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Actualités - OPINION

CARNET DE ROUTE Central , e-mail et poste

– «Que votre soirée soit heureuse» – «Et la vôtre lumineuse» – «Merci. Pourrais-je appeler le Luxembourg ?» – «Code ?» – «352…» – «Rien ne ressemble à ça dans mes listes, la prochaine fois appelez un pays ou une ville au lieu de fatiguer les gens…» – «Mais c’est un pays, c’est une ville aussi, pleins d’arbres et…» – «Près de l’Autriche, près de quoi (l’ironie monte) ?» – «Près de la Belgique, de la France (je ne trouve pas l’équivalent arabe de «limitrophe»), un petit pays, mais…» – «Vous voulez m’apprendre mon métier, et à onze heures du soir ? Et vous me parlez d’arbres, “rouhé arbché alaihom !”». (1) Gros rire gras il me raccroche au nez. J’ai fini par avoir Rudolf dans son Grand Duché, et toujours par le 100, que je serais malvenue de critiquer puisqu’il est souvent mon poumon artificiel-naturel, un poumon économique (renseignez-vous sur le prix d’installation d’une ligne internationale à domicile), une bride contre la tentation (décrocher son handy et avoir directement le monde entier au bout du fil sans passer par l’insolite connextion new-yorkaise), bref, on s’est compris, entre locuteurs de la classe moyenne. *** Mais ma vraie minute de bonté ira au courrier postal, le vrai, celui qui véhicule des enveloppes timbrées de l’envoyeur au destinataire. Dans les dix derniers jours, deux lettres d’Europe : une semaine de délai pour l’une, cinq jours pour l’autre. Cette victoire, on la doit à une société privée et étrangère. Tant pis pour les maniaques de l’étatisme. Ce n’est pas la calligraphie sur velin contre le e-mail (ni vice versa), ce sont deux modes de «plaisir du texte», de plaisir de dire. Et puis qu’est-ce que j’essaie d’exprimer ? Que j’aimais bien les lettres d’amour manuscrites qui arrivaient du Dorat (Limousin) à Beyrouth en 1955, et que je ne sais ficher rien de ce qu’auraient choisi, amants de 1999, George Sand et Alfred de Musset pour établir leur correspondance – même si je tends à penser que l’ordinateur eût mieux convenu à certains de leurs orageux échanges. Quant à moi, j’aime autant, même si c’est très différemment, le clavier et le stylo. Doubles rythmes, doubles langages, même langue. Qu’importe après tout, puisque la jeunesse est toute à ses écrans, à l’acrobatique jouissance de la «computérisation» généralisée, et que j’ai l’âge de ses parents, encore bicéphales. Voici mes élucubrations terminées, même si elles vont dans tous les sens. (1) Allez grimper dessus.
– «Que votre soirée soit heureuse» – «Et la vôtre lumineuse» – «Merci. Pourrais-je appeler le Luxembourg ?» – «Code ?» – «352…» – «Rien ne ressemble à ça dans mes listes, la prochaine fois appelez un pays ou une ville au lieu de fatiguer les gens…» – «Mais c’est un pays, c’est une ville aussi, pleins d’arbres et…» – «Près de l’Autriche, près de...