Actualités - CHRONOLOGIE
Beyrouth, Sarajevo, Bagdad et maintenant Tirana : à chaque crise son hôtel
le 19 avril 1999 à 00h00
Chaque conflit à son hôtel: à Beyrouth c’était le Commodore, à Sarajevo le Holiday Inn et l’hôtel Raschid demeure le quartier général de la presse internationale à Bagdad. À Tirana, depuis le début du conflit au Kosovo, c’est indiscutablement l’hôtel Rogner qui s’est emparé du rôle. Dans le plus pauvre pays d’Europe, même quand tout va bien, l’hôtel autrichien de Tirana – qui fait pitié à voir - reste une oasis de confort. Mais, depuis que l’Albanie est submergée par au moins 320 000 réfugiés du Kosovo, assister au va-et-vient méticuleux des jardiniers dans la palmeraie du Rogner ou au contrôle quotidien de la qualité de l’eau de la piscine a quelque chose de surréaliste. Vos chaussures sont couvertes de la boue des camps de réfugiés? pas de problème, chaque étage possède sa machine à cirer. L’incongruité du lieu laisse pantois le représentant des organisations humanitaires ou le journaliste qui arrive des rudes montagnes de la frontière albano-yougoslave où les conditions de séjour sont plutôt spartiates. Une conférence de presse d’une organisation de secours médical a été retardée de plusieurs minutes avant que le personnel ne coupe la musique italienne diffusée depuis le salon viennois. On trouve aussi, dans la foule cosmopolite qui peuple le hall, des militaires, des diplomates, des représentants de l’Otan aux attributions un peu vagues, de mystérieux Albanais en costume et cravate noirs au bras d’une jolie femme. La nuit, une sorte d’atmosphère de fête s’empare du bar avec CNN pour fond sonore. Le Kosovo est le sujet de conversation essentiel, on se demande par exemple si les 7 000 hommes du dispositif humanitaire de l’Otan en Albanie sont seulement là pour créer des voies d’acheminement des secours aux populations ou pour préparer également une offensive terrestre si la guerre aérienne contre la Yougoslavie échoue. Certains visiteurs sont à la recherche d’une autre forme de «scoop». «Je suis là pour proposer des soutiens logistiques et militaires pour les camps qu’ils organisent. Il ne s’agit pas de mercenaires comme on pourrait le croire. Mon boulot, c’est l’assistance et les catastrophes», dit un Allemand en s’excusant à moitié. Même à 200 dollars la nuit en chambre simple, alors que le salaire moyen mensuel dans l’ancien État stalinien est à peine de 70 dollars, les candidats clients s’alignent devant la réception de l’hôtel inauguré il y a quatre ans. «C’est une situation étrange. Les gens ne partent pas. Ils paient d’avance une semaine ou un mois uniquement pour conserver la chambre à l’organisme dont ils font partie», dit Venera Cocoli, la directrice du marketing de l’hôtel qui compte 137 chambres. Mme Cocoli explique que l’afflux des journalistes, intervenu à la fin du mois de mars habituellement calme au moment où l’Otan a lancé les frappes aériennes, a créé un problème d’approvisionnement: «la bière s’épuise rapidement». Tout comme le pays dans son ensemble, le Rogner a connu un parcours accidenté. À la fin de sa période d’isolement, après la mort du dictateur Enver Hodja, l’Albanie était considérée par certains, parmi lesquels le directeur général du Rogner Reinhard Schmidt, comme une destination touristique encore vierge, associant des régions montagneuses à la côte Adriatique. Cofinancé par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (Berd), l’hôtel a tout d’abord attiré de nombreux hommes d’affaires et groupes de touristes, parmi lesquels 10 contingents de touristes japonais pour la seule année 1996. Mais le scandale financier de l’année suivante, qui a engendré des émeutes dans tout le pays, a nui à l’industrie touristique. Les vacanciers ont été remplacés par les organismes d’aide internationale et de contrôle de l’Union européenne. Selon Mme Cocoli, conserver l’hôtel dans un état rutilant est toujours resté l’obsession du directeur Reinhard Schmidt «crise ou pas crise». Tous les membres du personnel s’expriment dans deux à quatre langues: «On ne peut pas attendre des clients qu’ils parlent albanais», fait remarquer un réceptionniste.
Chaque conflit à son hôtel: à Beyrouth c’était le Commodore, à Sarajevo le Holiday Inn et l’hôtel Raschid demeure le quartier général de la presse internationale à Bagdad. À Tirana, depuis le début du conflit au Kosovo, c’est indiscutablement l’hôtel Rogner qui s’est emparé du rôle. Dans le plus pauvre pays d’Europe, même quand tout va bien, l’hôtel autrichien de...
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