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Actualités - OPINION

Tribune Une page d'histoire tournée

Une page de l’histoire de la région vient d’être tournée avec l’annonce de la tenue d’un sommet syro-israélien à Washington. Certes, les négociations s’annoncent ardues, mais le contexte dans lequel elles se déroulent change à cause de la poignée de main qui les précède. Les adversaires ne sont plus face-à-face séparés par une barrière ; ils sont désormais côte à côte recherchant les moyens d’instaurer la paix. L’événement est capital. Personne n’aurait pu imaginer, il y a encore quelques jours, voir le ministre des Affaires étrangères – représentant le chef de l’État syrien – serrant la main du Premier ministre israélien. Et cette poignée de main qui aurait dû couronner la négociation est devenue aujourd’hui le prélude à sa reprise. La charge symbolique de cette démarche est considérable : ce n’est plus l’événement – la reprise de la négociation – qui crée l’image – la rencontre de Washington –, mais l’image qui produit l’événement. Cette procédure présuppose nécessairement la fin d’une illusion, l’illusion que la paix peut être glorieuse. Cette paix n’existe malheureusement que dans les livres d’histoire. La paix réelle, elle, ne peut être que banale, voire même mesquine, puisqu’elle n’est faite que de concessions et même de compromissions. Pour ne l’avoir pas compris, les Libanais ont raté en 1989 l’occasion d’instaurer la paix entre eux et se sont contentés de remplacer la guerre «chaude» par une guerre «froide», estimant que les grands principes au nom desquels ils s’étaient allègrement massacrés devraient régir les relations futures à établir entre eux. Le changement de perspective que provoque la rencontre de Washington est radical. Il signifie en clair que la paix n’est plus une éventualité parmi d’autres, mais une réalité dont il ne reste plus qu’à fixer les modalités. Et cette paix, avec la poignée de main historique qui l’amorce, n’est plus perçue comme un cessez-le-feu dont la durée serait illimitée ou une violence dont les effets auraient été suspendus mais elle devient le prélude à la définition d’un nouvel ordre régional, d’où l’importance de la reprise de la négociation sur le volet syro-israélien. Où sommes-nous dans ce changement en cours ? La paix, avec les changements aussi bien positifs que négatifs qu’elle implique, n’est pas facile à promouvoir et à gérer. La classe politique au pouvoir depuis deux ans déjà est devenue, depuis l’annonce de la reprise de la négociation, anachronique. Sa fonction était de maintenir le Liban rivé à la Syrie qui disposait ainsi à la foi d’un moyen de pression dans le cadre régional et d’un poumon politique et économique qui lui a permis de survivre malgré le blocus de fait qui lui était imposé. Or cette fonction n’a plus aujourd’hui de raison d’être. Nos dirigeants en sont-ils conscients ? L’adoption de la nouvelle loi électorale ne semble pas l’indiquer. Car elle obéit à des impératifs qui ne devraient plus être de mise après la reprise de la négociation. Marginaliser les chrétiens, assurer la réélection des «constantes» prosyriennes, bloquer l’arrivée d’éléments nouveaux ne sont plus des objectifs adaptés à la nouvelle situation. En cas de paix, le Liban ne pourra plus, en effet, être géré comme il l’est aujourd’hui. Les contraintes imposées par la situation de guerre que nous vivons ne pourront plus être maintenues. La tutelle syrienne devra nécessairement céder la place à des rapports plus équilibrés basés non plus sur l’allégeance d’une classe politique dont la légitimité est fortement contestée, mais sur la collaboration de tous les Libanais en fonction d’intérêts réels. La paix à venir exige la présence d’un État fort qui la protégerait. Mais un État fort ne signifie pas, dans le cas du Liban, un État répressif, mais un État dont la légitimité est reconnue par l’ensemble des Libanais. La force d’un État n’a jamais été fonction du nombre de policiers dont il dispose, mais du consensus qui le fonde. Or ce consensus a aujourd’hui besoin, avec les changements qui s’amorcent, d’être redéfini.
Une page de l’histoire de la région vient d’être tournée avec l’annonce de la tenue d’un sommet syro-israélien à Washington. Certes, les négociations s’annoncent ardues, mais le contexte dans lequel elles se déroulent change à cause de la poignée de main qui les précède. Les adversaires ne sont plus face-à-face séparés par une barrière ; ils sont désormais...