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Actualités - REPORTAGES

Un tourisme pluriel

Avec le retour au calme, le secteur touristique libanais affiche une progression constante, et ce malgré les nombreuses incertitudes qui continuent de peser sur cette activité. En fait, l’un des principaux atouts du tourisme libanais est lié à la diversité des tourismes qu’il peut offrir. Ces formes peuvent aller du traditionnel tourisme rural, avec les familles libanaises qui passent l’été dans les villages de la montagne, au tourisme de santé, en passant par le tourisme balnéaire et le tourisme de neige, sans oublier l’éco-tourisme, le tourisme culturel ou le tourisme des salons et expositions professionnelles. Les principaux axes qui déterminent les flux touristiques du Liban des années 90 peuvent être résumés comme suit : l Le tourisme rural, pour lequel nous avons inventé le terme d’estivage qui traduit le fait que les ménages libanais de la côte, et plus particulièrement ceux de la capitale, quittent la ville pour s’installer dans les villages et bourgs de la moyenne montagne. Ces mouvements sont concentrés plus particulièrement sur les centres de villégiature traditionnels autour de Beyrouth, mais touchent pratiquement toutes les régions libanaises. En fait, les familles libanaises disposent souvent d’une résidence secondaire dans la montagne moyenne située entre 700 et 1 200 mètres. Elles sont souvent originaires de ces villages, ou s’y sont installées durant les longues années de guerre. Avant 1975, certains de ces centres, et plus particulièrement dans la région de Aley, Bhamdoun et Sofar, accueillaient aussi une population arabe, originaire du Golfe. La guerre a totalement arrêté ces flux, qui n’ont pas repris après l’arrêt des combats. Les estivants arabes ne semblent pas pressés de revenir, non seulement en raison de la détérioration de leurs biens, mais aussi à cause du changement de l’environnement social et urbain qui a marqué ces régions, toujours non stabilisées politiquement. Les loisirs offerts précédemment dans ces régions n’existent plus et les touristes arabes ont pris d’autres habitudes et sont séduits par d’autres espaces, notamment les pays européens et les États-Unis, mais aussi certains pays arabes, notamment l’Égypte et dans une moindre mesure la Syrie et la Jordanie. Depuis deux ou trois ans, on assiste à un retour relativement important des estivants arabes vers le Liban, mais ce «come-back» s’effectue vers d’autres centres d’estivages, notamment Broummana et les villages avoisinants, qui leurs offrent des activités très séduisantes. Dans une première étape, ces passages se limitaient à des périodes relativement courtes, mais depuis quelque temps on enregistre des opérations d’achat de biens immobiliers, ce qui laisse prévoir des séjours plus prolongés pour l’ensemble de la famille. D’ailleurs, on amène avec soi les voitures et le personnel domestique. l Le tourisme balnéaire d’été. Développé à une faible échelle dans la banlieue sud proche de Beyrouth avant 1975, le tourisme balnéaire d’été a connu un essor relativement étonnant tout au long des années du conflit. Les centres existants avant 1975, notamment sur la côte au sud de la capitale, ont tous été détruits et de nouvelles zones ont été développées sur le littoral au nord de la capitale. Là encore, les occupations sont généralement saisonnières et au lieu de passer l’été à la montagne, certains ménages préfèrent la mer. En fait, cette forme de loisir pouvait répondre parfois à un besoin de sécurité, et on se repliait sur ces appartements de réserves en cas de forts bombardements dans la capitale. Ces zones balnéaires étaient supposées être à l’abri des combats et des troubles militaires. Cette fièvre s’est étendue progressivement à toutes les régions libanaises. L’ensemble de la côte libanaise est aujourd’hui menacé par ces constructions effectuées en dehors de tout plan d’aménagement urbain. Le site naturel d’accueil a été totalement modifié par des immeubles et des chalets. Ces sites postiches ont totalement dégradé la façade maritime du pays. En plus des agressions écologiques, ces constructions présentent un grand nombre de problèmes souvent liés à un dépassement des coefficients d’exploitation ou surtout à une appropriation non autorisée des biens publics maritimes. Nombreux sont les ménages libanais qui, pour raisons de loisirs ou pour des motifs de sécurité, ont acheté des chalets dans ces centres et qui aujourd’hui n’arrivent pas à bien asseoir leur titre de propriété. Les autorités publiques refusent d’enregistrer auprès des services du cadastre ces unités construites en infraction à la réglementation, et plusieurs solutions sont à l’étude, mais sans décision aucune. La nouvelle équipe gouvernementale semble avoir une attitude