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Actualités - CHRONOLOGIE

Edition Les chrétiens du Liban entre la politique et la justice

Le passé proche étant sans doute trop douloureux et complexe, nul ne s’était encore risqué à l’analyser. À peine avions-nous eu droit jusqu’à présent à quelques impressions, récits personnels ou tentatives d’expliquer des tranches tout à fait limitées de notre histoire contemporaine. Il a donc fallu un grand courage à notre confrère du Safir Farès Khachan pour oser se pencher sur les neuf dernières années, qui ont vu tant de bouleversements au sein de la communauté chrétienne du Liban et l’émergence de ce qu’on a appelé le malaise chrétien. Responsable de la rubrique judiciaire au quotidien as-Safir et conseiller à l’information du ministre de la Justice, Khachan n’est pas un journaliste comme les autres. De par sa double fonction, mais aussi à cause d’une curiosité toujours en éveil et d’une quête inlassable d’une vérité sans cesse changeante, Khachan a été le témoin privilégié d’une actualité qui aujourd’hui encore continue de soulever les passions : l’arrestation du chef des FL dissoutes Samir Geagea, leader contesté mais charismatique d’une communauté en plein désarroi. Le journaliste a vu dans cette situation une matière idéale pour ses articles, mais le chrétien en déroute s’est posé mille questions avant de chercher à y répondre. C’est ainsi qu’est née la Colonne de sel en référence à la femme de Lot, qui selon la Bible a été transformée en statue de sel, parce qu’elle s’était retournée au cours de sa fuite, avec sa famille, avant la pluie de soufre et de feu sur Sodome et Gomorrhe. Le symbolisme est fort. Khachan commence son livre de 270 pages avec l’opération du 13 octobre 1990, qui a mis un terme à la «rébellion» du général Michel Aoun qui, selon lui, a constitué un tournant dans la vie politique des chrétiens. Il parle ensuite de la lente réédification de l’État, qui parce qu’il était trop faible a tenté de récupérer ses prérogatives en négociant avec les milices de l’époque. Ce fut ensuite la loi d’amnistie, qui visait essentiellement le général Aoun, avant d’ouvrir la voie aux poursuites engagées contre Geagea. Il y a eu aussi les années du conflit latent entre une armée qui cherchait à se reconstruire sur une base non-confessionnelle, et des FL ayant une vision particulière de l’État. Enfin, Khachan arrive à l’attentat contre l’église de Zouk, le 27 février 1994. Il reconstitue les circonstances de ce drame avant de se lancer dans une analyse détaillée des grands moments des procès dans lesquels était impliqué le chef des FL. Tout en dressant des portraits souvent inattendus des protagonistes de cette période mouvementée et passionnelle, l’auteur fait une lecture nouvelle et critique du verdict de la Cour de justice dans l’affaire de l’église de Zouk. Documents – souvent inédits - à l’appui, il retrace la démarche des services de sécurité au cours d’une enquête précipitée en raison des pressions de l’opinion publique. À la fois analyse et récit, l’ouvrage de Khachan tente de donner une explication au malaise des chrétiens, en en recherchant les causes et en l’éclairant d’une lumière nouvelle. Brusquement, tout semble s’enchaîner dans une logique implacable, entraînant le pays dans un terrible cercle vicieux, dont selon l’auteur on ne peut sortir qu’en cessant de regarder derrière soi. L’ancien président de la Cour de justice, M. Philippe Khairallah, qui a été le premier à juger Geagea, a rédigé la préface de l’ouvrage, donnant ainsi sa crédibilité à un livre qui conteste pourtant l’un de ses jugements.
Le passé proche étant sans doute trop douloureux et complexe, nul ne s’était encore risqué à l’analyser. À peine avions-nous eu droit jusqu’à présent à quelques impressions, récits personnels ou tentatives d’expliquer des tranches tout à fait limitées de notre histoire contemporaine. Il a donc fallu un grand courage à notre confrère du Safir Farès Khachan pour...