Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Concert - Berj Zamkochian aux orgues de l'Assembly Hall-AUB Dans la main de l'ange

Un moment béni où la musique a lumineusement résonné dans la grande salle de l’Assembly Hall (AUB). Aux touches du clavier de l’orgue officiait magistralement Berj Zamkochian dont le jeu a ébloui plus d’un président, ému les plus grandes autorités religieuses et reçu les félicitations du pape Paul VI. Programme fastueux, éclectique, trié au volet et admirablement conçu par un maître incontesté de ce «roi des instruments» (comme le désignait Mozart) où les partitions de Mendelssohn, Bach, Albinoni, Brody et la liturgie arménienne ont fait chanter les rosaces colorées de cette immense salle remplie d’un public religieusement attentif. Avec ferveur, majesté, une certaine solennité et dans le souffle d’une grande émotion, les nombreux auditeurs ont écouté les orgues tonner sous les doigts du célèbre virtuose, né à Boston, et organiste attitré de l’Orchestre symphonique de la capitale du Massachusetts. Ouverture en beauté avec la sonate en F mineur op 65 n°1 de Felix Bartholdy-Mendelssohn dont l’œuvre pour orgue peut aisément souffrir la comparaison avec celle de Bach. De forme assez libre, cette sonate (jouée par Zamkochian il y a déjà vingt-cinq ans lors d’une première performance beyrouthine) en quatre mouvements, déploie avec une incomparable magnificence sonore une narration ample faite sans doute d’une certaine fluidité mais empreinte aussi d’une délicieuse invention mélodique et d’une grande richesse harmonique. Colorée, agréable, sans plainte inutile ni pompe superflue, cette sonate est sans conteste un bijou de composition pour orgue où se mêlent vivacité, grandeur, rêverie et sens de l’élévation. Belle comme une cathédrale Torrentielle, puissante, lumineuse dans ses grandes arches sonores et ses chromatismes liquescents, radieuse comme un arc-en ciel à peine dégagé d’un orage terrible est ce prélude et fugue de Jean Sébastien Bach (en A mineur bwv 543) qui a pris le relais de l’auteur des romances sans paroles. D’une architecture dépouillée mais belle comme une cathédrale échappant aux brumes du petit matin, cette œuvre a enchaîné avec le choral- prélude (bwv 645) aux notes joyeuses et sautillantes et la saisissante et célébrissime toccata et fugue en D mineur (bwv565) toujours du Kantor au faîte d’une voix alliant austérité, netteté et un épanchement très caractéristique à cet humanisme de la Renaissance et à ses pieuses dévotions. Sans totalement abandonner la forme d’une certaine musique sacrée, voilà une sélection d’airs liturgiques arméniens aux résonances particulièrement lyriques, chargées d’un certain mysticisme, des parfums de l’encens, de la lueur vacillante des bougies et de l’ardente beauté des sharagans du pays de saint Grégoire l’Illuminateur. De Komidas (poète, musicien et homme de Dieu) à Balian en passant par Babajanian cette musique échappée aux voûtes des églises a élevé au ciel, comme une pluie de météorite, le murmure et le chant rayonnant des prières de la fille aînée de l’Église… Sourp, Sourp (le sanctus) et Der Voghormia (Dieu ayez pitié) furent deux moments exceptionnels où arménité et sens religieux ont fusionné chaleureusement. Pieuse pensée à travers le vibrant hommage musical rendu à Abbot Mekhitar de Sebaste, fondateur de la congrégation mékhitariste et dont on commémorait la 250e année de sa mort. Retour en douce aux prosodies musicales européennes à travers le célébrissime adagio d’Albinioni transcrit pour l’orgue par Zamkochian lui-même et placé dans son contexte historique grâce aux doctes explications de Zamkochian. Sonorités nouvelles Redécouverte d’une œuvre très connue et présente dans plus d’un concert, dans des sonorités nouvelles et perception «arménophile» d’une narration qu’on a écoutée cette fois sous un angle absolument différent... Chaleureux mais traversé de moments d’une insaisissable tristesse, cet adagio reste sans doute un authentique et incontournable morceau d’anthologie du répertoire de la musique baroque. Sous les doigts de Zamkochian, il avait une résonance particulière, presque nouvelle. Pour terminer, Introduction et passacaille de Jeffrey Brody, œuvre dédiée à l’organiste en signe de solidarité et de commisération avec les Arméniens ensevelis sous les décombres du séisme qui a frappé le pays de Sayat Nova et aussi en guise de fraternité et d’encouragement à tous ceux qui continuent de vivre malgré toutes les adversités. Narration moderne, audacieuse dans sa formulation, puissante, d’une beauté à couper le souffle avec ses vagues de notes déferlantes et ses silences inquiétants... Tonnerre d’applaudissements d’une salle subjuguée et émue. Longue «standing ovation» honorée par un bis encore plus émouvant. Accompagnant l’auditoire à l’orgue, Zamkochian a fait chanter le public le hayr mer (Notre père) en arménien sur une musique d’Égmalian. Une salle comble debout entonnant comme dans une messe ce chant de l’humilité et de l’amour divin avait quelque chose de plus qu’exceptionnel. Un moment de grâce où la musique était aussi offrande et prière. Quand les orgues lâchent les vannes d’une myriade de notes incandescentes sous les doigts de Zamkochian, non seulement la terre et le ciel se rejoignent pour l’auditeur, mais il a l’impression d’être emporté dans la main de l’ange...
Un moment béni où la musique a lumineusement résonné dans la grande salle de l’Assembly Hall (AUB). Aux touches du clavier de l’orgue officiait magistralement Berj Zamkochian dont le jeu a ébloui plus d’un président, ému les plus grandes autorités religieuses et reçu les félicitations du pape Paul VI. Programme fastueux, éclectique, trié au volet et admirablement...