moins souple vis-à-vis de ces irrégularités, et des amendes fort élevées risquent d’être imposées. On espère tirer de «grands profits fiscaux» de ces infractions. l Le tourisme de neige et de haute montagne. Le Liban possède le seul domaine skiable du Moyen-Orient. Il est partagé entre 5 ou 6 stations, assez proches les unes des autres. Là encore, l’essentiel de l’impulsion a été donné pendant les longues années de la crise, et ces centres servaient de positions de replis pour les familles libanaises en cas de graves détériorations de la sécurité à Beyrouth et ses environs. Faraya et Faqra sont les deux stations qui ont le plus bénéficié de ces développements. La station des Cèdres, considérée comme l’une des mieux dotées au niveau de l’enneigement, a été affaiblie par les tensions politiques dans cette région. Depuis, elle a repris timidement, mais le potentiel est nettement plus important. Pour le moment, la demande pour les loisirs de neige est presque exclusivement interne. Mais les spécialistes estiment que toute détente régionale ne manquera pas d’avoir des effets positifs immédiats sur cette activité au Liban. Les ressortissants des pays de «l’hinterland» notamment la Syrie, la Jordanie et l’Irak constitueraient un potentiel certain pour notre «pétrole blanc». l Le tourisme d’affaires. Longtemps Beyrouth a été considérée la capitale arabe du monde des affaires, la quasi-totalité des entreprises internationales y avaient installé leurs bureaux régionaux. Depuis 1975, pratiquement toutes s’étaient retirées, mais aucune autre métropole n’avait remplacé la capitale libanaise. Avec le retour au calme, certains retours étaient enregistrés, mais ces mouvements restaient marginaux. Les développements ayant marqué le monde des affaires ont sensiblement réduit le potentiel et Beyrouth a perdu une grande partie de ses atouts dans ce domaine. D’autres centres régionaux viennent la concurrencer. Cependant, Beyrouth semble trouver d’autres vocations pour son tourisme d’affaires et qui pourraient être progressivement développées. Ce nouveau créneau est celui des expositions et des salons commerciaux, sans oublier les conférences et les colloques qui se tiennent dans les différentes disciplines. Les centres d’exposition se sont multipliés. Les surfaces dédiées à ces manifestations s’élargissent, les thèmes se diversifient et les participations étrangères s’intensifient. Cette dynamique a entraîné une nette amélioration qualitative de ces manifestations dont les plus importantes atteignent des standards internationaux. Des centres spécialisés, pour foires et salons, ont été aménagés. Une très vive concurrence s’en est suivie, et chaque «complexe» essaie de se dénoter des autres en jouant des atouts tels que les espaces disponibles, les capacités d’absorption des parkings, l’emplacement géographique, les performances passées, l’expérience internationale, et plus rarement la tarification. Ces expositions sont généralement accompagnées par des séries de séminaires et conférences à travers lesquelles les exposants peuvent présenter leurs nouveaux produits. Si le but premier de ces expositions reste la promotion commerciale, on ne peut toutefois ignorer leur impact sur les mouvements de tourisme. De plus, elles contribuent à redonner au Liban sa place, perdue ou réduite durant la guerre, dans le monde des affaires internationales et surtout régionales. Progressivement, les hommes d’affaires internationaux reprennent le chemin de Beyrouth pour leur diffusion régionale. Celle-ci concerne surtout les pays les plus proches, notamment la Syrie, la Jordanie et l’Irak, dans la mesure où les pays du Golfe sont très performants dans le monde des foires et salons. Tout récemment, les autorités libanaises ont introduit une nouvelle forme de tourisme d’affaires, à savoir le mois du shopping, en encourageant une promotion générale par une baisse des prix des produits et des services. La forte hausse des tarifs douaniers au cours des deux dernières années et les hésitations du ministre de l’Économie sur le choix des dates risquent de mettre à mal cette initiative déjà peu glorieuse comparée à celle de Dubaï, qu’elle tente de calquer. l Le tourisme culturel. Sous cette appellation, on inclut aussi bien les manifestations culturelles que l’accueil des étudiants étrangers dans les différentes universités libanaises. Avant 1995, près du tiers des étudiants de l’Université américaine de Beyrouth étaient d’origine étrangère et plus particulièrement arabe. Cette proportion passe à plus de 60% à l’Université arabe dont la majorité de ses étudiants sont d’origine palestinienne vivant souvent dans d’autres pays arabes, notamment en Jordanie. Le gouvernement libanais a limité au cours de ces dernières années les mouvements des Palestiniens vers le Liban, ce qui