Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

La paix en promotion

Rarement visiteur syrien aura été plus impatiemment attendu que M. Farouk el-Chareh qui a informé hier les responsables locaux des résultats de sa rencontre, la semaine dernière à Washington, avec Ehud Barak ; il a évoqué en outre avec eux la prochaine entrée en scène des négociateurs libanais, laquelle suivra de peu le rendez-vous syro-israélien du 3 janvier. D’autant plus bienvenue était cette démarche du chef de la diplomatie syrienne (encore convalescent, et qui rentre tout juste d’une épuisante mission en Amérique) que l’État libanais donne actuellement la navrante impression d’être coupé des autres sources d’information, non moins vitales. À peine clôturés avec succès les entretiens préliminaires de Washington, Bill Clinton téléphonait ainsi à divers dirigeants arabes pour leur faire part de ce premier filet de fumée blanche : à Moubarak d’Égypte, aux deux Abdallah (de Jordanie et d’Arabie séoudite), au Palestinien Arafat mais pas à Lahoud, pourtant chef du seul pays auquel échoit tout le travail de «chauffe» du processus parrainé par les États-Unis. Car si le train de la paix a fini par s’ébranler, c’est bien parce que les incessants brasiers sud-libanais ont servi à mettre la chaudière sous pression ; pour sa peine, Beyrouth aura eu droit seulement aux regrets de Madeleine Albright, à la suite du barbare bombardement de l’école publique d’Arabsalim. À l’heure où est redessinée la carte du Proche-Orient, le Liban se trouve-t-il marginalisé par l’effet de quelque obscur complot international, visant à le sacrifier sur l’autel de la paix ; ou bien paie-t-il seulement le prix de son alignement total sur Damas, de cet effacement consenti sinon tout à fait volontaire, érigé en doctrine d’État et qui amène les puissances à débattre naturellement de son sort avec la Syrie : à abréger à l’extrême les formalités en s’adressant à Dieu plutôt qu’à ses saints ? La question n’est pas sans rappeler l’histoire de la poule et de l’œuf. Il est vrai en effet que la conjoncture internationale et régionale n’a laissé d’autre choix à notre pays que de placer pratiquement tous ses œufs dans le panier syrien. Il n’est pas moins vrai cependant que les gouvernements successifs de l’après-Taëf – et leurs hommes – ont le plus souvent confondu réalisme et démission, coopération et vassalité, coordination et suivisme, unité du destin et politique de la chaise vide. Que l’on ne s’y trompe surtout pas : le Liban a mille fois raison de veiller à une coordination sans faille avec le voisin et allié syrien car le contraire serait tout à la fois inamical, inopérant et, de surcroît, suicidaire : on l’a bien vu d’ailleurs avec l’accord libano-israélien du 17 mai 1983, que Beyrouth se vit finalement acculé à abroger unilatéralement. De même, et les responsables libanais l’ont répété à l’envi, le départ contraint et forcé des troupes israéliennes du Sud, prévu pour l’été prochain au plus tard, ne suffit pas pour instaurer la paix, tout règlement global devant nécessairement inclure l’évacuation du Golan syrien occupé. Là où le bât blesse, et la question a déjà été soulevée dans un récent éditorial, c’est que l’État s’en tient strictement à cette profession de foi, à l’exclusion de tout autre discours : à l’adresse de la communauté internationale, le pouvoir omet frileusement de faire part, dans les règles, de ses préoccupations, comme de sa légitime disposition (de son aptitude !) à assumer les inévitables contraintes et obligations de la paix ; et il ne se donne même pas la peine d’insuffler à l’opinion interne l’espoir d’une paix juste et honorable, d’une paix chèrement payée en morts et en destructions, d’une paix véritablement négociée et qui ne serait pas le pitoyable appendice d’un marché plus vaste. Car il convient de la vendre aux citoyens, cette paix annoncée, il faut marketiser avec honnêteté et intelligence la pax americana : l’allié syrien l’a bien compris, qui a jeté aux orties la rhétorique des décennies passées, qui conditionne déjà son opinion au grand chambardement de l’an 2000. Il est grand temps que l’on se décarcasse pour assurer les citoyens, comme a entrepris de le faire hier le chef de la diplomatie syrienne, que nul ne négociera pour le Liban et qu’il ne sera donc pas offert en sous-traitance. Que la paix à venir est bonne à prendre. Que la démocratie en sortira renforcée, du fait d’un phénomène général de libéralisation et d’ouverture que commande, à terme, le processus de normalisation régionale. Que le prochain Parlement ne sera pas celui des ultimes compromissions. Que le pays ne sera pas contraint d’absorber un trop-plein de réfugiés. Qu’il aura droit, comme tous les autres, à une assistance américaine ou internationale. Que le retrait de l’occupant israélien n’aura pas pour corollaire la perpétuation de la présence militaire syrienne, car à quoi auraient servi alors les substantiels budgets de défense et l’institution du service du drapeau… La confiance, cela se travaille et se mérite. En fait de choc psychologique, de remède aux appréhensions ambiantes, il faudra tout de même trouver autre chose que l’envoi à Washington de l’omniprésent, de l’incontournable ministre de l’Intérieur.
Rarement visiteur syrien aura été plus impatiemment attendu que M. Farouk el-Chareh qui a informé hier les responsables locaux des résultats de sa rencontre, la semaine dernière à Washington, avec Ehud Barak ; il a évoqué en outre avec eux la prochaine entrée en scène des négociateurs libanais, laquelle suivra de peu le rendez-vous syro-israélien du 3 janvier. D’autant...