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SOCIÉTÉ - Il est temps de briser la loi du silence Mobilisation générale pour défendre les droits des enfants

Fatima, Adel ???, Yasmine, des noms dont on se souvient encore parce qu’ils ont incarné l’enfance meurtrie. Des petits bouts d’êtres que personne n’a pu protéger au moment des agressions – d’une barbarie effarante –commises contre eux. Il ne s’agit pas ici de faire remonter des souvenirs douloureux et pénibles. Mais de rappeler aux autorités que de tels drames nécessitent un suivi rigoureux, et des actions précises aussi bien au niveau législatif que sur le terrain. En attendant, et une fois de plus, c’est la société civile qui prend la relève et décide de mener la bataille contre ces crimes hideux condamnés par l’humanité entière. La convention sur les droits des enfants a été signée par le Liban il y a presque 10 ans maintenant. Et pourtant on n’a jamais assez témoigné au sujet des violations et d’abus commis à l’encontre de ces êtres d’autant plus fragilisés et vulnérables que la loi libanaise comporte énormément de lacunes. Refusant de baisser les bras devant des abus on ne peut plus révoltants, des efforts limités dans leurs effets, mais louables, continuent d’être déployés par des organisations et institutions spécialisées. Dernière initiative en date, le Child’s Rights’ Monitor, un programme national informatisé, lancé par le Forum libanais des ONG (NGO Forum). Ce projet servira à contrôler par le biais des ONG réparties dans tout le Liban toute violation des droits des enfants. Encore faut-il que ces droits soient bien clairs au yeux de tous et surtout au regard du système judiciaire libanais. Le problème, nous explique le juge Ghassan Rabah, président de l’Upel (l’Union pour la protection de l’enfant libanais), c’est que la législation libanaise relative à la protection des enfants n’est pas toujours claire. Il en va de même des conventions internationales qui doivent être complétées par une législation nationale plus rigoureuse. Une société cloisonnée Un autre aspect du problème, relève Me Alice Keyrouz, membre du Comité des droits de l’enfant, c’est que, même si la loi condamne les parents qui brutalisent leurs enfants, le plus dur est de prendre connaissance de cette violence. Car la société libanaise, hermétiquement cloisonnée, hésite souvent à dénoncer les cas de violence, au motif de la non-ingérence dans les affaires familiales. Idem pour les gendarmes qui refusent souvent de recevoir des plaintes de ce genre, estimant qu’il revient aux parents d’éduquer leurs mômes comme bon leur semble. Mais alors, comment contrôler les brutalités qui sont parfois exercées sur les enfants par des parents drogués, alcooliques chômeurs, ou tout simplement névrosés, sous prétexte qu’ils éduquent leur progéniture ? Me Alice Keyrouz nous explique que feu Me Antoine Keyrouz, qui a milité pour cette cause avec une passion et un dévouement exceptionnels, avait émis des propositions qui visent à réformer le système judiciaire de manière à offrir une meilleure protection aux enfants. Me Alice Keyrouz met l’accent sur la nécessité de mettre sur pied une institution officielle (ou un système de hotline) qui puisse recueillir les plaintes de ce genre. Cette institution pourra être saisie par les enfants eux-mêmes au risque peut-être, diront certains, de voir quelques excès, comme en témoignent les Etats-Unis, où, pour un tout et pour un rien, les enfants décrochent le téléphone et «accusent» leurs parents. «Pas nécessairement, répond Me Keyrouz, car cette réforme législative doit être continuellement accompagnée d’un travail de conscientisation déjà mis en place, où parents et enfants seront sensibilisés à leurs droits aussi bien qu’à leurs obligations, et où chacun saura reconnaître ses limites». Les enfants qu’on force à travailler Cependant, si la violence corporelle des enfants s’exprime dans leurs foyers, elle peut également s’exprimer ailleurs, comme cela s’est produit avec le drame qu’a vécu la petite Fatima Jassem. C’est alors un second problème, aussi grave, qui est soulevé, à savoir celui des enfants forcés par leurs parents de travailler alors qu’ils sont encore en dessous de l’âge légal, c’est-à-dire 13 ans. «Un enfant ne doit absolument pas travailler avant 15 ans quelles que soient