a réduit sensiblement le nombre de ces étudiants. Une grande partie de l’élite actuelle des pays du Golfe a été souvent formée dans les universités libanaises. Sur le plan culturel général, il ne s’agit pas uniquement des grands festivals traditionnels, mais aussi des diverses manifestations qui se tiennent régulièrement et tout au long de l’année, et qui concernent aussi bien les concerts des grands ténors ou les cantatrices arabes les plus populaires, mais aussi les semaines du cinéma ou du théâtre, les conférences politiques, les séminaires religieux, les journées juridiques ou écologiques… Il est indéniable que, sur ce plan, le Liban dispose d’avantages comparatifs certains par rapport aux autres pays de la région, et que cet atout sera massivement utilisé. l Le tourisme de loisir. Il est difficile de distinguer ce tourisme de sa forme culturelle, dans la mesure où ces deux activités se nourrissent l’une de l’autre. La gastronomie, la vie nocturne, les activités sportives de plein air… sont autant d’éléments qui complètent et accompagnent les manifestations culturelles. Ces dernières donnent aux premières un caractère particulier difficile à trouver dans les autres capitales arabes régionales jugées beaucoup plus traditionnelles et beaucoup moins cosmopolites que Beyrouth. Le Liban dispose d’une image de marque exceptionnelle à ce niveau auprès de tous les Arabes du Moyen-Orient. l Les tourismes spécifiques. Certains de ces tourismes ne sont pas nouveaux, comme celui de la santé ou de la diaspora. D’autres sont plus modernes, notamment l’éco-tourisme. Le Liban a toujours offert des services de santé pour les ressortissants arabes. Ce rôle peut de nouveau être réactivé, malgré les concurrences étrangères, régionales et internationales. Le retour des médecins libanais de l’étranger, leur solide formation et leur bonne réputation peuvent toujours séduire les ressortissants régionaux, notamment ceux des pays les plus proches. En ce qui concerne le tourisme de la diaspora, les émigrants libanais ont toujours assuré des flux substantiels au tourisme libanais. Ces mouvements ne concernent pas uniquement la traditionnelle émigration vers l’Amérique ou l’Afrique mais, de plus en plus, les Libanais des pays du Golfe et de l’Europe. Cette émigration est de date plus récente et elle a généralement conservé des liens beaucoup plus étroits avec le Liban. Récemment, et pour marquer l’importance de ces liens, des organisations de Libanais en France ont vivement contesté la hausse saisonnière des prix des billets d’avion imposée par la MEA et Air France, pour les vols Paris-Beyrouth, en relevant son impact négatif sur ces liens. Pour l’éco-tourisme, et malgré la forte dégradation de notre patrimoine naturel, sous l’effet d’une urbanisation sauvage et des dégâts écologiques irréversibles, le Liban offre toujours une nature séduisante pour de nombreux touristes étrangers. À côté des activités nocturnes ou gastronomiques traditionnelles, les professionnels du tourisme proposent aujourd’hui des marches en montagne, des activités sportives de haute montagne et divers circuits pédestres culturels. Des randonnées dans la vallée de la Kadisha ou de Nahr Ibrahim, du rafting à Nahr el-Kalb, du parapente dans les hauteurs de Becharré ou des exercices de tir à l’arc à Afqa… sont proposés en parallèle aux traditionnelles visites de Jeïta ou des excursions à Baalbeck et Byblos. Cette diversité de tourisme permet au Liban de séduire une clientèle de plus en plus large et variée. Elle permet surtout un meilleur étalement des flux sur l’ensemble de l’année. Cet avantage est très appréciable dans la mesure où l’une des faiblesses structurelles du tourisme reste sa saisonnalité. Évolution mensuelle du nombre de touristes Année 1996 1997 1998 Variation Nombre Nombre Nombre 98/97 Janvier 25 829 25 057 26 811 7,0% Février 23 535 32 514 33 680 3,6% Mars 28 643 27 713 33 175 19,7% Avril 27 360 47 499 52 279 10,1% Mai 30 477 35 693 41 930 17,5% Juin 38 479 46 737 59 809 28,0% Juillet 67 561 106 375 112 606 5,9% Août 52 245 74 013 85 466 15,5% Septembre 35 848 46 038 62 518 35,8% Octobre 36 174 40 917 42 392 3,6% Novembre 25 083 31 762 38 381 20,8% Décembre 32 766 43 250 43 170 -0,2% TOTAL 424 000 557 568 632 217 13,4% NB: Ces statistiques ne prennent pas en considération les voyageurs libanais et syriens débarquant au Liban estimés entre 2 et 3 millions de voyageurs par an.
Avec le retour au calme, le secteur touristique libanais affiche une progression constante, et ce malgré les nombreuses incertitudes qui continuent de peser sur cette activité. En fait, l’un des principaux atouts du tourisme libanais est lié à la diversité des tourismes qu’il peut offrir. Ces formes peuvent aller du traditionnel tourisme rural, avec les familles libanaises qui passent...