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Actualités - ANALYSE

Loi de finances - A la recherche d'une panacée Un problème essentiel, l'essence

Passera, passera pas. Encore une fois, l’essence est présentée comme une panacée financière. Une partie du nouveau pouvoir veut y recourir. Une autre partie s’en effraie. Bien sûr, le gouvernement proteste quand on lui dit qu’il est divisé. «Pas du tout, répond-il par la bouche de son porte-parole M. Anouar el-Khalil, c’est dans l’esprit le plus objectif que les ministres confrontent leurs idées». Soit, et d’ailleurs, pour le moment, le problème est ailleurs. Il est de savoir trois ou quatre choses tournant autour de l’essence : – Comment les Libanais vont-ils réagir à l’augmentation projetée ? Traditionnellement, ils sont très sensibles à ce volet. À tel point que, sous le précédent régime, si largement dominé par M. Hariri, ce dernier a connu une rebuffade sans précédent quand la majorité au Conseil des ministres a voté contre la surtaxe qu’il voulait imposer. Beaucoup plus loin dans le temps, quand Rachid Karamé avait voulu relever d’une livre l’essence qui était à sept pour construire l’autoroute du nord, il y a eu un tel tollé, des manifestations si monstres qu’il avait dû faire machine arrière. Les loyalistes «augmentistes», si l’on peut dire, soutiennent, cependant, que la population accueillera ce sacrifice sans trop grogner car elle a confiance dans le nouveau pouvoir. Mais ils reconnaissent par ailleurs que cet élément est relatif, puisqu’ils indiquent que l’on a limité à 3 000 LL (les 20 litres) le projet d’augmentation qui était initialement de 5 000 LL. En fait, cette retenue montre qu’en matière de réaction psychologique des masses, rien n’est acquis d’avance. Et, en tout cas, le degré de confiance populaire dont bénéficie le gouvernement a beaucoup baissé après la déconfiture de la réforme administrative avortée, comme l’a avoué lui-même le président Sélim Hoss. Alors les Libanais feront-ils contre mauvaise fortune bon cœur ? – C’est possible, dans un premier temps. Mais les choses risquent de se dégrader sur le plan social, et partant politique, assez rapidement. En effet on voit mal comment une augmentation de l’essence de 27,27 % (les 11 000LL passant à 14) pourrait ne pas provoquer une flambée générale des prix. À cause notamment du coût du transport. Les partisans de la mesure soutiennent contre toute logique que la cherté sera maîtrisée, contrôlée, ne dépasserait pas le taux de croissance, qui est du reste pratiquement inexistant étant tombé l’an dernier au-dessous des 2 %. On ne voit pas du tout comment l’inflation pourrait être évitée. Déjà, certains bouchers préparent leur clientèle : le kilo de bœuf passerait, si l’essence était augmentée, de 9 000 à 13 000 LL et l’agneau de 12 000 à 17 000 LL. – N’y a-t-il vraiment aucun autre moyen d’entamer l’assainissement du Trésor et le redressement budgétaire que ce recours à un poste aussi central dans l’économie que les carburants de consommation, générale ? Selon des sources loyalistes fiables, M. Georges Corm a rallié à ses vues fiscales les autres économistes du gouvernement, son collègue de l’Économie, M. Nasser Saïdi, mais aussi et surtout le président du Conseil M. Sélim Hoss, qui a fait violence à ses pulsions sociales. Or, tous les trois, avant de prendre les commandes, soutenaient que, sur le plan de la contribution, il fallait sérieusement redresser une balance trop déséquilibrée, pénalisant trop les pauvres, favorisant excessivement les riches, du moment que, sur l’ensemble des recettes, les ponctions dites indirectes représentent 70 % et les impôts directs seulement 30 %. Mais quand ils ont pris les commandes, les nouveaux dirigeants ont été confrontés à de dures réalités. La situation financière du pays est plus grave qu’on ne pensait, l’équipe précédente ayant soigneusement masqué certains chiffres. La Banque mondiale, qui exige une réduction du déficit budgétaire, ne veut pas non plus qu’on remette trop en question les orientations libérales du précédent pouvoir. De même, les riches étrangers investisseurs ou donateurs, Séoudiens en tête, s’opposent à ce qu’on relève le plafond de 10 % prélevé par le fisc sur les gains des sociétés. Alors où trouver un argent qui fait cruellement défaut quand il faut servir une dette globale de plus de 20 milliards de dollars ? Là où il est facile, garanti, de le puiser directement à la source sans présentation de comptabilités tronquées, dans la poche du contribuable ordinaire et dans les recettes douanières. On a ainsi fait flamber déjà, entre autres, le tarif de base du téléphone, en le doublant carrément, pour le porter de 33 à 66 000 LL . Dans le même sens de justice sociale extrême, on notera d’ailleurs que l’essence augmentera de 3 000 LL sur l’ordinaire de 92 octanes, l’essence des pauvres, comme sur le super de 98 octanes. – Des idées différentes pour collecter des fonds, il n’en manque pas. Les biens domaniaux maritimes, l’impôt sur les grandes fortunes ou sur le joli bond en avant des banques dont les avoirs ont plus que centuplé en six ans, les plaques minéralogiques de luxe, les médiations pour constructions illicites, etc. C’est bien parce que l’anthologie des possibilités est riche qu’il y a actuellement des tiraillements entre technocrates et politiques au sein du Cabinet. – Mais on notera sans surprise que ni les uns ni les autres ne parlent de la main-d’œuvre étrangère. Bien qu’il soit connu de tous qu’elle pompe par jour hors du pays au moins un million de dollars. – Autant sinon plus que ce que la surtaxe sur l’essence rapporterait.
Passera, passera pas. Encore une fois, l’essence est présentée comme une panacée financière. Une partie du nouveau pouvoir veut y recourir. Une autre partie s’en effraie. Bien sûr, le gouvernement proteste quand on lui dit qu’il est divisé. «Pas du tout, répond-il par la bouche de son porte-parole M. Anouar el-Khalil, c’est dans l’esprit le plus objectif que les...