les circonstances», lance Me Assaf, président de l’Institut des droits de l’homme, relevant de l’Ordre des avocats, et membre du Forum libanais des ONG. Chargé par l’Upel d’intenter un procès aux parents de Fatima, qui sont accusés d’avoir indirectement exposé l’enfant à de multiples risques et dangers en la plaçant chez des employeurs, Me Assaf espère surtout attirer l’attention des autorités et de l’opinion publique sur ce qu’il considère être une situation inadmissible. Car si la législation libanaise prévoit l’interdiction pour les enfants de moins 13 ans de travailler, la loi reste toutefois silencieuse pour ce qui concerne le cas des employés de maison. En accusant les parents de la jeune Fatima, l’Upel espère établir un précédent qui, d’une part, servira de leçon aux parents qui utilisent — parfois de manière injustifiée financièrement – leurs enfants comme moyen de subsistance. Elle servira également de précédent afin que l’on puisse reconnaître à l’Upel, qui s’occupe de la protection (légale) des délinquants, le droit d’intenter des procès pour défendre les enfants, même avant qu’ils ne comparaissent en justice, affirme Me Assaf. «Ceci est une forme de la prévention de la délinquance, qui commence par l’expulsion des enfants hors de leurs foyers», nous affirme le président de l’Upel, le juge Ghassan Rabah, qui estime que «40 % des délinquants sont des enfants qui ont été abusés ou violentés au cours de leur enfance». Toujours est-il que le procès intenté contre les Jassem n’a toujours pas eu de suites jusque-là... Un site Internet Autre objectif escompté, c’est «la visibilité», déclare Me Assaf, qui croit qu’à la longue, ils ( avocats et ONG ) finiront par avoir gain de cause. Pour le moment, et par le biais du Child’s Rights’ Monitor, dont la mise sur pied ne saurait tarder à venir, les participants au projet entendent «rationaliser le système de contrôle de l’application de la Convention sur les droits des enfants», explique Me Assaf. Le projet consiste en un site sur Internet (www.lnf.org.lb) qui comprendra un programme informatisé servant de cadre pour les ONG pour s’assurer de l’application de cette convention, conformément aux règles standard établies par les commissions spécialisées aux Nations unies. Au même moment, toutes les ONG dans les différentes régions œuvrant sur les questions des droits de l’enfant, seront connectées à ce réseau après avoir reçu la formation adéquate. Désormais, le rapport sera l’œuvre d’experts et d’organisations qui s’activent sur le terrain. Il sera régulièrement mis à jour et rendu public via Internet. Edité en anglais et en arabe, ce projet pourra être disponible, à l’avenir, à l’ensemble du monde arabe, nous explique Me Assaf. Reste le problème de la collecte d’informations concernant les cas d’abus, chose qui n’est pas toujours aisée à faire, surtout lorsqu’il s’agit de cas d’inceste ou d’abus sexuels. Car si la loi oblige le citoyen à dénoncer de tels abus, dès lors qu’il en prend connaissance, encore faut-il que ce dernier soit motivé pour le faire. Me Assaf nous confie le cas d’un médecin qui, un jour, hésitait à dénoncer une affaire d’abus sexuel perpétré contre un enfant, ce médecin ayant affirmé que le temps «perdu» à déposer la plainte – entre 2 et 3 heures – lui «coûtait de l’argent» ! Un exemple vivant de l’esprit mercantile libanais. Heureusement qu’il ne s’agit que de (rares? ) exceptions, et, de plus en plus, la société se mobilise dès lors qu’il s’agit d’enfants martyrisés. Désormais, l'action de la société civile, qu’elle puisse s’exprimer par le biais d’actions juridiques ou à coup de séminaires et de tables rondes, a pu établir un système d’interaction permanente entre tous les acteurs en présence. Entre-temps, les efforts continuent dans l’espoir qu’un jour, l’intégrité et l’épanouissement de l’enfant deviennent indéniablement sacrés et que les parents comprennent que leurs chérubins sont de véritables cadeaux du ciel.
Fatima, Adel ???, Yasmine, des noms dont on se souvient encore parce qu’ils ont incarné l’enfance meurtrie. Des petits bouts d’êtres que personne n’a pu protéger au moment des agressions – d’une barbarie effarante –commises contre eux. Il ne s’agit pas ici de faire remonter des souvenirs douloureux et pénibles. Mais de rappeler aux autorités que de tels drames...