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Actualités - CHRONOLOGIE

Entretien - Le chef de la diplomatie de Bagdad reçoit l'Orient le Jour Sahhaf : Washington veut démembrer l'Irak et nous riposterons si les raids continuent (photo)

Ferme et déterminé, tel est apparu hier le ministre irakien des Affaires étrangères, M. Mohammed Saïd el-Sahhaf. L’Irak refuse les propositions du Conseil de sécurité de l’Onu et n’acceptera rien moins que la levée de l’embargo économique et commercial; une éventuelle surveillance continue du programme d’armement doit aussi être appliquée à Israël; si les raids américano-britanniques lancés à partir des pays limitrophes se poursuivent, Bagdad sera contraint de riposter. Tels sont les principaux messages adressés hier par le chef de la diplomatie irakienne lors d’une interview exclusive accordée à L’Orient-Le Jour avant son départ pour Amman, à l’issue d’une visite de deux jours à Beyrouth. M. el-Sahhaf n’a pas exclu une implication des États-Unis dans l’assassinat de l’ayatollah Mohammed el-Sadr, précisant que l’ultime objectif de Washington est de «démembrer l’Irak et les autres pays arabes». Question : Américains et Britanniques mènent une guerre d’usure contre l’Irak, un dignitaire religieux chiite est assassiné et l’on parle d’émeutes durement réprimées. Le régime est-il en train de perdre le contrôle de la situation ? Réponse : Les informations sur les émeutes sont dénuées de tout fondement. Des journalistes étrangers ont visité les lieux où de prétendus troubles se sont produits et ont constaté que le calme régnait. On ne peut pas cacher ce genre d’événements. Notre peuple est uni face à l’agression. Mais certains, dans la région, sont influençables et croient les mensonges colportés ou sont carrément les agents de l’impérialisme. Je suis le ministre des Affaires étrangères d’Irak et je suis chiite. Je connais mon pays et je sais ce que les gens ressentent. L’assassinat de l’ayatollah Mohammed el-Sadr vise à provoquer des heurts (intercommunautaires) en Irak. La dernière agression américano-britannique (opération renard du désert) ne s’est pas achevée le 20 décembre. Elle se poursuit toujours, sous d’autres formes. La guerre d’usure et le meurtre du dignitaire religieux, qui était d’ailleurs un partisan du régime patriotique irakien, s’inscrivent dans le cadre du plan d’affaiblissement de Bagdad. Les États-Unis ont publiquement annoncé avoir mis sur pied un plan pour renverser notre régime et ont consacré 100 millions de dollars au financement d’une insurrection en Irak. C’est pour cela que je n’exclus pas leur participation à l’assassinat de l’ayatollah el-Sadr. Les forces de sécurité ont d’ailleurs arrêté certains de ceux qui ont participé au meurtre et les résultats de l’enquête seront bientôt rendus publics. L’objectif des Américains et des Britanniques est de démembrer l’Irak et toute la nation arabe. La Syrie, l’Arabie séoudite et même le Liban ne seront pas épargnés. Aujourd’hui, ils concentrent leurs efforts sur l’Irak parce que c’est le point fort. Ils veulent briser notre volonté et nous soumettre. Mais nous résisterons et nous ne baisserons pas les bras. Q : L’Irak a menacé de s’en prendre aux pays abritant des bases américaines dans le Golfe, avant de se rétracter. Cela dénote-t-il l’existence de divergences au sein de la direction irakienne ? R : Il n’y a pas de divergences mais chacun possède sa propre façon de s’exprimer. Nous sommes victimes d’une agression américano-britannique quotidienne à partir de la Turquie, du Koweït et de l’Arabie séoudite. Nous avons demandé à ces pays d’empêcher les criminels d’utiliser leurs territoires comme point de départ aux raids contre l’Irak. Si les attaques continuent, nous serons obligés de nous défendre. Ce n’est pas une menace, mais un acte de défense. Les facilités accordées aux forces américano-britanniques constituent une participation directe à l’agression. L’existence de traités de défense mutuelle (entre le Koweït et Londres par exemple) ne justifie pas une agression contre un troisième pays. Q :Lors de vos entretiens à Damas, avez-vous constaté que les dirigeants syriens partagent votre approche de la situation dans la région ? R : L’analyse des responsables syriens est globalement similaire à la nôtre. Ils sont conscients du danger qui les guette eux aussi. Nous avons proposé de renforcer la coopération et les concertations bilatérales. Nous avons aussi décidé de prendre rapidement les mesures nécessaires pour rendre cette coordination plus efficace dans les domaines économique et commercial. Les exportations libanaises vers l’Irak s’élèvent à 70 millions de dollars. Pour la Syrie, c’est le double. Les autorités libanaises ont par ailleurs proposé d’utiliser les ports du Liban comme point de transit pour les marchandises destinées à l’Irak. Je vais transmettre cette proposition à mon gouvernement. Comme vous le constatez, la normalisation est en constante progression. Nous sommes prêts à faire fonctionner à nouveau l’oléoduc irakien qui passe par la Syrie. Nous avons par ailleurs conclu un accord pour installer un second oléoduc, ce qui va se traduire par une réactivation dans un proche avenir de l’oléoduc qui débouche au Liban. Nous avons presque terminé les travaux de réhabilitation de la partie irakienne de l’oléoduc et nous sommes disposés à aider les Syriens à en faire de même chez eux. Pour ce qui a trait aux relations diplomatiques, nous sommes disposés à les rétablir immédiatement. Mais les responsables libanais et syriens préfèrent que cela se fasse graduellement. Quoi qu’il en soit, nous avons décidé d’augmenter le degré de représentation. Q : Pour quelles raisons l’Irak a-t-il rejeté les propositions du Conseil de sécurité concernant la surveillance du programme d’armement ? R : Cette proposition prévoit la création de trois commissions. La première compte vingt membres et a pour mission de veiller au désarmement de l’Irak. La deuxième, composée de quatre membres, est chargée d’évaluer la situation humanitaire. La dernière traite du dossier des disparus et des biens koweïtiens. Tous ces organismes ont une fonction décorative et visent à gagner du temps. La commission sur le désarmement comprend dans ses rangs les espions les plus doués qui faisaient partie de l’Unscom. La commission humanitaire est inutile. Le secrétaire général de l’Onu a déjà élaboré huit rapports évaluant la situation humanitaire dans le pays. Que reste-t-il encore à étudier sur ce plan ? Enfin, la question des disparus concerne le Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Pour ce qui est des biens, nous avons restitué ce qui était en notre possession. L’Irak ne se sent nullement concerné par les propositions du Conseil de sécurité. Il faut que l’Onu commence par lever l’embargo économique. Nous sommes prêts au dialogue. Mais pour ce qui concerne la surveillance continue du programme d’armement, celle-ci doit se faire conformément à l’article 14 de la résolution 684 (le désarmement de l’Irak). Celui-ci précise que cette mesure doit être appliquée à tous les États de la région, notamment à Israël. Je le réaffirme : nous ne cèderons pas et les agresseurs seront vaincus.
Ferme et déterminé, tel est apparu hier le ministre irakien des Affaires étrangères, M. Mohammed Saïd el-Sahhaf. L’Irak refuse les propositions du Conseil de sécurité de l’Onu et n’acceptera rien moins que la levée de l’embargo économique et commercial; une éventuelle surveillance continue du programme d’armement doit aussi être appliquée à Israël; si les raids...