Nous autres, nous avons simplement dressé les plans de reconstruction des trois ponts détruits par Israël. Ils coûteront 680 000 dollars et les travaux seront achevés avant le mois de septembre». «Parallèlement, il est vrai que la plupart des routes du Liban doivent être refaiters. Malheureusement, il faudrait pour cela 100 milliards de livres. Or notre budget est de 40 milliards. Nous essaierons donc de parer au plus pressé, en cherchant à optimiser nos ressources». Mikati précise qu’il a mis au point un projet pour l’ensemble du réseau routier(6 350 km). Il s’étale sur une période de 5 ans et il compte commencer à l’appliquer bientôt. Et si son successeur refuse de le suivre ? «Tant pis. Personnellement, j’agis selon mes convictions». Se considère-t-il comme un technocrate ou comme un politicien ? «À partir du moment où j’ai été nommé ministre, je suis devenu un politicien. J’essaie toutefois de servir l’ensemble de la population, sans faire de discrimination et sans penser aux élections». Être ministre est une fonction politique Depuis sa nomination, il a pourtant multiplié les déclarations politiques. «Bien sûr et je continue à le faire. A mon avis, la fonction de ministre est politique». Pense-t-il qu’il y a une place pour lui à Tripoli, sa ville natale ? «On verra en temps voulu. Pour l’instant, je me contente de remplir mon rôle, avec pour principal souci d’alléger le quotidien des citoyens. Pour en revenir à Tripoli, je crois que cette ville a été lésée au cours des dernières années, tous les efforts étant concentrés dans la capitale». Pourquoi a-t-il été choisi pour faire partie de ce gouvernement ? «J’ignore les raisons qui ont incité le président Lahoud et le président du Conseil à faire appel à moi. Certes, je les connaissais tous les deux, le chef de l’Etat depuis 1993 et M. Hoss depuis 1979 et j’entretenais avec eux de bonnes relations». On dit surtout qu’il serait lié au colonel Bachar el-Assad… «C’est vrai que je connais le Dr Bachar el-Assad. J’entretiens de très bonnes relations avec lui. Mais je ne pense pas que cela ait contribué à ma nomination au gouvernement. D’ailleurs, connaissant le Dr Bachar, je sais qu’il ne mélange jamais les relations personnelles et professionnelles». Considère-t–il que le gouvernement fonctionne comme une institution ? «Je souhaiterais qu’il aille plus loin dans ce sens. Il y a certes déjà un bâtiment indépendant, mais cela ne suffit pas. Il faut aussi du personnel, un règlement intérieur etc». On a pourtant l’impression que les ministres ont une relation directe avec le chef de l’Etat, en dehors de l’institution du Conseil des ministres. «Il arrive aux ministres de rencontrer le chef de l’État pour s’informer des orientations générales du régime, mais cela se fait dans le respect des institutions. Il ne faut pas oublier que le président de la République est le seul responsable à prêter le serment constitutionnel». Le ministre Mikati raconte par exemple qu’il a sondé le président avant de proposer de construire des routes à péage et M. Lahoud lui aurait répondu qu’il n’y est pas opposé à condition de pouvoir assurer des routes alternatives pour ceux qui ne souhaitent pas payer. «Il s’agit de simples consultations. Les ministres utilisent aussi le même procédé avec le président du Conseil. Mais quel que soit le projet, il est toujours soumis au Conseil des ministres». Maintenant que le gouvernement négocie un nouveau contrat avec les compagnies de téléphones mobiles, n’y a-t-il pas un risque de conflits d’intérêts pour lui, qui a été le premier à introduire le portable au Liban ? «Non. J’ai refusé de faire partie de la commission ministérielle chargée de négocier le nouveau contrat, en dépit de l’insistance du président du Conseil pour éviter justement de prêter le flanc aux critiques. De plus, depuis ma nomination, j‘ai bloqué tous mes intérêts privés pour me consacrer entièrement à la chose publique. J’ai même remis au président du Conseil une déclaration de tous mes biens, déposée au Sérail». On a beaucoup parlé de lui comme futur président du conseil. «Franchement, je n’y pense pas du tout pour l’instant. Je souhaite être un bon ministre, à l’écoute des citoyens. J’accomplis mon devoir et je laisse le reste au destin». Ce fatalisme n’est-il pas en contradiction avec son image de ministre dynamique, résolument moderne ? «Pas vraiment. Je me consacre aujourd’hui à mes deux ministères et j’espère répondre à l’attente des citoyens. Je sais que pour l’instant, ils ne sont pas satisfaits. Mais au gouvernement, nous faisons de notre mieux pour leur redonner confiance dans leur avenir. Savez-vous que depuis 1995, le Liban a le taux d’émigration le plus élevé du monde ? Après les espoirs de 1992, la prorogation du mandat présidentiel en 1995 a constitué un véritable choc et nous continuons à en subir les conséquences. Les nuages se sont accumulés au cours des années précédentes et nous sommes maintenant à la saison des pluies. Mais nous y survivrons. Déjà, nous cherchons à injecter des liquidités sur le marché et pour la première fois au Liban, un projet de loi sur l’assurance-vieillesse sera bientôt soumis au vote du Parlement». Le ministre Mikati est intarissable. Il connaît bien ses dossiers et parle avec passion, avec un réel souci de convaincre. Sa secrétaire le rappelle soudain à l’ordre. Déjà, plusieurs rendez-vous sont en attente… Avec un soupir résigné, il déploie ses longues jambes et se lève …puis se penche pour saluer ses interlocuteurs qu’il dépasse d’une bonne tête. Mikati a beau naviguer dans les hauteurs, il reste un homme simple…
Sa haute taille (192 cm) le prédestine aux sommets. Mais si le ministre des Travaux publics et des Transports ne cache pas ses ambitions politiques, il n’en reste pas moins un homme proche des citoyens, soucieux avant tout de servir leurs intérêts. Nouveau venu sur la scène politique, Nagib Mikati était surtout connu pour ses performances dans le secteur privé en tant que...